Geopragma a le très grand plaisir de partager avec vous l’analyse du grand spécialiste de l’Iran pour Gepragma et directeur général de la société de Conseils Ageromy International, Michel Makinsky.

                                                                                                    RESUME

 Au moment où  débute  le 6 ème round des négociations entre l’Iran , la Commission de suivi de l’accord nucléaire (JCPOA) et les Etats-Unis, et alors qu’approchent les élections présidentielles iraniennes (18 juin), il nous est apparu nécessaire de fixer des points de repère pour en comprendre la portée, le déroulement, les conséquences prévisibles . Nous présentons dans cet entretien (voir lien ci-dessous) des éléments d’appréciation détaillés sur 4 enjeux principaux :  1) les orientations retenues par l’administration Biden à l’égard de l’Iran, 2) la réalité de l’évolution économique du pays, 3) l’organisation,  les avancées et obstacles des négociations nucléaires,4) le prochain scrutin présidentiel. Nous avons délibérément retenu deux options dans cette présentation : d’une part retracer avec précision  ces développements, un exercice qui peut paraître fastidieux, mais indispensable pour  donner des clés d’interprétation de ces évolutions  fort complexes que nous avons tenté de clarifier.  Nous avons d’autre part fourni en fin de texte au lecteur les sources, (souvent avec le lien d’accès) qui valident  nos évaluations et permettent aux intéressés d’aller plus loin dans leur compréhension.

 *La position de l’administration Biden sur le dossier iranien a paru d’abord déconcertante et laborieuse.Contrairement à l’annonce de campagne selon laquelle le retour de l’Amérique (et de l’Iran) au JCPOA est la grande priorité du nouveau président, ce dernier a tardé à lancer un processus sérieux de négociations, à tel point que l’on pouvait se demander s’il ne souhaitait pas finalement attendre l’élection du successeur de Rohani. En sus Washington a adopté une position initiale conduisant invariablement à une impasse. En effet, proposant logiquement à Téhéran que l’Amérique retourne à l’Accord et que l’Iran respecte à nouveau ses engagements (compliance vs compliance), Biden a assorti cette démarche d’une condition inacceptable : l’Iran doit commencer en premier à redevenir ‘conforme’ avant que les Etats-Unis ne lèvent les sanctions rétablies par Trump lors du retrait américain. Sans surprise, les iraniens ont répliqué en exigeant symétriquement des américains qu’ils lèvent en premier les dites sanctions, voire toutes les sanctions prononcées contre l’Iran. Rendus méfiants par l’absence d’effet de la levée des sanctions en 2016 lors de l’entrée en vigueur du JCPOA, ils exigent en plus que l’effectivité concrète de la levée possible de sanctions soit vérifiable. C’est ce qu’on a appelé une impasse ‘you first’ contre ‘you first’.  Comprenant que ceci ne menait à rien, Biden finit par retirer sa condition ‘you first’ et les véritables négociations peuvent enfin démarrer. Seconde observation : il est étonnant de constater qu’en dehors de la perspective de revenir au JCPOA, et de négocier ensuite un accord supplémentaire visant à renforcer certaines de ses obligations pour Téhéran, et de traiter le problème délicat des missiles balistiques, puis d’aborder avec l’Iran ses activités régionales ‘négatives’, Biden ne semble pas avoir de quelconque vision sur le futur des relations entre l’Amérique et la République Islamique .Seules les dimensions sécuritaires semblent prises en compte.

