Billet du lundi 8 mars 2021 par Gérard Chesnel, membre fondateur de Geopragma.

 

Ce 8 mars, nous célébrons la Journée Internationale des Droits des Femmes. La cause des femmes a beaucoup progressé, ces derniers temps, bien aidée par des hommes comme Harvey Weinstein, Jeffrey Epstein ou encore Tarik Ramadan. C’est très bien. Les viols, les harcèlements, les attouchements suspects sont maintenant systématiquement dénoncés et leurs auteurs (les journalistes les appellent les « auteurs présumés », ils ont raison d’être prudents) sont voués aux gémonies. C’est bien aussi. On ne peut que s’en féliciter même si, quelquefois, on se surprend à éprouver un plaisir malsain à voir déboulonner telle ou telle icône du monde politique, du monde culturel ou des médias. Tout cela va dans le bon sens, mais il ne faudrait pas que ce combat, essentiellement mené dans les pays occidentaux, fasse oublier l’essentiel : la cause des femmes dans les pays pauvres. 

Car la condition des femmes du Tiers Monde est incomparablement plus misérable que celle des femmes occidentales. Et nous faisons fort peu pour y remédier. Certes la tâche est immense car elle concerne des populations asservies depuis des millénaires par la religion ou la coutume. Certes nous le savons et nous le dénonçons régulièrement dans nos médias. Mais qu’est-ce que cela change ?

L’un des principaux problèmes vient du fait que les femmes du Tiers Monde sont maintenues dans leur situation d’asservissement vis-à-vis des hommes par leurs propres congénères. Dans les villages africains, ce sont les matrones qui tiennent par-dessus tout à ce que les petites filles soient excisées voire, dans le pire des cas, infibulées. C’est une sorte de vengeance contre les mauvais traitements qu’elles ont elles-mêmes dû subir. Et ce faisant, elles se font les instruments de la domination des mâles, qui seuls doivent avoir accès au plaisir. 

Que dire du sort des femmes dans les sociétés musulmanes, sans courir le risque d’être taxé d’islamophobie ? Quelques courageuses femmes maghrébines ont osé braver les interdits. Elles ont dû soit se taire (ce qui ne les a pas empêchées d’encourir la désapprobation massive de leurs « sœurs »), soit s’exiler. Or non seulement le sort des femmes ne s’améliore pas dans les pays musulmans mais au contraire, sous la poussée wahhabite (courant de pensée uniquement masculin), elle se détériore à grande vitesse. En Afghanistan, au Nigéria, c’est aux petites filles qui vont à l’école que s’en prennent les talibans ou Boko Haram. Cela, tout le monde le sait. De même qu’on connaît le sort malheureux de Malala Yousafzai, qui a quand même reçu un prix Nobel. Mais on connaît moins la pénétration insidieuse de la pensée des mâles dominants dans des pays réputés plus tolérants, comme l’Indonésie, par exemple. Il s’agit là d’un pays de vieille culture, où la religion hindouiste a été progressivement remplacée par l’islam, à partir des XIV-XVème siècles. Mais on se plaisait à dire que c’était un islam « souriant ». Les coutumes anciennes hindouistes voire animistes survivaient dans un pays qui se voulait tolérant. D’ailleurs, la base de la pensée politique indonésienne, le Panca Sila, admet la coexistence de cinq religions, l’islam, le protestantisme, le catholicisme, l’hindouisme et le bouddhisme. Mais ces beaux principes, qui datent de l’époque de Sukarno, sont maintenant balayés par l’arrivée massive d’un courant de pensée apporté par des prêcheurs venus d’Arabie Saoudite qui ont réussi à convaincre les femmes de se voiler et d’abandonner leurs si élégants costumes traditionnels. Et il y a fort à parier pour que cette étape vestimentaire soit suivie d’exigences plus désastreuses, dans le domaine de l’enseignement, par exemple. 

On entend dire que le Président Biden est très fâché contre le prince héritier d’Arabie Saoudite, qui aurait commandité le découpage en petits morceaux d’un journaliste. C’est bien de s’en offusquer mais ce même prince est celui qui avait initié quelques progrès dans la vie quotidienne des femmes de son pays, en leur permettant par exemple de conduire un véhicule ou de voyager sans l’autorisation d’un homme de leur famille. Espérons que M. Biden montrera le même zèle à l’encontre des dirigeants de pays où des milliers de femmes disparaissent chaque année ou sont réduites à une quasi-servitude dans l’indifférence générale.

Non, la cause des femmes dans le monde n’a pas progressé. Elle recule et c’est une menace mortelle pour la liberté de penser et de vivre à sa guise. Et seules les femmes peuvent sauver le monde de cette catastrophe qu’on refuse de voir venir. Seules les femmes des pays pauvres, asservies par les hommes dans une indifférence planétaire, pourraient, si elles l’osaient arrêter ce glissement. Mais comment faire ? C’est une œuvre de très longue haleine mais qu’il convient d’initier. Car si on ne commence pas un combat, on ne risque pas de le gagner. Que les femmes des pays occidentaux, maintenant qu’elles n’ont plus à craindre que les hommes abusent d’elles, concentrent leurs efforts sur l’aide, sous toutes ses formes, à leurs sœurs des pays pauvres. Qu’elles prennent le pouvoir et obligent leurs gouvernements à tenir un discours ferme et convaincant aux dirigeants des pays qui maintiennent les femmes dans un état d’ignorance et de servitude. Il faudra oser le faire, parfois à l’encontre de nos intérêts économiques (tant qu’il y aura du pétrole en Arabie, mais ce ne sera pas éternel). Décerner un prix Nobel de la Paix, c’est bien. Mais agir, c’est mieux.

« La femme est l’avenir de l’homme », disait le fou d’Elsa. Et comme il avait raison !     

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