par le Général (2s) Jean-Bernard Pinatel, membre du Conseil d’administration de Geopragma

Pour avoir sous-estimé les capacités d’action du Hamas, les autorités israéliennes sont aujourd’hui devant une situation qui ressemble à la quadrature du cercle. Cette métaphore rappelle la recherche depuis l’Antiquité d’une solution à un problème dont l’insolubilité a été démontrée seulement en 1882 par Ferdinand von Lindemann. Malheureusement pour Tsahal, l’équation à résoudre doit prendre en compte des variables qui ne sont pas indépendantes. Quelles sont-elles ?

Israël doit agir le plus tôt possible s’il veut atteindre son objectif affiché la destruction du Hamas. Car plus il attend, plus l’effet de sidération mondiale devant la barbarie du Hamas va s’estomper et les voix de tous ceux qui soutiennent le Hamas et qui mettent en avant les pertes des civils palestiniens seront audibles et tendront à renvoyer dos à dos Israël et le Hamas en parlant de crimes de guerre des deux côtés, comme l’ont fait honteusement dès le premier jour certains responsables de LFI en France.

Plus le temps passe, plus le Hamas, surpris lui-même par l’ampleur de sa victoire, aura le temps de s’organiser et plus le prix à payer pour les soldats de Tsahal sera grand s’ils veulent épargner les vies des civils dont le Hamas se servira comme boucliers, puisqu’il a interdit à une partie de la population d’évacuer le Nord de la bande de Gaza comme l’ont demandé les Israéliens soucieux d’épargner les populations civiles.

Mais agir rapidement, c’est le faire sans se soucier de la vie des otages dont la recherche de la localisation dans les souterrains qui truffent Gaza demandera du temps aux forces spéciales infiltrées. Par ailleurs, mener une opération terrestre d’occupation de la bande Gaza requiert une planification minutieuse qui doit ensuite être mise en œuvre par des dizaines de milliers de soldats dont beaucoup sont des réservistes. 

Et, de son côté, le Hamas qui souhaite retarder voire interdire cette opération terrestre se sert de la double nationalité des otages et de leur âge qui va d’un bébé de quelques mois à une personne âgée en fin de vie, dans un goutte-à-goutte savamment dosé pour affaiblir les soutiens internationaux d’Israël et maintenir l’espoir de toutes les familles israéliennes des otages qui commencent à réclamer une solution politique. La libération des deux otages américains est à cet égard exemplaire. 

Si Tsahal se lance dans une opération terrestre d’envergure où des milliers de civils sont tués, cela risque d’enflammer la rue des Etats arabes et fragiliser les chefs d’Etat qui ont rétabli des relations diplomatiques ou qui se rapprochaient d’Israël et rendre très difficile aux dirigeants du Hezbollah et à l’Iran de se cantonner à une participation qui reste pour l’instant symbolique. Or Israël sait que le Hezbollah est sorti considérablement renforcé (100 000 combattants ?) et aguerri par 10 ans de guerre en Syrie dans le domaine du renseignement, du combat en milieu urbain et des opérations militaires entre leurs forces et le contingent aéroterrestre d’un acteur mondial, la Russie.

Compte tenu de la dépendance de toutes ces variables, croire que l’on a trouvé la solution est se comporter comme tous ceux qui se sont essayé à résoudre la quadrature du cercle. Aussi, c’est avec une humilité totale et la quasi-certitude que ma prévision n’a qu’une chance limitée d’être le choix de Tsahal et des autorités israéliennes que je donne mon avis sur un choix possible.

En effet, compte tenu de toutes les pressions diplomatiques des alliés inconditionnels d’Israël, comme les USA et aussi des pays du Moyen-Orient qui ont établi des relations diplomatiques avec Israël — et en premier lieu l’Egypte —, qui veulent éviter toute action qui élargirait le conflit et, en particulier qui amènerait le Hezbollah à s’engager complètement si la mort de milliers de Palestiniens était avérée  ; de la pression intérieure en Israël pour prioriser la libération des otages et pour limiter les pertes des soldats de Tsahal, je pense que la solution retenue ne peut être qu’une opération terrestre limitée dans des zones où les civils ont été majoritairement évacués dans un but essentiellement de communication intérieure et d’appui aux commandos infiltrés. Et l’effort, à mon avis, sera porté dans une longue guerre de l’ombre qui durera jusqu’à ce que tous les chefs du Hamas et la majorité des islamistes qui ont pénétré en Israël et accompli ces massacres barbares soient éliminés.

Général (2s) Jean-Bernard Pinatel

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1 Comment

  1. pucciarelli

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    Cher monsieur, votre parti pris pro israélien fait l’impasse sur le différentiel entre les pertes israéliennes et les morts palestiniens. Si on omet la manière barbare dont Israël traite les Palestiniens depuis toujours (1947?), on peut quand même penser que la barbarie a investi cette malheureuse terre des deux côtés de la confrontation. On doit pleurer les morts israéliens, mais sans oublier les morts (bien plus nombreux) palestiniens. Dans cette querelle sans fin qui devient une guerre de religion, la seule certitude est que tout cela se terminera très mal. Les israéliens ne partent pas gagnants sur le long terme, cela paraît être une évidence à l’échelle de l' »histoire longue ». La tragédie est inscrite dans cette confrontation sans issue autre que la disparition de l’un des protagonistes. La multitude aura le dernier mot. Comme toujours.

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