 *La situation économique iranienne est un facteur qui pèse lourd dans la négociation nucléaire comme dans les prochaines élections présidentielles iraniennes. L’impression générale selon  laquelle l’économie iranienne est sinistrée (mais le pays ne s’est pas effondré pour autant) principalement du fait des sanctions qui ont privé la République Islamique d’une bonne part de ses revenus (principalement hydrocarbures),avec une inflation qui dépasse de nouveau 30% , un chômage qui atteint 12% de la population active, un appareil de production qui tourne au ralenti, de nombreuses faillites, un assèche- ment des réserves en devises, un mécontentement social désormais incandescent,une crise aggravée par la pandémie qui a lourdement frappé la popula- tion, demeure exacte. Du coup, les annonces de plusieurs institutions internationales prévoyant une croissance positive (plus de 2%) pour 2021 alors même que les sanctions ne sont pas levées à l’approche de la fin du second semestre, suscitent de sérieuses interrogations de notre part car pas cohérentes avec le diagnostic qui précède. Cette contradiction ne s’explique pas vraiment par l’origine gouvernementale des données chiffrées dont disposent la Banque Mondiale comme le FMI . Leurs économistes ne sont pas dupes des biais qui peuvent s’y trouver et savent apporter les correctifs nécessaires. Un examen attentif nous a permis de porter un regard nouveau sur cet état de fait. En réalité il s’avère que l’économie iranienne est sans doute sensiblement plus résiliente qu’on ne le suppose. Ceci ne découle pas seulement des efforts considérables accomplis pour doper les productions nationales, diminuer autant que possible les importations,substituer ce qui peut l’être, développer des technologies domestiques,prioriser certains secteurs (singulièrement la pétrochimie),etc. Un constat s’impose : l’Iran exporte plus de pétrole, de produits raffinés, de la pétrochimie, qu’on ne le pensait. Non seulement la Chine importe des quantités conséquentes de pétrole, tout en rusant sur celles-ci (pétrole stocké sous douane non comptabilisé dans les importations, raffiné dans des ‘tea pot’ raffineries ‘indépendantes’, pétrole officiellement importé de …Malaisie, circuits passant par le Kazakhstan….) mais l’Iran exporte aussi via l’Irak (pétrole ‘irakisé’) mais également via les Emirats Arabes-Unis. Ainsi, tout un processus sophistiqué a été mis en place. Il reprend certaines pratiques utilisées du temps d’Ahmadinejad mais a été très considérablement étendu et amplifié.Un vrai changement d’échelle. Mais ceci ne suffit pas. Exporter est une chose, être payé en est une autre. En présence des sanctions qui bloquent les canaux bancaires, ce sont les mécanismes de compensation/barter qui prennent le relais. L’énorme inconvénient est que l’Iran ne reçoit pas de la sorte les devises (surtout euros) dont il a le plus urgent besoin. Donc il faut trouver d’autres éléments pour expliquer cette vision a priori paradoxale d’une future croissance positive. La perspective d’une levée possible des sanctions ne répond pas à cette interrogation. De très importantes coupures d’électricité et l’incendie d’une ‘ferme’ bitcoin opérée par des chinois nous ont donné l’occasion de lever un coin du voile.Il apparaît que plusieurs milliers de ‘machines’ bitcoin sont en service en Iran. Une bonne partie d’entre elles sont illicites. Elles servent manifestement à de vastes transactions ‘parallèles’, probablement au bénéfice des acteurs habituels du ‘marché noir’ (Gardiens de la Révolution, corrompus du régime, organes douteux, etc). L’ampleur du phénomène est apparue avec ces pannes d’électricité d’abord attribuées au réseau électrique notoirement fatigué. La réalité n’a pas pu être cachée plus longtemps .Les autorités ont réagi en procédant à des saisies massives d’installations ‘sauvages’ mais de très nombreuses subsistent, bénéficiant sans doute de solides protections. Mais ce qui nous importe, c’est de signaler que suite à un plan élaboré au niveau de la présidence de la République, une réglementation autorisant le bitcoin pour certaines importations se met en place, sous contrôle de la Banque Centrale qui a autorisé déjà plusieurs opérateurs (dont un turc) à fonctionner. Le bitcoin est officiellement présenté comme un moyen de se prémunir des sanctions américaines et de contourner le dollar. Il apparaît que ce dispositif a acquis une dimension macro économique et qu’il contribue ainsi à la croissance de l’économie dont il devient un levier. Cette hypothèse nous semble, si elle se confirme, d’une portée considérable. Bien entendu, si les sanctions venaient à être levées , le redressement de l’économie en bénéficierait car l’Iran reviendrait sur le marché pétrolier, mais l’effet bitcoin nous semble dépasser un horizon conjoncturel, notamment au vu du renforcement de la coopération avec Pékin et Moscou.

