Veille réalisée par Louis-Marie Doly, chargé de mission chez Geopragma, du 06 janvier au 25 mars 2021.
Chronologie :
Le 06/01
- La défense anti-aérienne syrienne activée contre une « agression israélienne » dans le sud du pays.
Le 12/01
- Le ministre syrien des Affaires étrangères et des Expatriés Fayçal Meqdad a exigé le « retrait immédiat et inconditionnel » des forces américaines de Syrie qu’il accuse de « vol systématique » des ressources pétrolières et agricoles dans le nord de la Syrie.
- L’ambassadeur d’Iran auprès des Nations Unies Majid Takht Ravanchi a appelé à la levée « immédiate » des sanctions « politiques, illégales et inhumaines » américaines imposées à la Syrie au moment où les Syriens souffrent gravement des attentats et de la pandémie de coronavirus.
Le 13/01
- 57 combattants pro-iraniens tués en Syrie par des frappes imputées à Israël dans la ville de Deir Ezzor et la région de Boukamal à l’est du pays.
Le 20/01
- Des tirs ont visé la base aérienne irakienne de Balad, au nord de Bagdad, blessant un employé irakien d’une entreprise américaine chargée de la maintenance de F-16.
Le 21/01
- Le représentant permanent de la Chine auprès des Nations Unies Zhang Jun a déclaré que la communauté internationale devrait, conformément au droit international et aux résolutions du Conseil de sécurité, soutenir la Syrie dans le renforcement de ses efforts de lutte contre le terrorisme et ne pas permettre une présence soutenue de forces terroristes dans la région d’Idlib.
Le 22/01
- Le ministre des Affaires étrangères et des Expatriés Fayçal Miqdad a appelé le Conseil des droits de l’homme à mettre en priorité les violations graves et systématiques résultant des mesures coercitives unilatérales américaines et européennes contre le peuple syrien.
- L’émissaire des Nations Unies pour la Syrie Geir Pedersen a déclaré que les discussions avec le ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal Meqdad étaient « complètes et approfondies » concernant les questions liées à la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU qui trace une solution politique en Syrie à travers le Comité constitutionnel.
- Des roquettes sont tombées près de l’ambassade américaine à Bagdad.
Le 02/02
- Une jeune femme israélienne traverse la frontière syrienne avant d’être arrêtée par les forces de sécurité puis incarcérée.
Le 06/02
- Dans la nuit, des frappes israéliennes ont frappé des entrepôts de la force Al-Qods iranienne et des cibles du Hezbollah dans la région de Quneitra dans le sud de la Syrie.
Le 07/02
- L’Équipe d’évaluation des déclarations de l’OIAC se ren en Syrie jusqu’au 25 février 2021 pour la vingt-quatrième série de consultations.
Le 08/02
- Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s’est entretenu avec Vladimir Poutine pour lui demander son soutien afin de favoriser le retour de la ressortissante israélienne incarcérée en Syrie.
Le 10/02
- Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a déclaré chercher à obtenir un accès plein et régulier aux près de 62 000 personnes du camp d’al-Hol dans le nord-est de la Syrie pour leur fournir une assistance complète et vitale, notamment de la nourriture, de l’eau potable, des installations sanitaires, des abris et d’une série d’autres services, y compris l’assainissement, la nutrition, l’éducation et la protection.
Le 15/02
- L’assistant principal du ministre iranien des Affaires étrangères Ali Asghar Khaji a réaffirmé que l’Iran est présent en Syrie à la demande officielle du gouvernement syrien.
- Des roquettes ont touché une base militaire accueillant des troupes étrangères de la coalition à l’aéroport d’Irbil, capitale du Kurdistan irakien. Deux personnes ont péri, dont un entrepreneur civil étranger travaillant avec la coalition
Le 18/02
- À l’issu du 15e pourparlers au format Astana qui se sont tenus à Sotchi, l’Iran, la Russie et la Turquie se sont déclarés préoccupés par l’intensification des activités terroristes à Idlib et ont exprimé leur opposition à la saisie et à la distribution illégales des revenues de la vente de pétrole appartenant à la Syrie.
