Billet d’humeur rédigé par Renaud Girard, membre du Comité d’orientation stratégique de Geopragma.

      Comment arrêter la guerre fratricide d’Ukraine, déclenchée il y a trois mois par la Russie ? Il faut se rendre compte que ce conflit a déjà fait au minimum 20000 morts chez les Russes et un chiffre approchant chez les Ukrainiens. Les destructions sont gigantesques et pas seulement à Marioupol. Plus de six millions d’Ukrainiens, principalement des femmes, des enfants et des vieillards, ont quitté leur pays.

      Le bilan humain est donc déjà très lourd. On en n’est pas encore aux 100000 morts provoqués par l’invasion de l’Irak par les anglo-saxons il y a dix-neuf ans. Mais c’est un chiffre qu’on pourrait très bien atteindre un jour si le conflit se poursuivait à l’intensité actuelle. 

      Economiquement, les perspectives sont également sombres. Elles le sont pour les belligérants, mais aussi pour de nombreuses nations, en Europe et en dehors, qui sont pénalisées par l’interruption de leur commerce avec eux.

      L’Ukraine était devenue une superpuissance agricole, capable de nourrir quatre cents millions de personnes à travers le monde. Aujourd’hui elle a beaucoup de mal à exporter ses céréales. Ses débouchés sur la Mer Noire, les ports d’Odessa et de Mykolaev, subissent le blocus de la flotte russe de Sébastopol. Les exportations se font actuellement, au compte-goutte, par voie ferrée, via la Pologne, ce qui oblige à un pénible transbordement de wagon à wagon. L’écartement des rails n’est pas le même dans l’ancien empire russe qu’en Europe occidentale. 

      De nombreux pays d’Afrique (Egypte, Algérie, etc.) nourrissaient leurs populations grâce aux céréales ukrainiennes. Ce n’est plus possible. Le renchérissement des produits agricoles va créer des phénomènes de famine sur le Continent Noir.

      Une catastrophe économique se profile également pour la Russie. Elle a perdu des centaines de milliers d’ingénieurs du secteur de la high-tech, qui ont fui le pays dès le début de l’« opération militaire spéciale » de Poutine. Elle ne peut plus importer, depuis l’Occident, ou depuis les nations asiatiques alliées des Américains, les puces électroniques et les pièces détachées indispensables au fonctionnement de son industrie. Elle ne peut plus exporter une grande partie de son gaz et de son pétrole à ses clients européens habituels.

      En raison des sanctions qu’ils ont adoptées, les pays européens, obligés d’acheter du gaz de schiste américain liquéfié, vont payer des factures énergétiques astronomiques. Ils vont perdre aussi leurs débouchés commerciaux en Russie. Le marché russe représentait le quart des ventes de véhicules Renault. 

      Avec ses sanctions, l’Union européenne (UE) se tire une balle dans le pied, tout en avantageant commercialement les Américains, qui n’ont jamais entretenu de liens commerciaux importants avec le marché russe. Si les sanctions étaient politiquement efficaces contre les autocraties, cela aurait un sens. Mais l’histoire a prouvé qu’elles ne l’étaient pas. Les sanctions internationales n’ont nullement affaibli les régimes de Castro, Saddam Hussein, Khamenei, ou Kim Jong-un. Elles les ont renforcés. Il n’y a hélas aucune chance aujourd’hui pour que les sanctions fassent plier la Russie.

      Comme, en Occident, l’UE est la première pénalisée par cette guerre, elle devrait tout faire pour trouver une voie de sortie. Elle ne pourra pas compter sur ses alliés anglo-saxons. Ils sont indifférents à ce que le conflit se prolonge : il a permis à Boris Johnson de sauver son poste de premier ministre et à Joe Biden d’accroître la vassalisation politique et militaire de ses alliés européens.

      L’UE ne pourra pas compter sur la Russie non plus. La seule chose qui importe à Poutine est de sauver son régime. Peu importe que les Russes souffrent, l’important est que l’autocratie survive. Le président russe joue la montre, attendant la lassitude des pays européens et le retour des Trumpistes à Washington.

      Les Ukrainiens ne prendront pas non plus d’initiative de paix, car ils refusent, de manière compréhensible, de faire des concessions territoriales à l’agresseur, estimant qu’elles ne feraient que renforcer, dans le futur, son appétit.