 *Le 6 avril marque le vrai début des négociations nucléaires. Elles vont s’étirer tout au long d’avril et de mai.Le 5 ème round s’achève le 2 juin sans parvenir à un accord complet, un 6 ème round s’avérant nécessaire , débutant le week-end du 12/13 juin. Le temps presse, car le moratoire conclu le 21 février entre l’Agence pour l’Energie Atomique (AIEA)  et l’Iran, (délai concédé par Téhéran pour que l’Amérique lève les sanctions) , a été renouvelé le 24 mai jusqu ‘au 24 juin . Au-delà, l’Iran pourrait arrêter de coopérer avec l’Agence . Leur organisation suit un schéma particulier. En effet, à Vienne, les américains ne négocient pas directement mais leur délégation est installée à proximité immédiate de l’Hôtel où siègent les autres protagonistes (d’un côté l’Iran représenté par le vice-ministre Araqchi, et de l’autre les E3 :France, Angleterre, Allemagne, plus la Chine et la Russie, sous la coordination de l’Union Européenne représentée par Josep Borrell et son adjoint Enrique Mora). Ces derniers ont la charge de faire la navette  (shuttle diplomacy) entre ces interlocuteurs et les représentants des Etats-Unis, au premier chef Robert Malley. Ces rounds s’articulent autour de réunions plénières des négociateurs (sauf les américains) et des sessions des 3 groupes de travail qui sont chargés de traiter les différents points et de préparer les éléments du futur texte d’accord.Le premier groupe ‘nucléaire’ est chargé de lister les mesures que l’Iran devrait adopter pour revenir à une conformité au JCPOA. Le second doit définir les sanctions que les Etats-Unis doivent lever.Le troisième doit fixer le séquençage des mesures que chacun doit adopter. Outre ces réunions, de multiples rencontres bi et multilatérales se tiennent entre les différents protagonistes . Des progrès significatifs ont été accomplis et le ‘squelette’ du futur accord commence à prendre forme, les questions les plus faciles ayant été résolues.Mais,dans le draft de texte des ‘trous’ subsistent sur plusieurs points (les plus délicats) essentiels. En théorie , la liste des mesures que l’Iran doit adopter est simple : il suffit de revenir sur les écart qui se sont succédés par rapport aux engagements du JCPOA . Mais le sort des nouvelles centrifugeuses mises en service par Téhéran pose problème : jamais les iraniens n’accepteront de les détruire. Un compromis pourrait consister à les ‘stocker au réfrigérateur’ sous étroit contrôle de l’AIEA. Sur la levée des sanctions, Washington a indiqué qu’en cas d’accord seraient levées les sanctions ‘nucléaires’ qui avaient été rétablies du fait du retrait américain.L’administration Biden a consenti une concession de principe : seront également levées , car considérées comme ‘nucléaires’ , celles des sanctions, souvent redondantes, émises par Trump sous des qualifications diverses :contribution au ‘terrorisme’ (c’est-à-dire le soutien au Hezbollah, aux milices diverses,etc) , atteintes aux droits de l’Homme, activités de blanchiment d’argent…..Ces sanctions ne sont que des prétextes pour rendre inopérante toute levée de sanctions si le successeur de Trump voulait rétablir le JCPOA. Une double difficulté majeure a surgi entre Washington et Téhéran dans la sélection des sanctions ‘prétextes’ assimilées à des sanctions ‘nucléaires’. D’un côté, de façon classiquement maximaliste (position de départ rarement définitive), l’Iran  (en public) réclame indistinctement la levée de toutes les sanctions le frappant . Rohani et Zarif restent cependant plus prudents. L’administration Biden rétorque qu’elle ne lèvera ,outre les sanctions liées au JCPOA, que celles qui ne sont que des prétextes pour lever les premières. Par exemple, celles frappant la Banque Centrale d’Iran. En revanche, ne seraient pas levées celles correspondant à un vrai grief non lié au