- Les trois pays se sont par ailleurs déclarés gravement préoccupés par la situation humanitaire en Syrie, aggravée par la pandémie de COVID-19 et ont rejeté toutes les sanctions unilatérales imposées à la Syrie qui sont contraires au droit international et à la Chartre des Nations-Unies.
Le 19/02
- Israël accepte de financer l’achat de vaccins russes Spoutnik V pour la Syrie en échange de la libération de la ressortissante israélienne détenue dans le pays.
Le 25/02
- Le Pentagone a confirmé que l’armée américaine avait mené des frappes aériennes contre « des infrastructures utilisées par des groupes soutenus par l’Iran dans l’est de la Syrie » en représailles à de récentes attaques visant des personnels américains et de la coalition en Irak.
Le 26/02
- Selon l’OSDH, au moins 22 combattants pro-Téhéran ont été tués par les frappes américaines.
- Le président américain Joe Biden a appelé l’Iran à « faire attention » et à ne pas agir imprudemment .
- Le gouvernement syrien dénonce une agression américaine illégale.
- Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, a réaffirmé que la République islamique continuerait de soutenir le gouvernement syrien dans sa lutte contre le terrorisme et ses efforts pour assurer la sécurité et la stabilité dans tout le pays.
- Le ministère russe des Affaires étrangères a fermement condamné l’attaque américaine contre la zone frontalière syro-irakienne, la qualifiant d’une « violation inacceptable du droit international ».
- Le porte-parole du Ministère chinois des Affaires étrangères Wang Wenbin appelle toutes les parties concernées à respecter la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie et à éviter d’ajouter de nouvelles complications à la situation.
Le 27/02
- Le ministère vénézuélien des Affaires étrangères condamne vivement l’attaque militaire américaine sur les territoires syriens et exprime sa profonde solidarité avec le peuple et le gouvernement de « ce pays frère ».
- Le ministre des Relations extérieures de la République de Cuba Bruno Rodríguez Parrilla a indiqué que son pays condamne l’agression américaine contre la République arabe syrienne et a assuré qu’elle constituait une violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie et une transgression du droit et de la Charte de l’ONU.
Le 28/02
- Le directeur de l’Institut tchécoslovaque pour les relations internationales Jaromir Shalabata a condamné l’agression américaine sur le territoire syrien et a mis en garde contre le danger de la politique américaine hostile et ses répercussions qui contribuent à augmenter la tension dans la région.
- Le président du conseil islamique de la Choura iranien pour les affaires internationales Hussein Amir Abdel Lahian a discuté avec le doyen de la faculté de Droit de l’université de Damas, le Dr Haitham al-Tas, des moyens de renforcer et développer la coopération entre les deux pays dans les domaines, scientifique, éducatif et de la recherche.
- La défense anti-aérienne syrienne a intercepté des missiles israéliens tirés sur Damas depuis le plateau du Golan.
Le 01/03
- La publication d’un rapport d’enquête par des ONG confirme que le régime d’Assad a perpétré des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité au cours des dix dernières années, contre des civils, en violation des droits de l’homme.
Le 03/03
- Le représentant de la Fédération de Russie à l’Assemblée générale auprès des Nations Unies Stepan Kuzmenkov, a indiqué que la politisation de la situation en Syrie n’aide pas à sa stabilisation et à trouver un règlement de la crise dans ce pays.
- Lors de sa rencontre avec l’ambassadeur de Syrie à Minsk, Mohammad al-Omrani, le chef de la Commission permanente des affaires étrangères à la chambre des députés biélorusse a souligné que son pays soutient la Syrie face aux mesures coercitives injustes imposées par les Etats-Unis et les pays occidentaux.
Le 04/03
- Le ministère bolivien des Relations extérieures a déclaré que la Bolivie exprime sa solidarité avec le peuple syrien à la suite de l’agression contre des zones à l’est de la Syrie et condamne vivement telles ces actes qui constituent une violation des droits de l’homme.
