Billet d’actualité par Alexis Feertchak, membre fondateur de Geopragma.

A Shanghai, le chantier naval de Hudong Zhonghua a mis à l’eau le troisième porte-hélicoptères de Type 075, un navire amphibie (autrement dit destiné aux opérations mer-terre) de 35 000 tonnes. Le premier, tête de classe, a été mis à l’eau en septembre 2019 et le deuxième en avril 2020. Il s’est donc passé seulement sept mois entre les deux premières mises à l’eau et neuf entre les deuxième et troisième. Le rythme, extrêmement soutenu, devrait se poursuivre étant donné que 8 navires de cette classe auraient été commandés. Si la Chine poursuit sur sa lancée, ils pourraient être mis en service d’ici 2027. A titre de comparaison, rappelons que les trois porte-hélicoptères d’attaque français, les Mistral, déplacent 20 000 tonnes. Les Type 075 sont donc près de deux fois plus lourds.  

 

 

                                               Porte-hélicoptères chinois de Type 075

 

La Chine plancherait déjà sur son successeur, le Type 076, qui passerait un cran au-dessus en termes de gabarit (plus de 40 000 tonnes) et pourrait être équipé de catapultes électromagnétiques et de brins d’arrêt, ce qui en ferait un porte-aéronefs léger destiné à l’emploi de drones lourds à long rayon d’action. Cette future classe de navires ne servirait alors plus seulement de navires amphibies, mais aussi de navires océaniques, ses drones pouvant servir à la reconnaissance de groupes navals ennemis en haute mer, qui pourraient alors être pris pour cible par des missiles balistiques terrestres anti-navires, comme le DF-26 (5 000 km de portée). Même si aucune mise sur cale de Type 076 n’a pour l’instant été annoncée (les Chinois ne les annoncent d’ailleurs jamais) et même s’il est encore trop tôt pour l’affirmer à l’indicatif, la PLAN (nom de la marine chinoise) pourrait être dotée d’au moins dix porte-hélicoptères d’ici 2030, principalement des Type 075 mais également quelques Type 076.

Ceci est loin d’être anodin dans la mesure où les Etats-Unis possèdent pour leur part 9 (et normalement 10 ou 11) porte-hélicoptères, lesquels peuvent, pour certains, déployer des avions à décollage court et atterrissage vertical (les F-35B, qui remplacent les Sea Harrier). Il s’agit des 7 Landing Helicopter Dock (LHD) de classe Wasp mis en service entre 1989 et 2009 (un huitième, le Bonhomme Richard sera démantelé suite à un violent incendie en 2020) et des deux LHD de nouvelle génération de classe America mis en service en 2014 et en 2020. Un troisième est en construction depuis 2019. Les Wasp déplacent 40 000 tonnes contre 45 000 pour les America. D’ici 2030, les Etats-Unis pourront difficilement voir leur format d’une dizaine de navires évoluer à la hausse : les America viendront simplement remplacer peu à peu les Wasp

Qu’en conclure ? En matière de porte-hélicoptères amphibies, la Chine pourrait approcher de la parité avec les Américains d’ici 2030, ce qui serait le premier sous-ensemble de la marine pour lequel ce serait le cas. En matière de porte-avions et de sous-marins nucléaires (lanceurs d’engins ou d’attaque), Pékin est encore largement distancé par Washington. Et même si les progrès chinois sont rapides (2 porte-avions à tremplin de 60 000 tonnes déjà en service et d’ici deux ou trois ans un premier porte-avions à catapultes électromagnétiques de 75 000 tonnes), elle ne peut en une décennie parvenir à une parité avec l’US Navy dont le format est depuis longtemps de 10 ou 11 supercarrier de 100 000 tonnes à propulsion nucléaire et à catapultes (électromagnétiques pour la nouvelle génération Gerald Ford). Quant aux sous-marins, là encore, les Chinois ne peuvent à moyen terme combler l’écart, que ce soit en quantité ou en qualité, même si les progrès chinois sont bien réels.

Restent les navires de combat de premier rang. Depuis dix ans, les progrès de Pékin sont impressionnants, et abondamment rapportés. En plus d’une quinzaine de destroyers mis en service entre 1999 en 2007, la PLAN peut compter sur deux classes principales de navires : les destroyers 052D de 7 500 tonnes (15 en service, 10 en construction) et les destroyers 055 de 12 000 tonnes (un et bientôt deux en service, plus dix en construction). Soit, d’ici 3 ans probablement, 48 destroyers modernes, auxquels il faudrait ajouter 30 frégates modernes de 4 000 tonnes, les Type 054A. Néanmoins, à part les destroyers de Type 055, les frégates et destroyers chinois ne sont pas comparables en déplacement et en armements aux 68 destroyers américains de classe Arleigh Burke (de 8 000 à 10 000 tonnes, mis en service de 1991 à aujourd’hui), aux 22 croiseurs de classe Ticonderoga (10 000 tonnes, mis en service entre 1986 et 1994) et aux 3 étonnants destroyers Zumwalt (18 000 tonnes, 3 en service). Par exemple, les destroyers et croiseurs américains disposent chacun de 80 à 122 lanceurs verticaux (VLS pour Vertical Launching System) pour autant de missiles de croisière et de missiles anti-aériens. Excepté les Type 055 (110 VLS), les autres frégates et destroyers chinois disposent chacun de « seulement » 32 à 64 VLS. La quantité ne fait certes pas tout, mais les Chinois sont encore loin du format américain de plus de 80 destroyers lourds.

