Veille effectuée par Christophe de Saizieu*
Les évènements de la semaine :
- Les Etats-Unis ont appelé le président syrien Bachar al-Assad à choisir entre une résolution politique du conflit en Syrie et de nouvelles sanctions économiques, à la veille de l’entrée en vigueur de mesures punitives.
- Les États-Unis imposent de nouvelles sanctions en vertu de la loi César contre la Syrie et ses alliés.
- Les Forces démocratiques syriennes arrêtent deux membres de l’Etat islamique au sud de Al-Chaddadeh.
- Une nouvelle manifestation antigouvernementale s’est tenue à Tafas, dans la province de Daraa.
Analyse de la semaine
Cette semaine est marquée par l’entrée en vigueur de la loi César. C’est en décembre dernier qu’est promulguée cette loi par le président Donald Trump. Cette loi fait référence au pseudonyme d’un ancien photographe de la police militaire syrienne qui emporta avec lui en 2013 plus de 50 000 photographies illustrant les prisons syriennes et les tortures qui s’y trouvent. Cette « loi César » prévoit d’interdire d’entrée aux Etats-Unis et de barrer l’accès au système financier américain à toute personne, institution ou entreprise qui ferait obstacle à « la paix en Syrie » (ce qui est d’un confondant cynisme sachant que tout est fait par Washington et ses alliés pour qu’elle n’intervienne pas.), ou qui soutiendrait l’effort de guerre du gouvernement. Toute personne également qui tente de faire affaire avec 39 personnes nommées et entités du régime sera placée dans le collimateur du Trésor américain. Cette loi cible naturellement les alliés du gouvernement syrien (la Russie, l’Iran et le Liban) mais elle vise aussi plus largement à rendre illégitime et impossible toute effort de reconstruction économique de ce pays et de ce peuples martyrs tant que Washington n’aura pas obtenu un arrangement politique satisfaisant ses intérêts et ses alliés (Turquie, Israël, Arabie saoudite). Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a appelé le gouvernement libanais à refuser de se soumettre à la loi César affirmant qu’elle avait pour objectif « d’affamer le Liban et la Syrie ». Les mesures contenues dans la loi César visent à contraindre le gouvernement à « mettre fin à ses attaques meurtrières » contre des civils et à accepter une transition politique « pacifique ». Le pays déchiré par la guerre est aux prises avec une crise économique qui s’aggrave, cette loi vient donc enfoncer le clou un peu plus profondément dans le pays. Sa monnaie a chuté en valeur sur le marché noir, faisant monter en flèche les prix des aliments et des médicaments ce qui a suscité de rares manifestations contre le président Bachar al-Assad dans les zones contrôlées par le gouvernement comme nous avons pu le voir les semaines passées. La déstabilisation redouble donc d’intensité. Il s’agit pour Washington de profiter de la présence turque au côté des djihadiste résiduels et de la mésentente parallèle de Moscou et Ankara sur le théâtre libyen pour tenter porter le coup de grâce à ce régime qui ne veut pas mourir, à ce peuple qui ne se soumet pas, à ce pays qui refuse la désintégration territoriale et la mise sous tutelle turque et/ou saoudienne. Les forces gouvernementales ont certes repris le contrôle de la majeure partie du pays avec l’aide des militaires russes et de miliciens soutenus par l’Iran. Cependant, les rebelles soutenus par la Turquie et les djihadistes détiennent toujours des zones dans le nord-ouest, tandis que les combattants dirigés par les Kurdes soutenus par les États-Unis contrôlent une partie du nord-est.
Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a déclaré que « de nombreuses autres sanctions viendront jusqu’à ce qu’Assad et son régime mettent fin à leur guerre brutale et inutile et acceptent une solution politique, comme le demande la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies ».
Beaucoup de pays remettent en cause ces sanctions américaines à l’encontre de la Syrie qui auront un effet dévastateur sur une économie déjà en ruines. C’est son objectif d’ailleurs ouvert comme l’a rappelé le représentant permanent russe au Conseil de Sécurité, Vassily Nebenzi, pour qui la Loi César démontre sans équivoque le but américain de renverser les autorités légitimes en Syrie. La crise économique à la frontière libanaise, en particulier l’effondrement des banques, a coupé le principal lien de la Syrie avec le monde extérieur. Le résultat est que la valeur réelle de la monnaie syrienne a chuté, mettant le prix des aliments de base importés hors de portée de la plupart des gens. En parallèle, l’empressement inentamé de Washington à punir l’Iran de diverses manières pourrait affaiblir encore la capacité de Téhéran à aider Damas et achever de rendre le quotidien des Syriens désespéré. Certains, comme la Chine, déclarent que les sanctions américaines violent le droit humanitaire international. Pékin rappelle que la Syrie est aussi en lutte contre la pandémie, et que lui imposer davantage de sanctions est proprement inhumain. Les Syriens eux-mêmes critiquent l’entrée en vigueur de cette loi tel l’archevêque maronite d’Alep qui fustige la loi en déclarant que « Maintenant, à Alep, tous disent : nous étions beaucoup mieux sous les bombes. »
*Christophe de Saizieu, stagiaire chez Geopragma