- L’ambassadeur permanent de la Syrie auprès de l’ONU Bassam Sabbagh appel les États parties de l’OIAC à ne pas suivre les tentatives des États-Unis et de la France de promouvoir le projet de résolution visant à trouver des prétextes en vue de commettre davantage d’agressions contre la Syrie.
- Les deux commissions syrienne et russe concernées par le retour des Syriens déplacés ont affirmé que les forces de la Coalition, dirigée par les Etats-Unis, continuent à soutenir les terroristes en armes et en fonds et tentent d’étouffer le peuple syrien au niveau économique, au moment où elles continuent à piller les richesses nationales des pays au lieu de lutter contre le terrorisme.
- Le président du Comité des relations étrangères au Conseil de la Choura iranien, vice-président du Groupe d’amitié parlementaire Iran-Syrie, Abbas Kalro a rencontré l’ambassadeur de Syrie à Téhéran, le Dr Chafiq Dayyoub pour discuter du renforcement des relations stratégiques, économiques et commerciales entre les deux pays.
Le 05/03
- Le représentant permanent adjoint de la Chine auprès des Nations Unies Geng Shuang appel à ce que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) respecte les principes d’indépendance, d’impartialité et d’objectivité.
- Le représentant permanent de Russie auprès des Nations unies Vassily Nebenzia a réaffirmé que la Syrie avait rempli toutes ses obligations envers l’OIAC en ce qui concerne le soi-disant “dossier chimique”, soulignant que les pays occidentaux continuent d’utiliser cette question comme un outil pour faire pression sur le gouvernement syrien.
- Le ministère russe de la Défense a indiqué que les réseaux terroristes à Idlib avaient mené, pendant les dernières 24 heures, 26 attaques contre des zones et sites dans les banlieues d’Idlib, Hama, Alep et de Lattaquié.
Le 07/03
- Le délégué permanent de la Russie auprès de l’OIAC Alexander Shulgin à appeler l’organisation à mener une enquête honnête et authentique sur « l’attaque chimique » présumée dans la ville de Douma dans la banlieue de Damas en 2018.
Le 08/03
- L’explosion de mines dans la province de Hama, dans le centre de la Syrie, ont fait au moins 18 morts.
Le 09/03
- Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov débute une tournée de trois jours dans le Golfe persique. Au programme, des rencontres avec le principe héritier Mohammed ben Zayed Al Nahyane aux Émirats arabes unis, poursuivie le jour suivant avec le principe héritier Mohammed ben Salmane en Arabie Saoudite avant de s’achever à Doha avec l’émir du Qatarn Tamim ben Hamad Al Thani.
- Le chef adjoint du Centre de coordination russe, le général de division Alexander Karpov, a déclaré que les terroristes du réseau « Font Al Nosra » préparent une nouvelle provocation à l’arme chimique dans le nord de Lattaquié afin d’accuser les forces gouvernementales syriennes de crimes de guerre.
- Le ministre émirati des Affaires étrangères Abdallah Bin Zayed a indiqué en présence de son homologue russe Serguei Lavrov que le plus grand défi qui entrave la coordination et l’action commune avec la Syrie ainsi qu’un retour de Damas au sein de la Ligue arabe est le Caesar Act.
Le 10/03
- Le représentant permanent de Russie auprès de l’OIAC Alexandre Choulguine a indiqué que la manipulation révélée dans le rapport final sur l’incident allégué à Douma a causé de graves dommages à l’organisation.
- Le ministère russe de la Défense que les réseaux terroristes, qui se déploient dans la zone de désescalade à Idlib, avaient mené, pendant les dernières heures, 45 attaques contre les zones et les villages sûrs dans les banlieues de Hama, Alep, Lattaquié et la zone libérée de la banlieue d’Idlib.
- Le ministre russe des Affaires Étrangères Sergueï Lavrov, en présence du ministre des Affaires étrangères du régime saoudien Faisal bin Farhan, a appelé à la facilitation du retour des Syriens déplacés à leur pays et à la reconstruction de ce que le terrorisme avait détruit.