nucléaire,même celles présentant un caractère ‘mixte’. En plus, deux cas particuliers posent un (gros) problème : Trump a sanctionné es qualités les Gardiens de la Révolution dans leur ensemble, et a également sanctionné le Bureau du Guide.Il n’est pas évident que Biden soit disposé à supprimer ces deux ‘punitions’, ce qui indisposerait fort le Congrès. Symétriquement, on conçoit que les diplomates iraniens auraient les plus grandes difficultés à faire accepter par le Guide et les autres dirigeants civils et militaires du pays le maintien de ces deux sanctions. Le troisième groupe de travail s’est attaqué au très délicat calendrier du séquençage des mesures réciproques. Les progrès de ces discussions  laborieuses sont lents,notamment du fait que l’Iran, instruit par l’expérience de 2016, exige une vérifiabilité matérielle de toute levée de sanctions, les engagements étant à eux seuls considérés comme insuffisants. Pendant la période écoulée, la possibilité de ‘baby steps’ (mesures non majeures mais réelles) a été régulièrement évoquée pour tester la bonne-volonté américaine. Washington s’est montré très réservé à ce sujet (refus d’allègements unilatéraux) mais envoie de rares signaux plutôt positifs en ce sens à condition qu’ils soient très limités et discrets.Parmi eux, l’Ofac a récemment retiré de la liste des sanctionnés Ahmad Ghalebani, directeur général de la NIOC,Farzad Bazargan, un directeur général d’Intertrade Company de Hong Kong, Mohammad Moinie, directeur de Naftiran Intertrade company.De même ont été levées des sanctions sur deux compagnies maritimes.Ceci a-t-il un lien avec une future levée de sanctions interdisant l’exportation d’hydrocarbures iraniens ? On relève aussi que l’Iran a été autorisé à payer ses arriérés de cotisations à l’Onu (Téhéran était privé de son droit de vote à l’Assemblée Générale) en devises coréennes depuis la Corée du Sud sans passer par le ‘canal suisse’ réservé aux paiements humanitaires. Il reste que le séquençage est assurément une des thèmes où des obstacles sérieux persistent.Au total,à l’ouver- ture du 6 ème round, une poignée de gros désaccords bloque la conclusion d’un compromis. Les groupes d’experts arriveront à un stade où ils devront s’effacer. En effet, ce seront des décisions politiques qui devront être prises dans un sens ou un autre. Les délégations reviennent après avoir conféré avec les échelons politiques respectifs. La situation est-elle mûre pour qu’un accord soit trouvé avant le 18 juin ? Ce n’est pas certain, les avis divergent.Même si Rohani et Zarif souhaitent ardemment conclure rapidement, le sort du retour au JPOA n’est pas assuré. Il est vrai que les candidats ultra conservateurs à la présidence iranienne , notamment Ebrahim Raisi (chef du pouvoir judiciaire, et favori du Guide), mais aussi M.Rezaie, général pasdaran, secrétaire général du Conseil du Discernement, se sont déclarés favorables à la conclusion d’un accord qui , grâce  à la levée des sanctions, permettrait d’améliorer le sort de la population épuisée, tout en se vantant de négocier un ‘meilleur accord’ que le gouvernement modéré. Même Saeed Jalili, ultra rigide ancien négociateur nucléaire sous Ahmadinejad , n’envisage pas de renoncer à une levée des sanctions.  