Billet du lundi 16/03/2020 par Patricia Lalonde*

Le moment choisi par Donald Trump pour annoncer son « deal du siècle » juste après l’assassinat de Qassem Soleimani et les commémorations de la Shoah et de son cortège d’horreurs, pouvait paraitre très opportun tant il était alors inconvenant de critiquer un plan qui faisait la part belle aux Israéliens.

La mise en scène à la Maison Blanche était parfaite : Donald Trump et Benjamin Netanyahou allaient mettre fin à 40 ans d’insécurité au Moyen Orient.

Tout avait été passé au peigne fin et l’ennemi, l’empêcheur de tourner en rond clairement nommé, l’Iran, responsable de tous les actes terroristes dans le monde et dont l’Europe selon Benny Gantz, devrait reconnaitre le régime pour ce qu’il est : une menace pour Israël, la région et l’Europe ; un pays où les Chrétiens et autres minorités étaient persécutés, les femmes lapidées à mort, les homosexuels exécutés sur la place publique…

Et peu importe si l’Arabie Saoudite, principal soutien d’Israël fouette à mort ses blogueurs, exécute ses opposants et pourchasse ses minorités.…

Ce deux poids deux mesures démontre l’aveuglement et le déni des réalités.

Le « Deal du siècle » rebaptisé « le complot du siècle » par les Palestiniens poursuit en réalité la diplomatie engagée depuis Oslo mais en change les paramètres. Huit critères conditionnent la reconnaissance américaine de la Palestine : La démilitarisation de la bande de Gaza est exigée. L’Esplanade des mosquées doit être ouverte à la prière non musulmane. Il est demandé aux Palestiniens de subir, de reconnaitre qu’ils ont perdu puis d’accepter des contreparties qu’ils considèrent comme des miettes.

Donald Trump a donc décidé de frapper fort, oubliant toute considération diplomatique autre que les promesses d’argent. Une façon de concilier son électorat évangéliste à quelques mois de la présidentielle.

La Communauté internationale, même si elle a été choquée d’un tel procédé est restée dans l’ensemble assez discrète ne pouvant donner l’impression ne pas soutenir Israël quelques semaines après les commémorations de la Shoah.

Ce deal est en fait un très mauvais service rendu aux israéliens et à la sécurité du Moyen Orient tant il met en scène le duo Netanyahou/Trump dans un possible embrasement de la région avec, en toile de fond, le conflit ouvert entre les Etats-Unis et l’Iran.

En effet, l’Iran a profité de l’outrance de ce « deal » pour resserrer les rangs des populations chiites dans tout le Moyen Orient, provoquant jusqu’à Sanaa au Yémen d’importantes manifestations anti-israéliennes.

Les représailles n’ont pas tardé : les attaques des bases militaires à Bagdad et à Erbil qui ont fait plusieurs blessés graves mais dont les Etats-Unis préfèrent cacher la réalité ; un avion ukrainien  abattu «  par erreur » par les iraniens et dont la liste des passagers comptait beaucoup d’experts et de chercheurs Irano-canadiens ; trois Français d’une ONG œuvrant pour la défense des Chrétiens d’Orient enlevés à Bagdad sans que l’on sache qui en est l’auteur ; le patron des Hachd al Chaabi  irakien enlevé à son tour  par les Américains ; la pluie de roquettes tombée récemment sur le camp de Taji, le jour du 63eme anniversaire du général Soleimani, tuant deux militaires américains et un britannique suivie immédiatement de représailles qui ont fait 25 morts chez les milices pro-iraniennes.  

Les possibles négociations de paix au Yémen sont au point mort et les bombardements aveugles de la Coalition ont repris devant les avancées des forces yéménites et d’Ansarullah dans la province d’Al Jawf, provoquant le cri d’alarme de martin Griffith, l’envoyé spécial des Nations Unies.

Et les conséquences se font sentir jusqu’en Afghanistan :

Le crash d’un avion américain près de la ville de Gazni quelques semaines après la nomination du remplaçant de l’ex-patron des forces Al-Qods, Isamaël Qaani, celui qui était à la tête du corps Ansar opérant en Afghanistan et au Pakistan depuis 1987.  Le chef de la CIA en Irak, responsable de la mort de Soleimani, y serait décédé. Mais motus et bouche cousue…

Rien ne doit gâter l’atmosphère d’euphorie de l’après deal du siècle.
Donald Trump s’est dépêché de conclure un accord avec les Talibans pour pouvoir quitter le pays au plus vite en tenant à l’écart le gouvernement Afghan et en promettant la libération de plus de 2000 prisonniers.

Les Talibans avaient évidemment promis de réduire les violences, mais là encore cela ne se passe pas comme prévu. Six mois après des élections présidentielles controversées, deux présidents ont prêté serment à Kaboul, Ashraf Ghani et Dr Abdullah Abdullah, plongeant le pays dans un avenir incertain… un gros grain de sable dans la stratégie du président américain.

Dans l’espoir d’assurer sa réélection, Donald Trump donne l’impression de naviguer à vue et de multiplier les décisions brusques et dangereuses à mille lieux de toute considération diplomatique.

*Patricia Lalonde, membre du conseil d’administration chez Geopragma

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