Le 11/03
- Le ministre russe des Affaires Étrangères, Sergueï Lavrov a affirmé que les mesures économiques coercitives occidentales illégales visent le peuple syrien et entravent la reconstruction des infrastructures et la résolution des problèmes humanitaires dans ce pays.
- L’ambassadeur permanent de la Syrie auprès de l’ONU, Hussan Eddine Ala, a souligné la nécessité de lever les mesures coercitives imposées au peuple syrien, qui transgressent le droit de l’Homme et qui entravent l’action des Organisations onusiennes humanitaires.
- La présidente de la Mission syrienne auprès de l’OIAC Rania Rifay, a fait savoir que la Syrie est visée par des accusions injustes pour disqualifier sa coopération avec l’OIAC.
- Le Guide suprême de la Révolution islamique d’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, a appelé à mettre fin à la présence américaine en Syrie et en Irak.
Le 12/03
- Les ministres des Affaires étrangères de la Russie, de la Turquie et du Qatar ont exprimé leur conviction de parvenir à une solution politique en se conformant à la résolution N°2254 des Nations Unies sans aucune ingérence extérieure.
- La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova, a affirmé que l’Occident détruit les règles et les normes de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques et œuvre pour imposer des sanctions à la Syrie.
- 27 personnalités dont l’ex-directeur général de l’OIAC font part « d’inquiétudes sérieuses et considérables à l’égard de la conduite de l’enquête » sur l’attaque chimique présumée de Douma, en Syrie en 2018.
Le 15/03
- Emmanuel Macron plaide pour une « solution politique ».
- Londres sanctionne des proches d’Assad, dont le ministre des Affaires étrangères.
- Moscou dénonce un « étranglement financier et économique ».
Le 17/03
- Dans la nuit, les défenses anti-aériennes syriennes interceptent des missiles tirés en direction de Damas par l’armée israélienne depuis le plateau du Golan.
Le 18/03
- Des centaines de personnalités du monde appelle le Pape à intervenir pour lever les mesures coercitives unilatérales imposées à la Syrie.
- Hussam Eddine Ala, ambassadeur permanent de la Syrie auprès du bureau de l’Onu à Genève, affirme que « l’occupant israélien, en poursuivant son agression et son terrorisme, met le Conseil des Droits de l’Homme devant la responsabilité de l’application de ses résolutions ».
- Le président du Conseil international pour le soutien à un procès équitable et aux droits de l’homme, Abdel Hamid Dachti, a affirmé que La communauté internationale doit mettre fin aux violations israéliennes contre le peuple palestinien et les Golanais.
Le 19/03
- Le deuxième exil des Syriens rattrapés par la crise à Beyrouth.
- Le président du Cercle des économistes arabes Samir Aita estime que l’impact de la crise libanaise sur l’économie syrienne est flagrant.
- À l’occasion du troisième anniversaire de « l’occupation » turque, en référence à l’opération « Rameau d’olivier » lancée en janvier 2018 par Ankara, des centaines de manifestants ont marché dans le village syrien de Fafeen, au nord-est d’Alep.
- Le chercheur syrien Khayrallah Al-Hilu, auteur d’une étude sur la situation dans les protectorats turcs publiée en janvier dans le cadre du projet « Wartime and Post-Conflict in Syria » du Centre Robert-Schuman de l’Institut universitaire européen de Florence, estime que l’instabilité et le manque d’investissement dans les zones contrôlées par Ankara en Syrie entravent leur développement et laissent peu d’espoir quant à la relance de l’économie locale.
Le 20/03
- Le ministère russe de la Défense révèle que des terroristes du ‘’Front Nosra’’ se préparent à utiliser l’arme chimique dans la banlieue d’Idleb pour accuser l’armée arabe syrienne.
- Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), un avion de combat turc a réalisé des frappes aériennes sur des positions militaires des FDS en zone kurde, une première depuis dix-sept mois.
- Le califat de l’État islamique se perpétue dans le Nord-Est syrien, où les forces kurdes sont démunies face aux violences et à la radicalisation ayant court dans les camps d’Al-Hol et de Roj, où sont détenues les familles de djihadistes.
