Veille effectuée par Lucas Dureuil*

 

Du 22/01/2021 au 29/01/2021

 

 

 

22/01 :

  • CNN a révélé la construction d’une série de tranchées et de fortifications entre Syrte et Al-Jufra par les mercenaires russes. 
  • Une délégation libyenne, issue de l’Armée nationale libyenne, est arrivée à Damas et doit prendre ses fonctions à l’ambassade de Libye en Syrie. 
  • La mission d’appui des Nations unies en Libye (MANUL) a ouvert la période de candidatures pour former le Conseil présidentiel. Il se composera de trois membres, issus des trois régions. 
  • Ouverture de nouvelles discussions sur le dialogue inter-libyen à Bouznika, au Maroc, en présence des délégations du Haut Conseil d’État, rattaché au Gouvernement d’union nationale (GNA), et de la Chambre des représentants, affiliée aux forces du Maréchal Haftar. 

 

23/01 :

  • L’échéance du 23 janvier, date à laquelle les troupes étrangères et mercenaires devaient se retirer de Libye, en vertu de l’accord du 23 octobre 2020, est désormais passée. 
  • Des combattants syriens ont été amenés de Soueïda à la base aérienne de Hmeimim par la Russie, afin d’être envoyés en Libye. 
  • La Commission militaire mixte 5+5, comprenant 5 représentants du Gouvernement d’union nationale (GNA) et 5 représentants des forces du maréchal Haftar, a appelé les parties de la conférence de Berlin à mettre en oeuvre leurs promesses et engagements, notamment concernant le cessez-le-feu et le retrait des mercenaires. 
  • Quatre nouveaux ambassadeurs à Tripoli, de la Bosnie-Herzégovine, de la Corée du Sud, du Rwanda et de l’Iran, ont été reçus par Fayez Al-Sarraj. Ils ont souligné les liens d’amitié entre leurs pays et la Libye. 

 

24/01 : 

  • La Garde des installations pétrolières (proche du maréchal Haftar) a suspendu les exportations de pétrole depuis le port d’Harissa, situé à Tobrouk, en signe de protestation contre le retard du paiement des salaires. Les ports et champs pétroliers avaient été rouverts en septembre 2020, après huit mois de blocus.
  • Travail de coopération entre équipes de déminage libyennes et turques au sud de Tripoli, où les milices d’Haftar avaient posé des engins explosifs lorsqu’elles étaient en fuite. 
  • Rencontre entre le Ministre de la Défense libyen, Salah el Din Al-Namroush, et le Président du Tchad Idriss Déby. Les discussions ont porté sur le renforcement de la coopération entre les deux pays, notamment sur la sécurisation et le contrôle de leurs frontières. 

 

25/01 :

  • L’ambassadeur américain en Libye, Richard Norland, adresse son soutien à la Commission militaire mixte 5+5. 
  • Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, exhorte les parties de la conférence de Berlin à respecter le cessez-le-feu et le retrait des mercenaires. 
  • La Compagnie générale d’électricité libyenne (GECOL) prépare le retour des entreprises coréennes en Libye. Elle a tenu une réunion avec l’ambassadeur coréen en Libye et une délégation de la société coréenne Daewoo. 

 

26/01 : 

  • Un accord a été trouvé lors des discussions de Bouznika concernant la sélection des dirigeants des institutions régaliennes. Cet accord soumet la sélection à des critères géographiques, une répartition devant s’effectuer entre les différentes régions. 
  • Le Conseil suprême judiciaire, des membres du Haut Conseil d’État et des membres de la Chambre des représentants ont déjà affiché leur refus de ces quotas régionaux. 
  • Le Ministre des Affaires étrangères libyen, Mohammed Sayala, a salué la nomination du slovaque Ján Kubiš, récemment désigné envoyé spécial pour la Libye et chef de la MANUL. La représentante par intérim était jusqu’à présent l’américaine Stephanie Williams.

 

27/01 :

  • Le porte-parole des forces de Khalifa Haftar, Ahmed Al-Mismari, a dénoncé le dialogue inter-libyen qui se déroule au Maroc, qui offre selon lui une tribune aux Frères musulmans. 
  • En visite à Tripoli, le Ministre des Affaires étrangères algérien, Sabri Boukadoum, a de nouveau exprimé le soutien de l’Algérie aux accords prévoyant des élections nationales en décembre 2021. Le Ministre a par ailleurs exprimé la volonté d’Alger de jouer un plus grand rôle dans les discussions diplomatiques. En témoigne la réouverture de l’ambassade algérienne en Libye, à Tripoli, prévue dans les prochains jours. 
  • Rencontre à Tripoli entre l’ambassadeur de Malte en Libye et des officiers généraux de la marine libyenne.
  • Le Ministre des Affaires étrangères algérien, Sabri Boukadoum, en visite à Tripoli, a annoncé la réouverture de l’ambassade de l’Algérie à Tripoli dans les prochains jours. Il s’est également entretenu avec Fayez Al-Sarraj. 

 

28/01 :

  • Le représentant libyen aux Nations Unies a rappelé que les ingérences étrangères doivent cesser et que les mercenaires doivent quitter le pays. 
  • L’ambassadeur américain par intérim à l’ONU, Richard Mils, a invité les puissances étrangères à retirer leurs mercenaires et à cesser toute intervention militaire. Il vise directement la Turquie, la Russie et les Émirats arabes unis. 
  • Avant la prise de fonction de Ján Kubiš, Stephanie Williams a fait un point de la situation libyenne devant le Conseil de Sécurité. Elle a notamment mis l’accent sur les efforts du dialogue inter-libyen et a appelé les parties à respecter les accords du 23 octobre 2020.
  • Un membre du Conseil présidentiel, Ahmed Maiteeq, est arrivé à Moscou où doivent se tenir des réunions avec Sergueï Lavrov.

