<\/span> <\/a><\/p>\nFrappes tripartites en Syrie, alignement fran\u00e7ais sur les positions am\u00e9ricaines, ren\u00e9gociation \u00e9ventuelle de l\u2019accord sur le nucl\u00e9aire iranien, autant de dossiers qui laissent entrevoir une nouvelle guerre froide inqui\u00e9tante. Caroline Galact\u00e9ros, pr\u00e9sidente du think tank Geopragma (P\u00f4le fran\u00e7ais de g\u00e9opolitique r\u00e9aliste), fait le point sur ces d\u00e9veloppements qui pourraient bien enflammer la r\u00e9gion.\u00a0<\/span><\/span><\/strong><\/p>\n \n<\/span><\/span>Lors d\u2019une interview accord\u00e9e \u00e0 Fox News le 22 avril, Emmanuel Macron a affir<\/span><\/span><\/strong>m\u00e9 que les Etats-Unis et leurs alli\u00e9s <\/span><\/span><\/strong>devraient rester en Syrie pour reconstruire une \u00abnouvelle Syrie\u00bb <\/span><\/span><\/strong>et contrer l\u2019influence de l\u2019Iran et de Bachar el-Assad dans ce pays.\u00a0Que peut-on attendre de la visite d\u2019Emmanuel Macron \u00e0 Washington? La France est-elle d\u00e9finitivement align\u00e9e sur les\u00a0positions\u00a0am\u00e9ricaines?<\/span><\/span><\/strong> Je souhaite de tout c\u0153ur que ce ne soit pas le cas. Paris n\u2019a aucun int\u00e9r\u00eat \u00e0 un quelconque alignement sur les Etats-Unis. Notre ADN strat\u00e9gique doit redevenir celui d\u2019une ind\u00e9pendance assum\u00e9e de pens\u00e9e et d\u2019action et d\u2019une analyse de la conflictualit\u00e9 mondiale et du r\u00f4le que nous, Fran\u00e7ais, devons y jouer en fonction de nos int\u00e9r\u00eats nationaux stricts et de nos \u00abavantages comparatifs\u00bb. <\/span><\/span><\/p>\n Nous n\u2019avons \u00e0 mon sens rien gagn\u00e9, si ce n\u2019est m\u00e9pris et discr\u00e9dit, \u00e0 nous laisser entra\u00eener pour complaire \u00e0 Washington, \u00e0 frapper de mani\u00e8re pr\u00e9cipit\u00e9e et suspecte, hors mandat de l\u2019Onu et sans preuves la Syrie qui n\u2019attaquait personne. Les objectifs am\u00e9ricains au Moyen-Orient ne sont pas les n\u00f4tres. Ils sont fond\u00e9s sur le double ciblage de l\u2019Iran \u2013 pour complaire \u00e0 Isra\u00ebl \u2013 et de la Russie pour limiter son influence r\u00e9gionale et emp\u00eacher toute autonomisation de l\u2019Europe en mati\u00e8re strat\u00e9gique, qu\u2019une relation normale et pacifi\u00e9e avec Moscou pourrait enclencher.<\/span><\/span><\/p>\n Pour notre pr\u00e9sident, il s\u2019agit d\u2019aller \u00e0 Washington pour nourrir sa relation avec le pr\u00e9sident am\u00e9ricain, bien plus pragmatique et cr\u00e9atif que ses tweets compulsifs ne le laissent penser, puis \u00e0 Moscou dans quelques semaines, non pour faire all\u00e9geance \u00e0 l\u2019un ou \u00e0 l\u2019autre, mais pour montrer \u00e0 Donald Trump tout l\u2019int\u00e9r\u00eat qu\u2019il y a pour lui \u00e0 avoir comme alli\u00e9e (non comme vassale align\u00e9e) une France qui peut, veut et sait parler \u00e0 tout le monde, y compris \u00e0 Moscou et \u00e0 T\u00e9h\u00e9ran, pr\u00e9servant ainsi d\u2019importants canaux de communication dans une atmosph\u00e8re o\u00f9 le dogmatisme ignorant, le cynisme et le manich\u00e9isme font peser de v\u00e9ritables menaces non seulement sur la paix mondiale.