Le 22/03
- Fayçal Miqdad, ministre des Affaires étrangères et des Expatriés, a clôturé cet après-midi sa visite officielle au Sultanat d’Oman pour renforcer la coopération stratégique bilatérale.
- Le Forum pour la Syrie en Hongrie condamne les politiques de l’Union européenne contre la Syrie.
Le 24/03
- La Syrie affirme que les pays soutenant le terrorisme n’ont pas de légitimité pour soumettre des résolutions sur la situation des droits de l’homme en Syrie.
- L’union des associations arabes argentines « FEARAB » a condamné le terrorisme économique pratiqué contre la Syrie, à travers les mesures coercitives unilatérales occidentales visant le peuple syrien.
- L’ex-ambassadeur de France, Michel Raimbaud, a affirmé que la Syrie, depuis dix ans, fait l’objet d’une agression menée par les pays occidentaux qui avaient soutenu les réseaux terroristes qui s’y trouvent, et aujourd’hui ils rêvent d’une revanche, par l’imposition de mesures économiques coercitives injustes au peuple syrien.
Le 25/03
- La Russie critique le projet de résolution britannique sur la situation des droits de l’homme en Syrie et a indiqué qu’il est complètement partial.
Décryptage :
L’ombre de la guerre plane toujours sur la Syrie meurtrie.
En ce début d’année 2021, après 10 ans de guerre, les Etats-Unis n’ont toujours pas accepté leur échec à déstabiliser Assad et les attaques qu’ils mènent contre la Syrie perdurent. Prises pour cibles à la frontière irako-syrienne, les milices pro-iraniennes ont subi une nouvelle frappe américaine le 25 février, responsables selon Washington des récentes attaques sur la Coalition en Irak. Ces frappes annoncent la poursuite par l’administration Biden de la politique interventionniste d’Obama en Syrie. Il est regrettable que la première démocratie du monde transforme sans complexe le territoire d’un Etat souverain en arène de règlement de comptes géopolitiques, en violation totale du droit international. Malheureusement la France fait preuve sur ce dossier d’un suivisme coupable alors qu’elle possédait des liens privilégiés avec ce pays.
Les actions hostiles de Washington envers Damas sont loin de se limiter à des actions militaires en violation du droit international. Outre le pillage des ressources pétrolières et agricoles dans le nord du pays et le soutien aux milices séparatistes, le Ceasar Act, promulgué fin 2019, accentue la pression commerciale et financière sur les entreprises syriennes. Conçu pour dissuader quiconque de participer aux efforts de reconstruction d’un pays au bord de l’asphyxie économique et dont les infrastructures sont ravagées, il ne vise pas seulement le gouvernement mais tout le peuple syrien. Comble de l’inhumanité, alors que la pandémie de Covid-19 donne une tournure dramatique à la catastrophe humanitaire, les États-Unis et l’Union européenne ont eu recours à de nouvelles mesures coercitives unilatérales sans tenir compte des appels lancés par le Secrétaire général des Nations unies et du Haut-Commissaire aux droits de l’homme de lever les sanctions pour permettre au pays de surmonter cette crise et donner la priorité à la vaccination.
En se combinant, les sanctions internationales et la crise libanaise rendent le risque de famine réel en Syrie. Depuis l’éclatement de la crise libanaise, les commerçants syriens importateurs de diesel ont davantage de difficultés à contourner les sanctions par Beyrouth, entraînant l’arrêt des stations de pompages pour l’irrigation, desquelles dépendent directement la production agricole qui assure les besoins de base.
En résumé, plutôt que de soutenir l’Émissaire spécial de l’ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, qui s’efforce de trouver une solution politique durable, les pays de la Coalition, dirigée par les États-Unis, mènent dans une violation du droit international et de la Charte de l’ONU, des raids sur le territoire syrien, occupent vastes régions, soutiennent publiquement les groupements armés illégaux, étouffent le peuple syrien sur le plan économique favorisant la redynamisation de l’activité de Daech et d’Al-Qaïda dans la région.