 

29/01 :

  • Le Ministre des Affaires étrangères libyen, Mohammed Sayala, s’est entretenu avec Fleur Wilson, représentante de l’ambassade britannique à Tripoli. Le Royaume-Uni a confirmé son soutien au dialogue inter-libyen. 

 

 

 

Décryptage

 

Mercenaires

Alors qu’en vertu de l’accord de cessez-le-feu du 23 octobre 2020, les mercenaires devaient quitter le pays au plus tard le 23 janvier 2021, ni la Turquie, ni la Russie n’agit en ce sens. La construction de tranchées et fortifications par les mercenaires russes montre que les mercenaires ne sont pas près d’être renvoyés chez eux. Selon les Nations Unies, environ vingt mille mercenaires seraient présents en Libye. Assez logiquement un enlisement du conflit déjà paralysé est donc à prévoir. Le jeu russo-turc d’implication militaire directe ou par proxys (comme en Syrie) se poursuit.

 

 

Coopération Assad-Haftar

L’ambassade de Libye à Damas avait été rouverte en mars 2020. Cette réouverture suivait la signature d’un accord le 3 mars 2020 entre la Syrie et les forces du maréchal Haftar. Alors que le GNA est reconnu par la communauté internationale et dispose par conséquent de l’accès aux postes diplomatiques, Bachar Al-Assad en a décidé autrement et ne cache pas sa coopération avec le maréchal Haftar. Ce sont bien les représentants de ce dernier qui siègent à l’ambassade libyenne de Damas. 

Assad et Haftar se posent en rempart contre le terrorisme dans leurs pays respectifs. C’est notamment cet aspect qui justifie la position française ambiguë en Libye. Alors que la communauté internationale reconnaît le gouvernement de Sarraj, la France entretient des liens étroits avec les forces du maréchal Haftar. Ce dernier représente pour Paris le rempart face à l’islamisme.

 

 

Discussions et travaux internationaux pour une résolution de conflit 

Les négociations pour trouver une issue au conflit se poursuivent. Le dialogue inter-libyen est mené par des délégations représentantes du Haut Conseil d’État, rattaché au GNA, et de la Chambre des représentants, affiliée aux forces d’Haftar. Depuis le 22 janvier 2021, une nouvelle session de discussions s’est ouverte à Bouznika (Maroc). Elle est notamment consacrée aux nominations à la tête de sept institutions régaliennes : la Banque centrale, l’autorité de contrôle administratif, l’Instance nationale de lutte contre la corruption, la Haute commission électorale libyenne, la Cour Suprême et le poste de procureur général.

En parallèle de ce dialogue, les travaux du Comité consultatif de l’ONU se poursuivent. Ce comité se compose de 18 membres, issus des différentes régions et des différents partis politiques du pays. Il est chargé de proposer un mécanisme de sélection d’un exécutif unifié, en vue des élections nationales fixées au 24 décembre 2021, date symbolique du 70e anniversaire de l’indépendance de la Libye. 

 

 

Lutte d’influence régionale entre le Maroc et l’Algérie 

Le 27 janvier, le Ministre des Affaires étrangères algérien, Sabri Boukadoum, en visite à Tripoli, a annoncé la réouverture de l’ambassade de l’Algérie à Tripoli dans les prochains jours. Cette réouverture s’inscrit dans la lutte d’influence régionale entre le Maroc et l’Algérie. Alger a ainsi pour ambition de limiter la marge de manoeuvre diplomatique du Maroc dans le conflit libyen, et par extension en Afrique du Nord.

Les deux pays entretiennent des relations conflictuelles que la récente reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental par les États-Unis est venue raviver. En effet, depuis décembre 2020, l’accord visant à la normalisation des relations israélo-marocaines s’est accompagné de la reconnaissance de la « marocanité » du Sahara occidental par les États-Unis. Cette partie de l’accord est passée quasiment inaperçue mais ses conséquences stratégiques sont réelles et cruciales. Depuis le départ espagnol en 1976, le Sahara occidental est le théâtre d’une lutte entre le Maroc et les Sahraouis du Front Polisario soutenus par l’Algérie, qui revendiquent leur indépendance. 

La reconnaissance américaine est une victoire importante pour Rabat face à un axe d’alliance Algérie-Iran. Depuis 2019 en effet, l’Iran apporte son soutien au Front Polisario. L’Algérie dispose également du soutien de la Russie et l’on peut penser qu’elle cherchera un nouvel allié du côté de la Chine, qui partage de nombreux intérêts avec l’Iran. Ce foyer de tension mérite d’être étroitement surveillé. En effet, dans cette lutte d’influence régionale, l’Algérie a adopté en novembre 2020, une nouvelle Constitution qui rompt avec le non-interventionnisme militaire. On ne peut exclure qu’une montée non maitrisée des tensions avec le Maroc ou leur instrumentalisation depuis l’extérieur puisse dégénérer militairement.

Par ailleurs, il sera intéressant d’observer l’évolution de la position de la nouvelle administration Biden, qui affiche sa préoccupation pour le respect des droits de l’homme. Selon que celle-ci sera cosmétique ou sincère, les modalités de règlement de la question du Sahara occidental que les responsables du dossier sahraoui proposeront, apaiseront ou envenimeront – par exemple si Washington suggérait l’organisation d’un référendum d’autodétermination – les relations entre Rabat et Alger.

 

 

 

* Lucas Dureuil, chargé de mission chez Geopragma

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