« L’ennemi de mon ennemi est mon ami »

Billet du Lundi 20 janvier 2025 rédigé par Patricia Lalonde Vice-présidente de Geopragma.

La nouvelle Syrie est-elle devenue le tombeau de nos valeurs occidentales ?

Après les échecs des Printemps arabes, en Tunisie, en Egypte, au Yémen, en Libye, dont le but était d’installer les Frères Musulmans au pouvoir et en finir avec les dirigeants, certes autoritaires, mais laïcs, cela ne suffisait pas, il fallait maintenant en finir avec le seul pays qui avait résisté : la Syrie de Bachar el Assad.

Tout d’abord mettre le pays à plat, sous sanctions économiques, afin que la population se révolte et qu’un flot de réfugiés fuient au Liban voisin ou en Turquie…

Au moment où Bachar el Assad est réintégré dans la Ligue arabe, où de nombreux pays ont réouvert leurs ambassades à Damas, dont l’Italie, la Grèce, les Emirats Arabes Unis… la coalition turco israélienne aidée par les Etats-Unis ont activé leur proxy Daeshi du Front al Nusra, Hayai Tahrir al Cham (HTS) pour venir à bout du régime de Bachar el Assad sur le thème « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Et surtout quand « il fait du bon boulot. »

Certes en prenant quelques précautions : barbe taillée, costume à l’européenne, relooké sans doute par des « media trainers » qu’ils soient qataris ou turcs… Mais qui peut se prendre à ce jeu pervers et maléfique et nous faire croire un instant que le peuple syrien sera épargné de l’Islam radical et que les djihadistes cesseront subitement leurs croisades ? HTS est classé comme « mouvement terroriste » par plusieurs pays occidentaux, dont les Etats-Unis…

Comment peut- on faire preuve d’autant de cynisme, en se réjouissant de leur arrivée au pouvoir ?

Ce sont bien les membres de ces groupes mus par l’idéologie islamiste qui sont venus tuer nos jeunes au Bataclan et ensanglanter nos terrasses de café à Paris…

Doit-on se féliciter que ce groupe dirige la Syrie ?

Mohammed Al-Joulani, le leader d’HTS maintenant appelé Ahmed al Charaa, s’est-il soudainement transformé en mouton ???

L’idéologie islamiste reste chevillée au corps ; l’assassin qui a décapité Samuel Paty était en lien avec un des membres tadjiks d’HTS ! Le nouveau ministre de la Justice, Shadi Al Waisi, est accusé d’avoir supervisé l’exécution de femmes soupçonnées de prostitution dans la province d’Idlib, administrée par le Front Al Nusra, l’ancêtre d’HTS… Les vidéos qui circulent font froid dans le dos…

Les agressions contre les chrétiens et les alaouites ont commencé. L’Apartheid sexuel dans les bus, les hommes à l’avant, les femmes à l’arrière …

Comment peut- on comprendre que notre ministre des Affaires Etrangères, Jean-Noël Barrot ait été le premier à faire le déplacement avec son homologue allemande Annalena Baerbock pour congratuler l’ancien quaediste ?

Ah ! mais ce n’est plus un groupe djihadiste nous dit-on… Seulement un groupe islamiste qui veut imposer la charia en Syrie.
Cette Syrie où chrétiens et musulmans se côtoient.
Cette Syrie dont la ville de Maaloula fut le berceau de la chrétienté et où les habitants parlent encore l’araméen, la langue du Christ.

Les minorités sont inquiètes et beaucoup quittent le pays.

Il est fort à craindre qu’Al-Joulani joue la modération afin que les sanctions soient levées… Mais après ?

La Syrie est un pays d’ancienne civilisation. Comment pourrait- elle être transformée en enfer par une idéologie passéiste extrémiste, même si cela peut arranger momentanément les Occidentaux ???

Partager cet article :

3 comments

  1. DAGOBERT

    Répondre

    N’oublions pas l’intérêt porté par nos dirigeants à la botte des qataris qui « aident » nos présidents notamment Hollande ou Sarkozy. Le printemps arabe supporté par Hollande coïncidait avec le fait que le Qatar voulait mettre en place une gazoduc via la Syrie vers l’Europe. Bien sûr les russes n’en voyaient pas l’intérêt…

  2. Bernard CORNUT X, expert M-Orient

    Répondre

    La Syrie et les syriens subissent depuis des décennies les affres d’une affrontement entre les 2 intentions anciennes :
    d’une part la volonté explicité de la Turquie d’empêcher la création d’une autonomie kurde où que se soit vu le risque d’une extension vers le sud-est turc où se situent plus de 10 GWe de génération électrique et des milliards de stockage d’eau pour l’irrigation en aval, moyen aussi de domination sur les anciennes provinces arabes de l’Empire ottoman, Syrie et Iraq.
    d’autre part l’intention occultée d’une alliance d’intérêts entre tous les gouvernements israéliens et le Big Oil du Texas Républicain qui les soutient mordicus, visant tous deux à créer un Etat kurde à établir sur des parties nord de l’Iraq et la Syrie jusqu’à la Méditerranée entre Lattaquié et Antakya afin qu’il puisse exporter son pétrole sans passer ni par l’Iraq spolié et divisé, mis en concurrence , ni par la Turquie, et que cet Etat kurde puisse être soutenu et armé par Israël (comme dans les années 60) dans le dos de la Syrie résistant à l’occupation de son Golan et du Jebel Sheikh, château d’eau de long terme.
    Rappelez-vous que le 1er Secrétaire d’Etat de Trump fut Rex Tillerson, pdg d’Exxon qui avait signé un contrat pétrolier avec le KRG, illégal selon la loi iraqienne qui prévoit que tous les contrats pétroliers sont négociés et signés par le gouvernement central à Baghdad. ET sachez que celui qui fut nomme 1er DG du Mossad sous le pseudo Shiloah avait été envoyé en 1931 en Iraq par Ben Gurion et Jabotinsky. Il n’était alors qu’un jeune militant multilingue de Jérusalem nommé Zaslansky, sa mission était de développer les réseaux sionistes en Iraq, sous sa couverture de professeur au Baghdad College. Puis en 1933 il circula dans le nord de l’Iraq sous couverture de journaliste entre cette période de troubles dans les montagnes où s’est aussi rendu un célèbre agent français arabisant..Pierre Rondot…(qui nous a fait une conférence à l’X en 1969)
    Dans ses mémoires, Shiloah a raconté que sa connaissance intime des réseaux de contrebande et des tribus dans ces confins montagneux de 3 pays lui a beaucoup servi dans sa carrière de chef du renseignement extérieur pendant 7 ans. Ajoutant qu’à l »évidence, ça a servi à KIssinger pour relancer les dissensions et combats au nord de l’Iraq après la nationalisation de l’IPC le 1er juin 1972 (ref. Senator Pike’s report) et ça sert toujours… hélas…mais nos services sont toujours naïfs ou même infiltrés… comme nos braves « alliés kurdes », dixit J.N.Barrot…

  3. Pierre Hougardy

    Répondre

    Merci beaucoup Madame pour cet article clair, factuel et lucide.
    Nos dirigeants ont perdu le sens des valeurs, dont ils parlent tant, et se perdent dans un suivisme aveugle de ceux qui veulent détruire le Moyen Orient, ses racines et sa dimension multiculturelle. Mais il faut reconnaître qu’ils ont la tâche facile, tant les citoyens européens sont anesthésiés et apathiques.

Leave a comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Geopragma