En effet, à Idlib, dont la province et certaines localités adjacentes constituent les derniers bastions rebelles et djihadistes du pays, les attaques contre les forces gouvernementales syriennes se multiplient. Les unités rebelles islamistes peuvent compter sur le soutien logistique de la Turquie en échange de leur appui pour des opérations extérieures comme en Libye ou dans le Haut-Karabagh. Depuis l’opération « Rameau d’Oliver » lancée en janvier 2018, Ankara rencontre néanmoins une opposition grandissante de la population syrienne qui réclame le départ de ses forces militaires présentes dans la ville d’Afrin, située au nord-ouest de la Syrie, en zone frontalière avec la Turquie. La région d’Afrin, l’un des trois cantons de la région fédérale kurde autoproclamée en 2016, est en proie à une violence endémique. Des attentats à la voiture piégée et des assassinats ciblés, attribués par Ankara aux combattants kurdes, se multiplient.
Cette politique occidentale est de moins en moins acceptée et suivie par les autres acteurs régionaux et internationaux.
Israël, malgré ses frappes récurrentes en territoire syrien visant les milices iraniennes et le Hezbollah, a compris que le vainqueur de ces 10 ans de guerre est la Russie. Netanyahou discute avec Poutine comme le montre l’échange de prisonniers entre Israël et la Syrie dont Vladimir Poutine est l’initiateur. Autre exemple dans le domaine humanitaire, Moscou a livré à la Syrie des centaines de milliers de vaccins russes financés…par Israël. Leçon magistrale de diplomatie.
Quant à l’Iran, les multiples frappes américano-israéliennes ne parviennent pas à faire bouger d’un pouce la ligne iranienne.
Téhéran reste depuis 2011 l’allié majeur de la Syrie comme de l’Irak comme dans sa lutte contre Daech et Al-Qaïda.
Cette alliance a été renforcée par l’accord bilatéral signé en juillet 2020 entre l’Iran et la Syrie, prévoyant d’élargir la coopération militaire et la sécurité globale. Les hauts responsables de Téhéran et de Damas se rencontrent régulièrement pour renforcer la coopération bilatérale dans de nombreux domaines : universitaires, scientifique, économique, commerciale, agricole, sanitaire et culturel. L’Iran, ennemi désigné de la politique américaine et israélienne, apporte un soutien financier à population syrienne qui contribue à atténuer l’impact des sanctions du Ceasar Act.
En dix ans 2300 iraniens ont perdu leur vie en Irak et en Syrie dans la lutte contre Daech et Al-Qaïda. Ils sont enterrés dans le cimetière des martyrs de Téhéran.
Un autre acteur majeur actif dans le conflit syrien est la Russie.
Les discussions figurant à l’agenda de Sergueï Lavrov avec les pétromonarchies du Golfe, courant mars 2021, concernent l’accord OPEP+ et le règlement de la crise syrienne. L’objectif de son entretien avec Mohamed ben Salmane devait être de convaincre les Saoudiens de peser plus fortement sur les groupes d’opposition syriens et de jouer le jeu du Comité constitutionnel à Genève. L’étape de Doha aura servi à marquer le lancement d’un nouveau triangle, après celui d’Astana, celui du « format de Doha » réunissant le trio Russie-Turquie-Qatar. Rassemblant des experts des trois pays depuis un an, il se réunira désormais au niveau des ministres des Affaires étrangères, avec un agenda tourné vers les questions humanitaires, celles liées à la reconstruction de la Syrie et au retour des réfugiés. Le seul thème transversal est celui du retour de la Syrie dans la Ligue arabe, en faveur duquel Moscou continue de plaider. Le Kremlin perçoit cette normalisation comme une étape incontournable sur le (long) chemin menant à la levée des sanctions internationales qui pèsent sur la Syrie. Les pétromonarchies ont toutes reconnu que le Ceasar Act constitue le plus grand obstacle à un rapprochement régional qui pourrait aider à régler le conflit syrien et jouer un rôle dans le retour à la normale après des années de guerre ruineuse.
