Veille effectuée par Marc Adan Ourradour*
Les événements de la semaine :
17/04
- L’ONU annonce le premier décès lié au coronavirus sur le territoire kurde survenu le 2 avril. L’administration kurde accuse l’OMS de ne l’avoir immédiatement informée. -Entrée d’un convoi militaire turc au nord d’Idlib.
- Tirs d’artillerie américaine sur des forces de l’EI à l’est de Deir Ezzor.
18/04
- L’EI assassine le chef de la Brigade 52, la plus grande base militaire du régime syrien dans le gouvernorat de Deraa.
19/04
- L’armée turque construit un nouveau poste militaire près de la ville de Bassamis à Jabal al-Zawiya, au sud d’Idlib.
20/04
- Le ministre iranien des affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, en visite à Damas, a rencontré lundi le président syrien Bachar al-Assad.
- Frappes israéliennes dans la région de Palmyre.
- Tirs d’artillerie par les forces pro gouvernementales dans la région d’Idlib.
21/04
- Patrouille russo-turque sur la route M4.
22/04
- Entretien téléphonique entre M. Poutine et Mme Merkel, le sujet de la Syrie a été discuté.
- Les forces pro gouvernementales ont mené des opérations à l’ouest d’Alep.
- L’EI attaque un convoi des Forces Démocratiques Syriennes au Sud de Deir Ezzor.
- La coalition a envoyé un convoi militaire et logistique à la base d’Ash Shaddaday.
- Entrée d’un convoi militaire turc au nord d’Idlib.
- Les forces gouvernementales ont mené des tirs d’artillerie dans le sud de la région d’Idlib.
- Arrestation de membres du Hezbollah par les forces pro-gouvernementales à l’est de Deir Ezzor.
- Combat entre les forces kurdes et pro Assad dans la ville d’Al Qamishly.
- La France rapatrie une enfant malade originaire de Toulouse emmenée par sa mère en Syrie.
23/04
- Début du procès en Allemagne de deux anciens membres des services de renseignements syriens qui comparaîtront pour crime contre l’humanité.
- Combat à l’est de Deir Ezzor entre les Forces Démocratiques Syriennes et l’EI.
- Des forces pro gouvernementales ont empêché une patrouille américaine d’entrer dans un village (Farafrah) au sud d’AL Qamishly.
- La commission des Etats-Unis sur la liberté religieuse internationale condamne la réinstallation de familles de combattants soutenue par la Turquie dans le nord-est de la Syrie dans des villages yézidis.
- Les forces pro-Assad ont continué de mener des tirs d’artillerie dans le sud de la région d’Idlib.
Analyse :
Malgré le cessez-le-feu du 5 mars convenu entre la Turquie et la Russie, la situation reste tendue dans la région d’Idlib. Des patrouilles russo-turques sont effectuées pour faire respecter l’accord, principalement le long de l’autoroute M4. Cette semaine, les Turcs ont installé dans la région une base et continuent de renforcer leurs positions à l’aide de convois militaires. Ankara confirme l’opération visant à faire reculer les forces kurdes et à soutenir les rebelles. De son côté, le gouvernement ne laisse pas de répit et tire sur les positions adverses, particulièrement dans le sud de la région. À l’est du pays, la région de Deir Ezzor reste un point stratégique et de multiples entités s’y affrontent (État Islamique, Forces Démocratiques Syriennes, Gardiens de la révolution iraniens, Forces gouvernementales, Hezbollah, Coalition). Les forces de la Coalition et les forces kurdes ont mené des combats contre l’EI qui reste présent sur le territoire et a revendiqué l’assassinat du chef de la base Brigade 52 au sud du pays, démontrant ainsi sa capacité résiduelle à frapper dans toutes les régions. Si la stratégie de territorialisation de l’EI parait bel et bien terminée, l’EI reste une sérieuse menace par sa capacité à reconfigurer ses forces et à faire évoluer ses modes d’action. Dans la région de Palmyre, Israël a procédé à des frappes aériennes. Cela intervient durant la semaine où le ministre iranien des Affaires étrangères s’est rendu à Damas et a rencontré le président syrien. Israël a déjà mené de très nombreuses frappes sur les forces du régime syrien, mais aussi contre celles de ses alliés, l’Iran et le Hezbollah.
Cependant, ce ne sont pas ces combats ou ces frappes israéliennes illégales qui ont fait l’actualité dans les journaux français. Les deux évènements retenus sont le rapatriement d’une enfant malade et le début d’un procès en Allemagne visant à juger deux personnes accusées de crimes contre l’humanité. C’est jeudi matin qu’est arrivée sur le territoire français une enfant atteinte de malformation cardiaque. Les journaux l’appellent par son prénom et le lecteur ne peut qu’être ému par le sort tragique de cette petite fille coincée dans un camp de réfugiés. C’est pourtant sa mère qui a choisi de quitter la région toulousaine pour rejoindre la Syrie afin de mener le djihad. Comme souvent, la presse choisit de se focaliser sur les victimes plutôt que dénoncer les responsables. Cela nous renvoie à la question du rapatriement des djihadistes français. Rappelons que la France a choisi de mener une politique au cas par cas. L’ouverture du procès de deux membres présumés des services de renseignement syriens est le premier au monde visant des exactions imputées au régime du président Bachar el-Assad. La presse fait la liste macabre des actes qui auraient été commis. Les deux prévenus devront répondre de crimes contre l’humanité. Ces deux événements et la manière dont ils sont présentés par les médias français attirent la compassion de l’opinion publique qui se rend compte de l’horreur d’une guerre civile. Bien évidemment, il est important de porter assistance à une jeune fille malade et de juger des criminels, mais nous devons nous interroger sur la place que cela prend dans la presse. Cela ne change rien à la situation sur place, les combats continuent et les grandes puissances utilisent le conflit pour servir leurs intérêts et gêner leurs rivaux. L’opinion publique pourra s’indigner encore et encore de la terrible situation des populations sur place, cela ne changera rien. À trop se focaliser sur les victimes, il est impossible de comprendre les profonds mécanismes qui ont conduit à la guerre civile, moins encore de contribuer utilement à son apaisement. C’est pourtant cette compréhension honnête et lucide des arcanes du conflit syrien et la reconnaissance de nos propres errements complaisants qui seules pourraient donner une chance à la conclusion d’un accord politique viable. Alors seulement pourrait-on sans cynisme, parler de protéger les malheureuses populations civiles syriennes prises au piège de la déstabilisation orchestrée de leur pays et de ses conséquences sanglantes.
*Marc Adan Ourradour, stagiaire chez Geopragma