Chronique de Renaud Girard* parue dans le Figaro le 15 février 2021

 

Dans son discours de Mulhouse du 25 mars 2020, prononcé depuis un hôpital militaire de campagne, le président de la République nous avait expliqué que nous étions en guerre contre le virus du Covid-19. Nous avions cru que l’Etat, nourri par les prélèvements obligatoires les plus élevés d’Europe, allait tout mettre en œuvre pour gagner cette guerre rapidement, d’autant plus qu’il imposait à la population des sacrifices inouïs. Le moins qu’on puisse dire est que la victoire se fait attendre.

Pour casser une épidémie de grippe – le Covid-19 étant une forme sévère de grippe -, il n’y a jamais eu qu’un moyen efficace : vacciner la population. Mais, parmi les cinq puissances membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu, la France a été la seule à se montrer incapable de produire à ce jour son propre vaccin. En conséquence, les Français sont très en retard dans la vaccination par rapport aux Américains, aux Chinois, aux Russes et aux Britanniques. Au 15 février 2021, il y a cinq fois plus de Britanniques qui sont vaccinés que de Français. Et le monde entier ne peut s’empêcher de regarder notre pays avec un peu de compassion, se demandant ce qu’est devenu la France de Louis Pasteur.

Clemenceau, devenu président du Conseil des ministres de la France en 1917, disait que la guerre était une « chose trop grave pour la confier à des militaires ». Emmanuel Macron dira-t-il plus tard, avec regret, que la lutte contre l’épidémie était une affaire trop sérieuse pour la confier aux fonctionnaires du Ministère de la Santé ? Il est incompréhensible que ce jeune président, après s’être lui-même donné publiquement le rôle du stratège athénien contre l’invasion virale, après s’être libéré de toute contrainte financière (par sa décision du « quoi qu’il en coûte »), n’ait pas réussi à obtenir deux choses simples de l’Etat : le doublement des lits de réanimation pendant l’été 2020, la production d’un vaccin simple et efficace. Même la Russie, dont l’économie de rente est si souvent moquée à Paris, a été capable d’en produire un, fondé sur la technique moderne du « vecteur viral » (instruction génétique envoyée aux cellules humaines, afin qu’elles enclenchent la réponse immunitaire). A Moscou, les restaurants et les musées ont rouvert.

Quand on veut faire la guerre et la gagner, il faut s’en donner les moyens. La France de Clemenceau avait édifié une remarquable industrie de l’armement, réussissant à produire les meilleurs chars de combat et les meilleurs avions de chasse de son époque. Guynemer ne se battait pas à mains nues. Contre le coronavirus, la France a ressorti des mesures étatiques anciennes, ayant nom confinement, couvre-feu, fermetures administratives. On eût aimé qu’elles fussent accompagnées d’innovations médicales et vaccinales.

La France a fait le mauvais pari de confier sa politique vaccinale à la Commission européenne, institution bureaucratique n’ayant pas la moindre expérience dans le domaine. C’est un fiasco. La politique sanitaire d’un pays est une affaire stratégique relevant de son indépendance nationale. Aurions-nous l’idée de confier la défense de notre territoire et nos armes nucléaires à Madame Ursula Von der Leyen ?

Nous avons inversé l’ordre stratégique. Nous avons attendu le vaccin de Bruxelles. Or c’était à la France de produire un vaccin et d’aider ensuite éventuellement ses partenaires européens. La France n’est pas une petite fille qui devrait faire prendre, par sa maman Commission, ses décisions les plus importantes.

Il y a, répondant au doux nom de Valneva, une entreprise de biotechnologie franco-autrichienne installée à Nantes. Elle s’est lancée dans la recherche d’un vaccin anti-covid dès le début de la pandémie. Mais la bureaucratie française n’ayant pas été capable de la soutenir, elle a contracté avec le Royaume-Uni, qui lui a financé ses essais cliniques. Le vaccin va être produit sur le site de Livingston en Ecosse, qui a été subventionné par le gouvernement de Sa Majesté. Lequel a passé commande de cent millions de doses, avant que la France ou l’Union européenne aient eu seulement le temps de comprendre leur loupé.

Macron s’est fait élire en invoquant la « start-up nation » que devrait devenir la France. A l’évidence, l’écosystème français pour l’innovation dans les biotechnologies ne fonctionne pas. Trop de saupoudrage, pas assez de risque et trop peu d’anticipation de la part des si nombreuses bureaucraties sanitaires françaises. Aux Etats-Unis, c’est la BARDA (Biomedical Avanced Research and Development Authority) qui a permis le développement de deux vaccins efficaces et du médicament Regeneron (celui qui a sauvé Trump). C’est une agence qui fut créée en 2006, pour lutter contre le bioterrorisme et contre les pandémies émergentes, en concentrant tous les efforts nationaux.

En matière sanitaire, les Américains ont su penser stratégiquement. Pas nous. Hélas. 

 

*Renaud Girard est membre du Conseil d’orientation stratégique de Geopragma

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1 Comment

  1. Haertig

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    Nous ne pouvons offrir au monde que notre administration pléthorique et inefficace, pas nos vaccins hélas.

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