Ainsi Damas peut compter plus que jamais sur l’appui de Moscou pour assurer l’agenda des priorités du pays. La première d’entre elles concerne la nécessité de poursuivre la lutte contre le terrorisme et les tendances séparatistes sur le territoire syrien. La coopération dans le cadre de la formule d’Astana, élargie à une collaboration avec les pays du Golfe, avait constitué une base solide pour régler la crise selon la résolution du Conseil de sécurité N°2254 qui appelle à un cessez-le-feu et à une solution politique du conflit, en installant à la table des négociations représentants du gouvernement syrien et délégations de l’opposition.
La seconde priorité consiste à offrir tout le soutien possible à l’émissaire spécial du Secrétaire général des Nations-Unis pour la Syrie, Geir Pederson, pour que l’action du Comité constitutionnel inter-syrien de Genève soit couronnée de succès et aboutisse à terme à une réconciliation nationale. Il ne fait aucun doute que les intérêts de tous les groupes ethniques et religieux doivent être garantis, concernant les sunnites, les chiites, les alaouites et les chrétiens.
La troisième priorité porte sur l’accès en urgence à l’aide humanitaire pour le peuple et la reconstruction du pays. Cela simplifiera l’organisation du retour des réfugiés dans leurs foyers dans un environnement sécurisé, mesure vitale et belle promesse pour l’avenir du pays qui implique une participation efficace par la communauté internationale entière.
Le malheur du peuple syrien est loin d’être terminé. Il est plus que temps que la France se désolidarise des Etats-Unis sur le dossier syrien et retrouve le chemin gaullien de sa politique étrangère en rappelant que c’est au peuple syrien et à lui seul de décider de l’avenir de son pays sans ingérence extérieure, conformément à la résolution du Conseil de sécurité N°2254 et à la déclaration de Genève de 2012.
La question des armes chimiques
Depuis le début du conflit, pour justifier ces sanctions économiques et leurs frappes illégales, les occidentaux utilisent leur habituel levier humanitaire : les accusations de crimes de guerre au travers de l’utilisation d’armes chimiques. (1*Note de bas de page)
Les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Turquie, notamment, n’hésitent pas à dénoncer « l’ampleur des atrocités commises par le régime d’Assad » en l’accusant de faire obstruction aux enquêtes indépendantes et de saper le travail de l’OIAC sur la seule base des 19 questions qui demeurent en suspens.
La Russie s’inquiète à juste titre des allégations relatives à l’emploi des armes chimiques par la Syrie dans le cadre des enquêtes « irréalistes, douteuses et menées à distance de l’OIAC ».
Devant les efforts continus de « certains Etats » pour remettre en question le professionnalisme et l’impartialité du Secrétariat technique de l’OIAC et de ses mécanismes d’enquête, les délégations occidentales se disent préoccupées. Pour la France, ces accusations sont même indignes et irresponsables.
Face à ceux qui défendent l’impartialité de l’OIAC, le 12 mars, dans une « déclaration de préoccupation » relayée par l’organisation de défense des lanceurs d’alerte Courage Foundation, 27 personnalités, dont l’ex-directeur général de l’OIAC José Bustani, accuse l’OIAC d’avoir « accepté des conclusions non-fondées ou possiblement manipulées, aux implications géopolitiques des plus sérieuses ». Ils accusent aussi l’organisation de jeter le discrédit sur les enquêteurs dissidents qui dénoncent ces irrégularités, comme ce fut le cas pour le témoignage de M. Boustani qui a dénoncé, dans un mail révélé par Wikileaks, une réécriture trompeuse des faits observés sur le terrain, sous la pression de certains États occidentaux, dans l’affaire d’emploi d’armes chimiques présumée de Douma en 2018. L’OIAC n’a cependant pas donné suite aux remarques de M. Boustani, mais a cherché plutôt à entacher sa réputation. Le refus de l’OIAC de répondre aux critiques et aux inquiétudes de ses propres scientifiques a jeté un doute sur son indépendance. Les 27 personnalités appellent l’organisation internationale à mettre en place un forum transparent et neutre dans lequel les inquiétudes de tous les enquêteurs pourraient être entendues et à s’assurer qu’une enquête complètement objective et scientifique soit menée, afin de restaurer la « crédibilité et l’intégrité de l’OIAC ».
