Synthèse des opérations militaires en Libye du 8 au 14 mai 2020

Source carte : Google Maps

Les événements de la semaine :

08/05

  • Le port principal de Tripoli a été bombardé alors que le personnel de l’OIM (UN Migration Agency) attendait le débarquement de 25 migrants interceptés en mer.
  • L’aviation du GUN mène des frappes aériennes sur la base d’Al Watiya.
  • Le porte-parole de l’ANL déclare que ce sont les milices du GUN qui ont ciblé des ambassades. Il dénonce une manipulation, l’ANL n’a jamais pris pour cible une ambassade ou un bâtiment d’une organisation internationales.
  • Combats au Sud de Tripoli.
  • La mission d’appui des Nations Unies en Libye condamne l’augmentation des bombardements sur Tripoli. Elle appelle les parties à respecter le droit international humanitaire et notamment le principe de distinction.

09/05

  • Les forces de l’ANL ont bombardé des objectifs à Tripoli. L’aéroport Mitiga est particulièrement touché.
  • Le porte-parole des forces armées du GUN annonce une prochaine offensive sur la base d’Al Watiya.
  • Violents combats au Sud de Tripoli (Ain Zara, Abu Salim). L’ANL annonce avoir détruit un drone.
  • L’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme a annoncé que le nombre de morts parmi les mercenaires syriens en Libye était passé à 268.

10/05

  • Le général Abdelkader Touhami, chef du renseignement lybien est décédé. Le GUN parle d’une crise cardiaque mais certains témoignent d’un possible enlèvement par des milices tripolitaines.
  • Les combats continuent au sud de Tripoli.
  • Le ministère des affaires étrangères turc dénonce les bombardements sur Tripoli et menace l’ANL de représailles si cela continue.
  • Le porte-parole de l’ANL annonce la mort du chef de la milice (mercenaire) Second Legion qui combat pour le GUN.

11/05

  • Les ministres des Affaires étrangères de la Grèce, de l’Égypte, de Chypre, de la France et des Émirats Arabes Unis ont fait une déclaration commune. Ils dénoncent « des activités illégales turques sur la zone économique exclusive chypriote ».
  • L’ANL a bombardé à l’aide de drones les positions des forces du GUN à Abu Grein.
  • Le porte-parole de l’ANL déclare qu’ils ont ciblé l’aéroport de Mitiga car c’est une menace pour la protection des populations civiles. Il s’étonne que la mission d’appui des Nations Unies ne dénonce pas le fait qu’il s’agisse d’une base pour les drones turcs. Plus généralement il dénonce le silence de la communauté internationale vis-à-vis de l’intervention turque.
  • Les forces du GUN bombardent la base d’Al Watiya et ses environs.

12/05

  • Les bombardements sur la base d’Al Watiya continuent.
  • Le ministre des affaires étrangères du GUN accuse les troupes du maréchal Haftar d’avoir ciblé l’ambassade turque ainsi que la résidence de l’ambassadeur italien.
  • L’ANL bombarde des positions des forces du GUN à Abu Grein.
  • Déclaration du ministre des affaires étrangères du GUN, il dénonce la déclaration commune de la France, Chypre, Egypte et EAU et appelle ces puissances à ne pas interférer dans le conflit libyen.

13/05

  • Frappe de drone sur des véhicules de l’ANL dans la région de Bani Walid

14/05

Déclaration commune de plusieurs ONG (OCHA, HCR, UNICEF, FNUAP, PAM, OMS) sur le dossier libyen. Elles s’inquiètent de la situation des migrants ainsi que d’une possible escalade de l’épidémie de coronavirus.

Analyse :

Cette semaine, dans une déclaration commune, les ministres des Affaires étrangères de la Grèce, de l’Égypte, de Chypre, de la France et des Émirats Arabes Unis ont dénoncé « des activités illégales turques sur la zone économique exclusive chypriote ». Cette déclaration fait suite à de nombreuses tentatives turques de mener des opérations de forage dans la zone maritime de Chypre. En novembre dernier, Ankara et le GUN ont signé un accord visant à redéfinir les frontières maritimes. Si cet accord était appliqué, les Turcs pourraient exploiter du gaz qui se trouve dans la zone économique exclusive chypriote.  Ainsi les Turcs ont tout intérêt à ce que le GUN reste en place et gagne la guerre. Mais l’exploitation de ce gaz serait illégale au regard de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer signée à Montego Bay en 1982. Cependant, si nous regardons les listes des signataires, nous ne trouverons pas la Turquie. Le ministre turc des affaires étrangères dénonce une tentative déstabilisation régionale et souligne que la Turquie a le droit « de protéger ses intérêts légitimes fondés sur le droit international, sous des prétextes injustes et illégaux, est inacceptable en toutes circonstances ». Nous pouvons observer que le Droit International est utilisé par les différents parties pour soutenir des positions différentes. Les Etats dépensent beaucoup de moyens pour montrer qu’ils agissent selon le droit.

              Sur le terrain, les forces du GUN continuent à mettre la pression sur la base d’Al Watiya. La semaine dernière, de nombreux affrontements ont eu lieu sur l’axe entre Zuwarah et la base d’Al Watiya. Cette base constitue un objectif important pour les forces du GUN qui pendant un an ont été contraintes de rester sur les zones côtières sans pouvoir descendre vers le Sud. Depuis l’intensification de l’aide turque, les forces du GUN ont lancé plusieurs offensives visant à repousser les forces du maréchal Haftar vers le Sud. Ces offensives se heurtent à plusieurs points de résistance qui forment une ‟ligne de front”. La chute d’un de ces points permettrait aux troupes du GUN d’avancer vers le sud et de pouvoir prendre à revers les troupes de l’ANL situées sur les autres points. Parmi ces points de résistance, nous avons la base d’Al Watiya, les zones au Sud de Tripoli, Tarhounah et Abu Grein. Ces zones font l’objet de nombreux bombardements qui n’épargnent pas les populations civiles. Face à ce constat, les deux camps s’accusent de cibler des objectifs non militaires. C’est en ce sens que la mission d’appui des Nations Unies pour la Libye a dénoncé l’augmentation des bombardements sur Tripoli. Elle appelle les parties à respecter le Droit International Humanitaire et particulièrement le principe de distinction. Rappelons que ce principe impose aux belligérants de faire en tout temps la distinction entre la population civile et les combattants ainsi qu’entre les biens civils et les objectifs militaires. Mais le conflit Libyen nous montre bien la difficulté à faire appliquer ce principe. Prenons l’exemple de l’aéroport de Mitiga. D’un côté le GUN accuse les forces du maréchal Haftar de bombarder un bâtiment civil et de l’autre l’ANL affirme que cet aéroport est utilisé comme base pour les drones turcs. Alors on invoquera le principe de précaution. Mais encore une fois, le coupable est-il le GUN qui posséderait une base militaire dans une zone peuplée, ou l’ANL qui bombarde des objectifs situés dans cette même zone ? Ce que l’on peut dire c’est que ces bombardements ont bien lieu et qu’il est peu probable que chaque combattant ait un exemplaire du DIH dans ses poches.

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