<\/span><\/span><\/p>\n Tout est fait pour que la guerre en Syrie reparte de plus belle, que les Russes perdent patience et que les Iraniens reprennent leur qu\u00eate de sanctuarisation nucl\u00e9aire si l\u2019Am\u00e9rique, foulant de nouveau au pied le droit international, sort de l\u2019accord multilat\u00e9ral sur le nucl\u00e9aire iranien. Attention pour la France \u00e0 ne pas tomber dans le pi\u00e8ge narcissique que l\u2019on nous tend. L\u2019entourage redoutable de Donald Trump, qui d\u00e9teste son impr\u00e9visibilit\u00e9 et le contr\u00f4le d\u00e9sormais \u00e9troitement, ne supporte pas les esprits ind\u00e9pendants et on veut clairement nous faire rentrer dans le rang en jouant sur notre besoin d\u2019exister et de compter. Nous pouvons et devons compter autrement.<\/span><\/span><\/p>\nLe 15 avril, apr\u00e8s que Macron ait affirm\u00e9 que les Etats-Unis allaient rester en Syrie, il s\u2019est vu contredit dans la journ\u00e9e par la Maison-Blanche. Dans le m\u00eame temps, lors des jours pr\u00e9c\u00e9dents et suivants les frappes, on a assist\u00e9 \u00e0 de nombreux moments de flou dans les positions de l\u2019Administration am\u00e9ricaine, entre les tweets belliqueux de Trump et les d\u00e9clarations plus pos\u00e9es des militaires. Beaucoup d\u2019h\u00e9sitations et de couacs qui rendent souvent illisible la politique US. Que penser de la proposition am\u00e9ricaine d\u2019envoyer une \u00abforce arabe\u00bb au nord-est de la Syrie? Finalement, les Etats-Unis ont-ils une strat\u00e9gie en Syrie (autre que contenir l\u2019Iran)?<\/span><\/span><\/strong><\/p>\n Je n\u2019ai jamais cru au discours l\u00e9nifiant sur l\u2019improvisation strat\u00e9gique am\u00e9ricaine, la concurrence des think tank et des courants intellectuels, etc\u2026 Cette diversit\u00e9 erratique est \u00e9videmment une composante d\u2019une posture globale qui elle, ne change gu\u00e8re sauf dans ses modalit\u00e9s d\u2019application. Au Moyen-Orient, depuis au moins 35 ans, par le d\u00e9clenchement ou l\u2019entretien de conflits, il s\u2019agit pour Washington de purger p\u00e9riodiquement la r\u00e9gion de ses exc\u00e8s de p\u00e9trodollars qui la rendent dangereuse pour l\u2019\u00e9conomie am\u00e9ricaine, de pr\u00e9venir toute unification politique de la nation arabe (d\u2019o\u00f9 la d\u00e9stabilisation m\u00e9thodique des grands Etats musulmans la\u00efcs), de s\u2019appuyer sur des autocrates tant qu\u2019ils ob\u00e9issent sinon de les faire taire, d\u2019emp\u00eacher (comme en Europe) toute puissance r\u00e9gionale (Russie, Turquie et naturellement Iran) de prendre l\u2019ascendant local et, last but not least, de pr\u00e9server le d\u00e9s\u00e9quilibre strat\u00e9gique en mati\u00e8re nucl\u00e9aire au profit ultime d\u2019Isra\u00ebl, son alli\u00e9 strat\u00e9gique majeur.<\/span><\/span><\/p>\n Dans le contexte actuel o\u00f9 est en train de se structurer une nouvelle bipolarit\u00e9 \u00abde t\u00eate\u00bb entre Washington et P\u00e9kin, il devient d\u2019autant plus important de ma\u00eetriser ses affid\u00e9s, r\u00e9gionaux comme europ\u00e9ens, et d\u2019emp\u00eacher la Russie de faire un come-back humiliant et g\u00eanant pour les alliances jug\u00e9es n\u00e9cessaires (avec l\u2019Arabie saoudite) et m\u00eame avec la Turquie. Cela donne un jeu apparemment incoh\u00e9rent donc peu lisible, mais en fait assez clair. La pr\u00e9sence am\u00e9ricaine, directe ou indirecte, demeurera en Syrie (sans doute \u00e0 l\u2019est de l\u2019Euphrate en effet) et en Irak, m\u00eame si les Irakiens s\u2019en \u00e9meuvent et cherchent \u00e0 diversifier leurs appuis. D\u2019autant plus que Moscou chasse aussi sur les terres saoudiennes et consolide son influence en Egypte et en Alg\u00e9rie.<\/span><\/span><\/p>\n <\/p>\n
