Veille effectuée par Marc-Adan Ourradour*
Source modifiée : https://libya.liveuamap.com/
Les évènements de la semaine :
12/06
- Des missions de déminage sont menées par les forces du GNA avec l’aide d’équipes spécialisées turques.
- Exercice de l’aviation turque le long des côtes libyennes.
13/06
- Le ministre de la défense turc a déclaré avoir mené des exercices militaires conjoints avec l’Italie.
14/06
- Une rencontre avec des délégations russe et iranienne était prévue à Ankara par le gouvernement turc. Cette rencontre a été annulée au dernier moment sans que la raison soit mentionnée.
- L’Elysée qualifie l’interventionnisme turc d’inacceptable et affirme que « la France ne peut pas laisser faire. »
15/06
- La Turquie et le GUN discutent de la possibilité pour les forces turques d’utiliser durablement la base aérienne d’Al Watiya ainsi que la base navale de Misrata.
- Le ministre des affaires étrangères turc déclare que la Russie et la Turquie se sont mises d’accord pour travailler à l’instauration d’un cessez-le-feu durable.
- Le ministre des affaires étrangères grec s’entretient avec son homologue français à Paris
16/06
- Vidéoconférence entre Angela Merkel et Tayyip Erdogan. Le sujet de la Libye et du processus de paix dans le cadre des nations a été abordé.
17/06
- Le MEAE dénonce le non-respect de l’embargo par la Turquie ainsi que « son comportement hostile à l’égard d’alliés de l’OTAN. »
18/06
- L’ANL envoie des renforts à Syrte.
- Un communiqué de presse du commandement des Etats-Unis pour l’Afrique met en évidence l’utilisation d’avion russe dans la région de Jufra et Syrte.
- Le secrétaire général de l’OTAN, annonce l’ouverture d’une enquête suite aux incidents dénoncés par la France.
Analyse :
La semaine dernière a eu lieu un incident qualifié de « très grave » par la ministre des armées Florence Parly. Le bâtiment français, le Courbet a été illuminé à trois reprises avec des radars de conduite de tir, par des frégates turques. Ces bâtiments de guerre escortaient un cargo turc, le Cirkin soupçonné de violer l’embargo sur les armes en Libye décrété par le Conseil de sécurité. Il s’agit d’un acte hostile, une illumination radar consistant à prendre un navire pour cible ; c’est en quelque sorte la dernière étape avant le tir. Toute la semaine la France a condamné l’incident et sous la pression de la France, l’OTAN a ouvert une enquête sur l’incident. Le ministère des Armées a rappelé que l’illumination radar est considérée comme un acte hostile selon les règles d’engagement de l’OTAN. Si cet incident tend les relations entre Paris et Ankara, il remet également en question l’alliance transatlantique déjà mise à mal à plusieurs reprises. En effet les bâtiments turcs utilisaient un indicatif OTAN et le ministère de l’intérieur a déclaré que la France « ne peut pas accepter qu’un allié se comporte de cette façon contre un navire de l’Otan, sous commandement Otan, menant une mission de l’Otan. » A l’occasion des 70 ans de l’OTAN, le président Emmanuel Macron avait déclaré que l’OTAN était « en état de mort cérébrale ». Beaucoup de commentateurs ont retenu cette phrase en omettant de rappeler que le président français avait déploré que sur certains théâtres d’opérations il n’existât aucune coopération entre les pays membres. Alors à quoi sert l’OTAN ? Certes grâce à l’article 5, l’Alliance offre une puissance de dissuasion inégalée. Cependant depuis la fin de l’Union soviétique, l’OTAN peine à redéfinir ses objectifs et sa raison d’être. Cette dissuasion doit-elle prendre forme dans le cadre d’une alliance qui compte 29 membres ? La taille de l’Alliance rend difficile l’établissement d’une « ligne » qui s’accorde avec les intérêts de l’ensemble des pays membres. C’est d’ailleurs l’un des arguments en faveur de la construction d’une véritable Europe de la défense. Si nous observons le conflit libyen on peut constater que l’on retrouve des membres de l’Alliance atlantique dans les deux camps, mais il est aussi vrai que Paris et Rome ne partagent pas la même vision.
Cet incident nous interroge sur l’utilité et l’efficacité de la mission européenne IRINI qui vise à faire respecter l’embargo sur les armes en Libye. Que se passera-t-il quand les navires de la mission se retrouveront face aux navires turcs ? La France doit-elle fermer les yeux au détriment du droit international et de son image afin d’éviter une escalade dangereuse ? Dans sa dernière lettre du CEMAT, le général Burkhard avait écrit que « les conflits durs entre États restent […] possibles, voire probables. L’armée de Terre doit plus que jamais être prête à produire d’emblée de la puissance militaire pour faire face à un péril inattendu. » La Turquie a montré sa capacité à intervenir dans un pays extérieur et à renverser le cours d’un conflit. Elle a profité de son investissement dans les drones de dernière génération qui mettent à mal les systèmes anti-aériens russes en Libye. Alors que le monde entier se réarme, cet incident survenu en méditerranée doit pousser la France à une réflexion sur ses alliances et sur ses capacités à s’engager dans des combats de haute intensité. La mise en place de nouveaux matériels demande des dizaines d’années. Lorsque les premiers coups de feu seront tirés, il sera trop tard…
Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a également prévenu que toute avancée des pro-GNA vers Syrte pourrait entraîner une intervention de l’Egypte dans le conflit en Libye. Le GNA riposte en déclarant que c’est « un acte hostile, une ingérence flagrante et l’équivalent d’une déclaration de guerre ».
*Marc-Adan Ourradour, stagiaire chez Geopragma