D’ici 2030, l’écart pourrait néanmoins se resserrer. Au cours de la nouvelle décennie, la plupart des croiseurs Ticonderoga devraient être retirés du service. Certes, la construction des destroyers Arleigh Burke se poursuit : leur nombre pourrait passer de 68 à 89, ce qui permettrait de contrebalancer le départ desdits croiseurs. Par ailleurs, pour augmenter malgré tout le format de sa flotte, les Etats-Unis ont décidé de relancer la construction de frégates (ce type de navires ne faisant plus partie de l’US Navy depuis le retrait des Oliver Hazard Perry). Quinze frégates de la nouvelle classe Constellation, dérivée des FREMM italiennes, pourraient être construites d’ici 2030. Les Etats-Unis pourraient ainsi compter 107 navires de surface de combat de premier rang en 2030.

En face, la Chine devrait poursuivre la construction de destroyers 052D, de destroyers 055 et pourrait lancer des versions modernisées de ceux-ci (052E et 055A ?). Un projet de frégates 054B (successeur des 054A) est aussi prévu. Au rythme actuel de construction (de 3 à 5 destroyers par an, de 2 à 3 frégates), on pourrait imaginer la mise en service d’ici 2030 de 40 destroyers et de 25 frégates qui viendraient s’ajouter au 48 destroyers et 30 frégates modernes déjà en service. Soit peu ou prou un format chinois hypothétique de 90 destroyers et de 50 frégates, à comparer au format américain de 90 destroyers et 15 frégates. En nombre de navires, les Chinois seraient donc devant les Etats-Unis en 2030. Avec une limite néanmoins : comme nous le disions, seuls les Type 055, qui ne composeront qu’une petite partie de la flotte chinoise de destroyers, peuvent prétendre égaler les Arleigh Burke qui composeront l’intégralité de la flotte américaine de destroyers. Les Américains continueront ainsi de bénéficier d’un certain avantage en matière de destroyers lourds, sauf bien sûr si le rythme de production chinois accélérait encore durant la prochaine décennie. A ce propos, on ne peut jouer les Cassandre, mais préciser quand même deux points : la croissance économique chinoise tend à se stabiliser et la croissance de la flotte chinoise, inversement, ne peut être infinie. Les Chinois devront bientôt faire face à un défi auquel les Américains sont habitués depuis longtemps : il ne suffit pas de constituer une flotte, encore faut-il, ensuite, l’entretenir et la renouveler.

En définitive, la mise à l’eau des trois premiers porte-hélicoptères chinois en moins d’un an et demi est un « bond en avant » pour la PLAN, plus encore si l’on songe à la question taïwanaise, qui sera, pour Pékin, probablement le plus grand enjeu géostratégique de la décennie 2020 et qui comporte, sur le plan militaire, un volet amphibie évident. Or, d’ici que cette décennie s’achève, la Chine pourrait parvenir à parité avec les Etats-Unis en matière de porte-hélicoptères. Une première étape qui plairait certainement à Xi Jinping, lequel veut faire de la PLAN une « marine de classe mondiale » – comprendre : au moins au niveau de l’US Navy… – d’ici 2049 (pour le centenaire de la RPC).

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3 comments

  1. Fabrice

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    Concernant la militarisation de la chine je pense qu ils veulent etre une puissance regionale capable d afronter les USA si besoin et eviter d etre une cible militaire envisageable pour les americains et alliés comme l ont été l Irak, la Lybie, le Nicaragua ou la Syrie qui ont deplu ou contrarié les interets de l oncle sam.

  2. Fabrice

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    De mon point de vue si les US n avait pas le besoin de projeter de la puissance militaire aux 4 coins du globe pour maintenir la toute puissance des echanges en dollar, de l ingerance et les sanctions on aurait pas cette course a l armement et ces campagnes de democratisations via tapis de bombes….

  3. Michel Pinard

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    Heureusement que nous avons deux ou trois chaloupes en Polynésie ; elles permettront d’évacuer nos Autorités locales en cas de grabuge…

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