D\u00e9j\u00e0 affaiblie diplomatiquement lors du mandat de Fran\u00e7ois Hollande, la France ne s\u2019est-elle pas d\u00e9finitivement discr\u00e9dit\u00e9e au Moyen-Orient?<\/span><\/span><\/strong> \nDieu merci, rien n\u2019est jamais d\u00e9finitif en mati\u00e8re internationale. Mais il faut cesser de s\u2019enferrer dans nos lourdes erreurs pass\u00e9es, de chercher \u00e0 escamoter \u00able troisi\u00e8me larron\u00bb dans le conflit syrien entre Daech et l\u2019\u00e9pouvantable Bachar. C\u2019est un conte pour enfants qui ne trompe plus personne. Nous devons adopter une posture pragmatique pour \u00eatre enfin utiles. En Syrie, cela signifie rompre avec tout soutien politique ou concret \u00e0 l\u2019engeance islamiste sunnite qui agit comme un retardateur du \u00abmoment politique\u00bb pour ce malheureux pays. Cela signifie aussi joindre nos efforts diplomatiques \u00e0 ceux des Russes et des Iraniens. Plus nous attendons plus nous nous enfon\u00e7ons dans un \u00abanti-russisme\u00bb et un \u00abanti-iranisme\u00bb primitifs, plus nous nous d\u00e9cr\u00e9dibilisons, nous nous marginalisons et d\u00e9montrons notre ignorance ent\u00eat\u00e9e des v\u00e9ritables lignes rouges de la r\u00e9gion que nous ne sommes pas les seuls \u00e0 d\u00e9finir.<\/span><\/span><\/p>\nQuel \u00e9tait le v\u00e9ritable objectif des frappes du 14 avril? Tenter de r\u00e9\u00e9quilibrer un rapport de forces trop d\u00e9favorable au camp atantiste?<\/span><\/span><\/strong><\/p>\n Je crains que oui au plan local. Mais \u00e0 l\u2019\u00e9chelle globale, il s\u2019agissait par cette op\u00e9ration punitive et pr\u00e9cipit\u00e9e de manifester une repolarisation id\u00e9ologique, politique et s\u00e9curitaire autour de l\u2019Alliance atlantique mais plus encore de l\u2019Am\u00e9rique qui la contr\u00f4le.<\/span><\/span><\/p>\nDonald Trump menace de se retirer de l’accord sur le nucl\u00e9aire si les signataires europ\u00e9ens ne durcissent pas ses conditions d\u203aici au 12 mai. Que peut-il se passer? Les Europ\u00e9ens peuvent-ils encore le convaincre de maintenir l\u203aaccord? D\u2019un autre c\u00f4t\u00e9, les Iraniens estiment-ils que les Europ\u00e9ens (ou du moins la France) sont encore des partenaires fiables?<\/span><\/span><\/strong><\/p>\n Pour les Russes, de moins en moins, ainsi que l\u2019a r\u00e9cemment dit Dmitri Peskov, porte-parole du pr\u00e9sident Poutine, durant l\u2019affaire Skripal et l\u2019hyst\u00e9rie antirusse \u00e0 laquelle elle a donn\u00e9 lieu. Les Iraniens quant \u00e0 eux, sont \u00e9videmment d\u00e9\u00e7us mais surtout inquiets de voir les fissures appara\u00eetre dans la r\u00e9solution des signataires europ\u00e9ens de l\u2019accord de juillet 2015, dont certains commencent \u00e0 \u00e9voquer une possible ren\u00e9gociation. Seul Paris est encore sur une ligne l\u00e9galiste stricte ainsi que vient de le rappeler notre pr\u00e9sident. Sur ce sujet, nous avons un r\u00f4le tr\u00e8s important \u00e0 jouer pour emp\u00eacher ceux qui veulent la mont\u00e9e des tensions et pourquoi pas l\u2019affrontement, de l\u2019emporter.<\/span><\/span><\/p>\nLors de cette crise entre Etats-Unis et Russie, la Turquie s\u2019est pos\u00e9e en m\u00e9diatrice, apr\u00e8s s\u2019\u00eatre rapproch\u00e9e de<\/span><\/span><\/strong> Moscou pour combattre les Kurdes \u00e0 sa fronti\u00e8re. Erdogan veut-il s\u2019\u00e9loigner de l\u2019OTAN? Son rapprochement avec Moscou est-il tactique ou strat\u00e9gique?\u00a0Va-t-il \u00eatre oblig\u00e9 de choisir entre Otan et Russie?