Veille effectuée par Marc Adan Ourradour*
Les événements de la semaine :
22/05
- Les forces de l’ANL bombardent Gharyan et Al-Asaba (Sud de Tripoli).
- Plusieurs offensives du GUN au sud de Tripoli. L’ANL cède du terrain.
- Entretien téléphonique entre le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo et le premier ministre du GUN, Fayez al-Sarraj. Mike Pompeo a souligné « l’opposition des Etats-Unis aux flux persistant d’armements et de munitions qui arrivent dans le pays. »
- La mission d’appui des Nations Unies en Libye se déclare inquiète de l’augmentation de l’intensité des combats et rappelle aux parties leur devoir de respecter le Droit International Humanitaire.
23/05
- Des centaines de mercenaires russes quittent Tripoli et ont été vu à Bani Walid.
- Le porte-parole du GUN demande aux populations civiles de rester éloignées des sites militaires de l’ANL.
- Les forces du GUN continuent de gagner du terrain au sud de Tripoli et s’emparent du camp de Yarmouk.
- Entretien téléphonique en Trump et Ergodan, le sujet de la Libye a été abordé.
24/05
- Le Secrétaire général de la Ligue Arabe appelle à un cessez-le-feu en Libye.
- Combats dans différentes localités du nord de Tarhounah.
- Les forces de l’ANL mènent des frappes sur Gharyan.
25/05
- La mission d’appui des Nations Unies en Libye condamne l’utilisation d’engins explosifs improvisés dans le conflit. Des victimes civiles sont à déplorer à Ain Zara et dans la zone de Salahuddin (Tripoli).
- L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés annonce avoir « raccompagné à Tripoli 315 réfugiés et migrants après les avoir interceptés/secourus en mer ».
- Entretien téléphonique entre le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi et le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis.
- L’Etat Islamique revendique un attentat sur les forces du maréchal Haftar à Taraghin.
26/05
- Le commandant des forces américaines en Afrique, Stephen Townsend, affirme que des avions de chasse russes « sont arrivés en Libye depuis une base aérienne russe après avoir transité en Syrie ».
- Les forces du GUN continuent de lancer des offensives au sud de Tripoli.
27/05
- Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a déploré une « syrianisation » de la Libye.
- Les mercenaires russes auraient quitté Bani Walid pour se diriger plus au sud.
28/05
- Les combats se poursuivent au sud de Tripoli.
- Le Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a demandé devant le Conseil de sécurité une solution politique inclusive et, à cette fin, l’arrêt des livraisons d’armes et la création d’un espace pour un véritable dialogue.
Analyse :
La semaine dernière tombait la base d’Al-Watiya, l’une des principales emprises du maréchal Haftar dans l’Ouest de la Libye. Ce revers a confirmé l’échec de l’offensive finale sur Tripoli lancée il y a plus d’un an par l’Armée Nationale Lybienne (ANL) qui possédait alors l’initiative. Aujourd’hui la dynamique est tout autre, le Gouvernement d’Union Nationale (GUN) peut compter sur des milices en provenance de Syrie et sur les redoutables drones turcs. Cette semaine les forces du GUN ont lancé de multiples offensives sur différents objectifs au sud de Tripoli. La progression est relativement rapide et l’ANL est en train de perdre en quelques jours ce qu’elle a mis des mois à conquérir. Les troupes du maréchal Haftar doivent avoir le moral au plus bas. Pour ne rien arranger à la situation les mercenaires russes combattant à leurs côtés se sont retirés de Tripoli et ont été vus à Bani Walid, 150 km plus au sud.
Ces récentes évolutions ne vont pas dans le sens d’une sortie de crise. L’ONU n’a toujours pas trouvé de médiateur pour succéder à Ghassan Salamé qui démissionna le 2 mars dernier. Il n’avait pas réussi à instaurer un réel cessez-le-feu. Que l’un des deux camps l’emporte et prenne la direction du pays tout entier, ou qu’une longue stabilisation du front mène de facto à une partition du pays en fonction des alliances, il ne pourra y avoir de solution politique viable qu’à la condition que l’équilibre tribal soit restauré et que le fléau des milices djihadistes soit éliminé. Les évolutions récentes du conflit libyen nous montrent que la situation peut changer rapidement avec par exemple le soutien ou l’intervention d’une puissance étrangère. Le camp qui a l’avantage sur le terrain peut alors avoir intérêt à négocier tant qu’il est en position de force. L’accord trouvé devra pencher en sa faveur et il jouira de l’image du camp qui a préservé les populations civiles en mettant un terme au conflit.
Cependant nous ne semblons pas nous diriger vers ce scénario et les forces du GUN vont continuer leurs offensives. Le prochain objectif majeur est la ville de Tarhounah qui résiste encore. Il s’agit de la dernière place forte du maréchal Haftar au sud de Tripoli, ravitaillée par la route entre Tarhounah et Bani Walid. Cet axe est une cible stratégique pour les forces du GUN et c’est le chemin que les mercenaires russes ont empreinté pour leur retraite. Mais la partie est loin d’être gagnée pour le GUN, les forces de l’est du pays restent soutenues par les Emirats Arabes Unis et l’Egypte. Le déploiement d’avions russes de quatrième génération montre que Moscou souhaite rester dans la partie. Comme dans le conflit syrien la Russie et la Turquie montrent leur puissance, leur capacité à intervenir et à défendre leurs intérêts ici divergents. Le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a déploré une « syrianisation » de la Libye. Souhaitons que la France y défende mieux ses intérêts qu’en Syrie… Perseverare diabolicum
*Marc Adan Ourradour, stagiaire chez Geopragma