      Il reste une étroite voie de sortie, qui est celle de l’Onu. Elle a été utile dans l’évacuation des soldats ukrainiens piégés dans l’usine Azovstal de Marioupol. La France pourrait saisir le Conseil de sécurité pour qu’un corridor naval strictement civil soit institué, depuis Odessa jusqu’au Bosphore. Asseoir à la même table les Ukrainiens et les Russes pour refaire de la Mer Noire un lac de paix est un défi relevable. Lever les sanctions empêchant les Russes d’utiliser les ports européens pour vendre leurs propres céréales ne représente pas un coût politique exorbitant. 

      Le jour où Russes et Ukrainiens accepteront de parlementer sur des dossiers techniques d’intérêt commun (exportations céréalières, gazoducs, etc.), une lumière apparaîtra au bout du tunnel.

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7 comments

  1. AV

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    Je rejoins Catalina dans son analyse. Que se passe-t-il dans votre think Tank ? Ce fut avec un grand intérêt que nombre d’entre avons suivi la création de Geopragma, les billets et la ligne de Caroline Galacteros. A présent, on trouve des analyses similaires à celles que l’on évite dans les média meanstream. Ce billet de Renaud Girard est affligeant.

  2. Catalina

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    Mais… où sont donc passés le sérieux et la fine réflexion dont nous avons appris à apprécier chez Geopragma ?….

  3. thierry bruno

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    M. Girard aurait été mieux inspirer d’ouvrir la porte de chez lui et d’aller faire une longue promenade plutôt que de s’installer à son bureau pour rédiger ce « billet d’humeur ». Depuis le déclenchement de l’opération spéciale russe, on peut en lire des inepties dans la presse bien-pensante, c’est-à-dire pro-américaine, mais il faut reconnaître que Renaud Girard fait très fort. Il avance des chiffres dont on ne sait d’où il les sort et avec une belle incohérence. Il voit l’économie russe s’effondrer alors que même les journaux américains reconnaissent que les sanctions ont l’effet inverse sur l’économie russe. Des centaines de milliers d’ingénieurs auraient quitté le pays : d’où sort-il cette information ?
    M. Girard, prenez vite des vacances, cessez d’écrire, vous êtes en train de vous ridiculiser, voire vous déshonorer.

  4. Oliéric

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    première erreur: l’auteur ne comprend ou ne connaît pas la chose militaire. La campagne de la russie est un mélange de stratégie bien pensée et d’intelligence tactique. je propose un lien utile parmi d’autres pour cette compréhension: https://thedreizinreport.com/ J.Dreizin est clair et pédagogue. Même celui ou celle qui n’a pas eu la chance d’être sur le terrain comprendra. la russie joue une tactique de sagesse, avec des feintes autour de Kiev, Kharkov, les frontières du nord.. Les russes annoncent 3000 pertes chez eux, les ukrainiens en donnent 30000 et l’Otan 7000. Alors, cherchons la vérité entre 3 et 7 mille et ce sont des êtres humains.
    Seconde erreur: l’auteur ne prend aucunement en compte le paysage général et le basculement mondial. Le pôle stratégique suit le mouvement du pôle magnétique. La guerre économique mondiale est en train de tourner au cauchemar pour les américains et leurs sbires dont nous faisons malheureusement partie.
    Résultat: si on prétend vouloir engager une négociation et qu’on a même pas évalué les situations et les lignes rouges du plus fort, on ne risque pas de sauver ce qui peut l’être chez le vaincu.
    c’est un gros problème d’organiser une communication de guerre, tissus d’âneries rabachées par notre galaxie médiatique, et de croire ce qu’on lit ou entend dans les médias.

  5. Anne Vicens

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    Ce billet de Renaud Girard est déplacé.
    Geopragma est en train de perdre sa hauteur, sa qualité d’analyse ces derniers temps …

  6. Roland Paingaud

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    Les âneries de R.Girard (  » … armée russe embourbée … triple erreur stratégique de Poutine …  » des torchons précédents) sont à archiver pour garder la trace de la fatuité des journaleux du Figaro.

  7. Le Chevrotin

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    Les derniers textes de Renaud Girard sont tristement décevants par leur insincérité, frôlant la désinformation, et leur manque d’entrain. Véritablement des billets d’humeur, et l’humeur n’est visiblement pas bonne. Dire que les pertes ukrainiennes « approchent les pertes russes »… Dire que Poutine lutte pour son régime, alors que toute la Russie mène une guerre existentielle contre l’Occident…. Dire que la France pourrait asseoir à la même table les Ukrainiens et les Russes pour refaire de la Mer Noire un lac de paix…. Est-ce bien raisonnable? Je suis étonné que Géopragma ait trouve possible de publier ce billet.

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