Ce serait un suicide politique. On voit bien que la scène politique interne pèse sur la posture diplomatique à travers le retentissement d’une interview de Zarif, non destinée à publication mais ‘fuitée’, où le ministre révèle à quel point les Gardiens de la Révolution sont un obstacle à la diplomatie iranienne, nuisent à la posture du pays. Il met en cause le général Soleimani, pourtant icône vénérée, pour ses actions mettant le gouvernement devant le fait accompli, et jouant un jeu militaire ‘personnel’ avec Moscou dont Zarif dénonce la mauvaise volonté. Enfin, les progrès des négociations nucléaires ont suscité chez Netanyahu une contrariété paroxysmique au fur et à mesure qu’il perçoit qu’il ne parvient pas à les bloquer malgré des efforts désespérés. Israël en est réduit à lancer des opérations d’une intensité croissante contre des objectifs iraniens : la centrale de Natanz, des navires coulés, avec l’espoir secret (au-delà de l’affaiblissement de l’Iran) de susciter un conflit armé dans lequel Washington serait attrait. Tout peut arriver : un accord à l’arraché, un enlisement durable, mais aussi la cristallisation de points d’accord insuffisants pour conclure mais assez substantiels pour permettre la recherche d’un compromis final, même dans des conditions inconfortables. Une autre interrogation doit être soulevée : si les iraniens exigent des garanties sur la matérialisation dans les faits d’une levée de sanctions américaines, les E3 ,en particulier Paris,ne semblent guère se soucier des garanties dont les banques et entreprises européennes ont besoin pour reprendre des transactions sécurisées avec l’Iran à l’exception, semble-t-il,des Britanniques  qui ont manifesté leur intérêt. Il importe que les organisations représentatives de ces acteurs de l’économie se saisissent urgemment de ce souçi, sinon Pékin et Moscou pourraient tirer parti de cette situation.

 *Le paysage électoral iranien , à la veille du scrutin du 18 juin, a connu d’importantes secousses qui révèlent l’accentuation des rapports de force entre les principaux acteurs et les stratégies en présence. Pour le comprendre, rappelons très brièvement le contexte. L’héritage des élections législatives de 2020 pèse lourdement. La majorité précédente, composée d’un bloc de conservateurs pragmatiques animé par Ali Larijani, alors président du parlement (majlis), d’un groupe de ‘modérés’ et d’une grosse pincée de réformateurs, a éclaté. Elle a été minée en particulier par la mise à l’écart des 4 têtes du clan Larijani par le Guide sur demande des Gardiens de la Révolution. Ceux-ci ne pardonnent pas à Ali Larijani et à son frère Sadegh (prédécesseur d’Ebrahim Raisi à la tête du pouvoir judiciaire) d’avoir déclaré la guerre aux intérêts des pasdarans sous couvert de lutte contre la corruption (dont le dit clan ne serait pas exempt !) . Avec un majlis contrôlé par des conservateurs durs très proches des Gardiens , quand ils n’en sont pas issus comme Qalibaf (ex maire de Téhéran battu aux présidentielles comme aux municipales sur fond de corruption), la marge de manœuvre de Rohani et de l’exécutif est réduite. A l’évidence, les Gardiens sont en train d’accroître leur emprise politique et économique. Via plusieurs candidatures, ils affichent leur volonté de contrôler l’ensemble de l’appareil d’Etat. Une (double) surprise va venir du Conseil des Gardiens de la Constitution (aux ordres du Guide). Il va opérer un double coup de force. Il commence par changer les conditions exigées pour les candidatures (au mépris des règles constitutionnelles) afin (proclame-t-il) de permettre à des officiers pasdarans de se présenter. Ensuite, il ne se contente pas d’éliminer les centaines de candidats fantaisistes qui ont postulé ( une tradition établie), ne laissant subsister que 7 candidats majoritairement conservateurs. Il  écarte non seulement le vice-président Esh’aq Jahangiri  surtout il disqualifie Ali Larijani. Celui-ci, dont les chances de victoire n’étaient pas évidentes, représentait la seule figure capable de rassembler des modérés, une concurrence crédible face à Raisi (candidat malheureux aux précédentes présidentielles).En l’écartant, Khamenei a voulu en tout cas éviter à celui-ci un duel dont il ne serait pas sorti indemme, même si le sort des urnes était préempté pour le religieux. Ce dernier, ultra conservateur, est impopulaire, auréolé d’une réputation