La Chine a rappelé que les États parties à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques ont le droit de remettre en cause les conclusions des enquêtes menées par l’OIAC. La Convention sur l’interdiction des armes chimiques est un outil de contrôle efficace à la condition que l’OIAC apporte des éléments de preuves techniques grâce à un processus d’enquête complet, transparent et impartial.
Personne ne prétend que le dossier chimique syrien soit clos. Mais comment avoir une totale confiance en l’OIAC et en son secrétariat technique compte tenu des témoignages sur son opacité ?
De nombreux pays ont choisi de ne pas participer aux accusations d’utilisation d’armes chimiques par le régime d’Assad. L’Inde, la Chine, le Vietnam, le Niger, le Mexique ou encore la Tunisie souhaitent que les divergences d’opinions cèdent la place à une analyse technique des résultats des enquêtes menées sur le terrain, de manière à garantir l’intégrité de la vérification, rejetant toute politisation des rapports et de leurs conclusions, lesquels pourraient servir de base à la traduction des auteurs en justice. Tous ont aussi demandé au Conseil de sécurité et au Secrétariat technique de l’OIAC de ne pas ignorer les nombreuses notifications de la Syrie faisant état d’emploi d’armes chimiques par des organisations terroristes sur son territoire.
Force est de reconnaître que les accusations d’utilisation par Damas d’armes chimiques est la seule justification qui fonde aux yeux de l’opinion internationale la légitimité des frappes sur le territoire syrien en violation du droit international et sans l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU. Aussi la probabilité est faible que la prochaine Conférence des États parties de l’OIAC prévue en avril 2021 adopte une approche objective et respecte son mandat à caractère technique.
* Note de bas de page
1 La Convention sur l’interdiction des armes chimiques, entrée en vigueur en 1997 et placée sous l’égide de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), est un traité international qui fait figure de pilier de la sécurité collective. En 2013, après le massacre de la Ghouta au gaz sarin, les deux camps – loyaliste et rebelle – se rejettent mutuellement la responsabilité des bombardements. Deux camps internationaux se forment : la Russie, l’Iran et le régime syrien incriminent les rebelles djihadistes (Al Nosra =Al Qaïda) tandis que les occidentaux incriminent quant à eux l’armée régulière. Si à cette époque la Syrie n’est pas signataire de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, le gouvernement du président Assad a toujours nié l’utilisation d’armes chimiques. Face aux risques d’une intervention militaire occidentale, qui ont fait de l’emploi d’agents neurotoxiques « une ligne rouge », la Russie propose un plan de démantèlement de l’arsenal chimique du régime syrien qui est accepté par les États-Unis. Suite à l’intégration de la Syrie à l’OIAC, le Conseil de sécurité des Nations Unies vote la résolution 2118, dont la mise en œuvre supervise l’élimination du programme d’armes chimiques de la République arabe syrienne. Dans la hâte et sous pression, la Syrie est sommée d’élaborer une déclaration initiale de son arsenal chimique dont les incohérences sont pointées par 22 questions posées par l’OIAC. À ce jour, 19 resteraient sans réponse. Par exemple, la Syrie n’aurait pas encore fourni suffisamment d’informations techniques ou d’explications qui permettraient au Secrétariat technique de clore la question liée à la découverte d’un produit chimique de l’annexe 2 détecté dans les installations du Centre syrien d’études et de recherches scientifiques (CERS) à Barzé et à Jamraya. L’équipe d’évaluation des déclarations de l’OIAC s’est rendue en Syrie du 7 au 25 février 2021 pour le vingt-quatrième cycle de concertation entre le gouvernement syrien et le Secrétariat technique de l’OIAC afin d’aider à régler la question des manquements et des incohérences dans la déclaration de la Syrie.