<\/span><\/span><\/strong><\/p>\n \nLa Turquie a tout \u00e0 gagner \u00e0 rester dans l\u2019OTAN. Ce statut d\u2019alli\u00e9 majeur et massif du Flanc sud de l\u2019Alliance est strat\u00e9gique pour Ankara, et Washington soutient de fait l\u2019offensive contre les Kurdes et veut \u00e9videmment conserver la Turquie dans l\u2019Alliance pour cette pr\u00e9sence aux fronti\u00e8res du chaudron moyen-oriental. Cela permet \u00e0 Ankara de jouer sur tous les tableaux, de pratiquer le chantage \u00e0 grande \u00e9chelle vis-\u00e0-vis de l\u2019Am\u00e9rique et de l\u2019OTAN (contre la Russie) de la Russie, de l\u2019Iran et de la Syrie (contre l\u2019Am\u00e9rique), enfin envers l\u2019Europe sur la question des migrants. Chacun a besoin de la Turquie, les ench\u00e8res montent et les Kurdes trinquent\u2026 Ce qui d\u00e9montre bien, si besoin \u00e9tait, le niveau de cynisme auquel notre moralisme et nos bons sentiments d\u00e9claratoires servent de paravent transparent. Et je ne parle m\u00eame pas du Y\u00e9men.<\/span><\/span><\/p>\nEn 2017, Trump, comme Macron, paraissaient plut\u00f4t conciliants envers Vladimir Poutine. Aujourd\u2019hui, les positions se sont durcies, \u00e9galement du c\u00f4t\u00e9 du Royaume-Uni, emp\u00eatr\u00e9 dans l\u2019affaire Skripal. Est-on entr\u00e9 dans une nouvelle guerre froide qui ne dit pas son nom et qui pourrait se jouer au travers d\u2019une guerre r\u00e9gionale au Moyen-Orient?<\/span><\/span><\/strong><\/p>\n C\u2019est \u00e0 mon avis pr\u00e9cis\u00e9ment parce que cette phase constructive s\u2019\u00e9tait en effet \u00e9bauch\u00e9e il y a un an que nous avons subi une \u00abreprise en main\u00bb, via une man\u0153uvre d\u00e9termin\u00e9e de contre-influence et de repolarisation des alliances. Rares sont finalement ceux qui recherchent vraiment l\u2019apaisement. Le gigantisme des int\u00e9r\u00eats \u00e9conomiques, industriels, financiers et \u00e9nerg\u00e9tiques, qui constitue l\u2019arri\u00e8re-fond de l\u2019actualit\u00e9 internationale, est un facteur bellig\u00e8ne important sans parler des corporatismes technocratiques, des divers lobbies, des castes, chapelles et \u00e9coles qui n\u2019ont que peu d\u2019int\u00e9r\u00eat \u00e0 voir l\u2019esprit de conciliation avancer. Nous sommes en effet entra\u00een\u00e9s dans une forme de nouvelle guerre froide, \u00e0 mon sens plus dangereuse que l\u2019ancienne, car les m\u00e9thodes ont chang\u00e9, les codes de pens\u00e9e et de conduite ont explos\u00e9s, les acteurs se sont multipli\u00e9s et plus personne ne prise la paix puisque la plupart de ces dirigeants n\u2019ont connu la guerre que d\u2019assez loin, semble-t-il.<\/span><\/span><\/p>\nJenny Saleh<\/span><\/span><\/strong><\/p>\nSource:<\/span><\/p>\nhttp:\/\/magazine.com.lb\/index.php\/fr\/component\/k2\/item\/18458-caroline-galact%C3%A9ros-pr%C3%A9sidente-du-think-tank-geopragma-une-nouvelle-guerre-froide-plus-dangereuse-que-l%E2%80%99ancienne?issue_id=271<\/a><\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"Par Jenny Saleh Magazine \u2013 Le mensuel – 04\/05\/2018 Frappes tripartites en Syrie, alignement fran\u00e7ais sur les positions am\u00e9ricaines, ren\u00e9gociation \u00e9ventuelle de l\u2019accord sur le nucl\u00e9aire iranien, autant de dossiers qui laissent entrevoir une nouvelle guerre froide inqui\u00e9tante. 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[Magazine \u2013 Le mensuel] - \u00ab\u00a0Caroline Galact\u00e9ros, pr\u00e9sidente du think tank Geopragma. Une nouvelle guerre froide, plus dangereuse que l\u2019ancienne\u00a0\u00bb - Geopragma<\/title>\n \n \n \n \n \n \n \n \n \n \n \n \n \n \n \n \n\t \n\t \n\t \n