d’un passé répressif sanguinaire. Il est de plus probablement incompétent pour diriger un pays. Cette manœuvre fait penser à une sorte de coup de force .D’aucuns pensent que son but ultime est de prépositionner Raisi comme candidat à la succession du Guide. Mais est-ce certain ? D’une part il est  probable qu’en cas de victoire il ne sera pas un chef d’Etat particulièrement brillant. Il pourrait être une sorte de marionnette entre les mains des Gardiens. Mais il y a plus. Ce ‘coup’ a indisposé même au sein des ‘durs’ et des Gardiens de la Révolution. Des voix se sont élevées parmi eux pour demander au Guide d’ouvrir davantage la compétition. Il s’y est refusé. Raisi, sentant le ridicule de la situation, prétend avoir fait une démarche en ce sens auprès de Khamenei. Rohani a écrit de son côté pour demander un réexamen et a adressé un « avertissement constitutionnel » au Conseil des Gardiens. Pire, des religieux, y compris parmi les conservateurs ‘durs’ , se sont émus et indignés. Habilement, Ali Larijani,  a déclaré ne pas contester son élimination, rester soumis au Guide. Mais il en a profité pour souligner que sa candidature avait été encouragée par l’une des plus hautes autorités religieuses (marja = modèle) du clergé chiite , ce qui est une façon de montrer que c’est un religieux de rang moyen qui l’a disqualifié. Au bout du compte, en favorisant Raisi, le Guide n’a-t-il pas en réalité compromis (volontairement ?) ses chances de lui succéder ? Et a contrario, la disqualification d’Ali Larijani n’a –t-elle pas pour effet d’éviter à celui-ci les avatars d’une présidence de la République impotente ? De ce fait, Ali Larijani ainsi épargné ne fait-il pas office de recours pour un autre horizon ? Constatant les gros remous suscités dans l’ensemble de la classe politique par son exclusion, le candidat écarté a juste avant le dernier débat de la campagne enjoint officiellement  le Conseil de « fournir formellement , en public et de façon transparente, toutes les raisons de (sa) disqualification ». Il apparaît probable que cette manœuvre risque d’augmenter l’abstention, donc de décrédibiliser le ‘champion’ du Guide. Khamenei a choisi la prédétermination de son favori au détriment de la participation. Plusieurs conservateurs dont Saeed Jalili (ancien négociateur ultrarigide sous Ahmadinejad), Mohsen Rezaie ( ancien général pasdaran, actuel secrétaire général du Conseil du Discernement), et le député Alireza Zakani (qui dirige le think tank du parlement conservateur),Amir-Hossein Qazizadeh-Hashemi ( un ‘dur’ , vice- président du parlement mais inconnu du public), pourraient jouer le rôle de faire-valoir de Raisi. Ahmadinejad tempête contre son élimination mais les Gardiens l’ont ‘invité’ à faire silence. Le camp réformateur et modéré privé de personnalité de premier plan,est représenté principalement avec Abdolnasser Hemmati, gouverneur de la Banque Centrale d’Iran, démissionné par Rohani peu après sa candidature. Veut-il prendre date pour l’avenir ? Son implantation politique inexistante jette un doute. Il a renforcé sa crédibilité par son programme économique et en annonçant que s’il est élu il s’engage à rencontrer Biden dans la mesure où les circonstances le permet- tront. Les réformateurs sont représentés par Mohsen Mehralizadeh,responsable de l’organisation Iranienne des Sports, ancien gouverneur d’Ispahan. Son rayonnement politique est modeste.  Il est certain, indépendamment du résultat, que les institutions sortent fragilisées de cet épisode. Bien entendu, tout peut arriver et son contraire et le sort des urnes n’est en rien réglé. Maintes péripéties peuvent survenir.   

  Article complet disponible sur :  https://www.institut-ega.org/l/etats-unis-iran-une-crise-diplomatico-strategique/

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