Veille effectuée par Christophe de Saizieu*
Carte : https://syria.liveuamap.com/
25/05/2020
- Le premier convoi civil a pu se déplacer sur la route M4 après un accord conclu par les FDS et le gouvernement syrien. Depuis l’invasion turque en octobre 2019, il n’y avait pas eu de transport civil sur la M4.
- La Syrie a signalé lundi 20 nouveaux cas de coronavirus, la plus forte augmentation observée sur une journée jusqu’à maintenant.
- Une ONG basée en France, Syrians for Truth and Justice, déclare selon plusieurs témoignages que des enfants sont recrutés par des factions de l’Armée nationale syrienne. Se voulant le successeur de « l’Armée syrienne libre », l’ANS a été fondée en 2017, engagée dans ses opérations « rameau d’olivier » et « source de paix », et Elle rassemble des groupes islamistes rebelles et est soutenue par la Turquie ; à ne surtout pas confondre avec les forces gouvernementales syriennes. Ces factions de l’ANS combattraient actuellement en Libye aux côtés du gouvernement d’Union nationale de Fayez al-Sarraj (GNA). Niant les faits, le GNA accuse le maréchal Haftar d’envoyer des mineurs combattre.
- Le commandant militaire du Front de libération nationale, « Hisham Abu Ahmed », a été tué lors d’une frappe des drones de l’armée syrienne au sud d’Idlib.
- Le président russe Vladimir Poutine a publié un décret nommant Alexander Efimov représentant spécial du président dans le but de développer les relations avec la République arabe syrienne. Monsieur Efimov occupe depuis octobre 2018 le poste d’ambassadeur de Russie.
26/05/2020
- Le nombre d’infections de coronavirus dans les zones contrôlées par Assad est passé à 121 après la découverte de 15 nouveaux cas.
- Un responsable du département d’État américain fait pression pour des pourparlers entre les factions dirigées par les Turcs et les Kurdes en Syrie dans un but politique qui pourrait affaiblir Bachar el-Assad.
27/05/2020
- La Syrie a annoncé lundi la levée, à partir de mardi, d’un couvre-feu nocturne instauré pour lutter contre le coronavirus.
- Les forces pro-Assad ciblent des quartiers résidentiels d’artillerie lourde dans le village d’Al-Fateera dans la campagne d’Idlib.
- Un soldat turc a été tué mercredi dans une explosion d’origine indéterminée dans la région d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, a rapporté le ministère de la Défense.
28/05/2020
- Les forces américaines ont effectué un parachutage dans la province de Deir ez-Zor, dans l’est de la Syrie, et arrêté quatre membres de l’Etat islamique selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme.
29/05/2020
- Le commandant de l’unité des FDS aurait été tué par un engin explosif qui a visé sa voiture sur la route de la ville d’Al-Baghouz, à l’est de Deir Ezzor.
- Plusieurs victimes parmi l’armée syrienne tandis que les rebelles repoussent une tentative d’infiltration sur l’axe Al Fatirah dans la campagne sud d’Idlib.
ANALYSE DE LA SEMAINE
« Nous avons vaincu l’EI en Syrie » avait déclaré le président Donald Trump en décembre 2018. On pouvait se prendre à en rêver depuis la reprise par les forces arabo-kurdes après plusieurs mois de combat, du dernier territoire de Daech à Baghouz, mais également avec la mort du chef du groupe État islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, tué le 27 octobre 2019 lors d’une opération militaire américaine dans le nord-ouest de la Syrie. Pouvait-on alors penser à la renaissance de l’Etat islamique ? Certains ont pu en effet profiter de la crise sanitaire qui touche également le Moyen-Orient pour reprendre de l’ampleur : Daech. Depuis la perte de ses territoires, l’Etat islamique tente en vain d’en reconquérir en reconstituant des cellules dans des zones libres. Il profite du désordre dans la région entre la Syrie et l’Irak particulièrement avec les mesures prises pendant le confinement pour s’ancrer plus profondément encore.
En Irak et en Syrie, les attaques se multiplient et prennent de plus en plus d’ampleur. Les effets de la pandémie sont donc dévastateurs en Syrie. Les attaques de l’Etat islamique s’accroissent envers les forces de sécurité du pays, les champs pétroliers ainsi que des sites civils. C’est au centre de la Syrie, à Sukhna, qu’a eu lieu l’une des attaques les plus importantes, le 9 avril, contre les positions gouvernementales syriennes. Deux jours de combats, 32 morts dont 26 du coté djihadiste. Le risque d’une renaissance de l’Etat islamique n’est pas à prendre à la légère selon l’inspecteur général du Pentagone. En Syrie, le groupe, qui possède toujours des cellules dans le vaste désert situé entre les provinces de Homs de Deir ez-Zor, serait responsable d’au moins 33 attaques à l’engin explosif improvisé, selon le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme. Selon James Jeffrey, l’envoyé spécial des Etats-Unis pour la coalition internationale contre Daech, il reste environ 14 000 à 18 000 terroristes en Syrie.
La semaine dernière, l’un des hommes les plus riches de Syrie et cousin du président, Rami Makhlouf, a fait l’objet d’une saisie par le gouvernement. Cette querelle a débuté en août dernier lorsque le gouvernement a durci le ton contre plusieurs hommes d’affaires en Syrie au nom de la lutte anti-corruption. On attribue à R. Makhlouf un contrôle sur plus de la moitié de l’économie syrienne. Le président Assad a-t-il saisi les biens de cet homme d’affaire pour trouver les moyens d’achever la reconquête de son territoire ou parce sa puissance le gênait ? L’on apprend également cette semaine que la livre syrienne perd inexorablement de sa valeur. Etant livré aux trafics et aux pillages, le pays ne parvient plus à contrôler ses comptes. Il se dit enfin que Téhéran aurait dépensé plus de 30 milliards de dollars pour maintenir et renforcer l’actuel président syrien depuis le début de la guerre : deux fois le budget de défense du pays en 2019. L’Iran est aux côtés du président syrien depuis 2011. Le conflit syrien semble trouver des prolongements délétères en Libye. La Russie y aurait envoyé des chasseurs bombardiers et la Turquie y est plus entreprenante que jamais avec un très probable blanc-seing américain. A l’image de ce qu’il se passe en Syrie, les interventions de puissances étrangères se multiplient dans chaque camp et l’enchevêtrement des intérêts et des pressions s’approfondit. Les Etats-Unis cherchent à contrer Moscou en Syrie en laissant faire les Turcs en Libye, les Russes contraignent l’activisme d’Ankara en Syrie en gênant ses ambitions en Libye, les Turcs tirent les marrons du feu et étendent leurs filets en faisant monter les enchères politiques et énergétiques et les islamistes de tous poil se vendent au plus offrant.
*Christophe de Saizieu, stagiaire chez Geopragma