{"id":19374,"date":"2024-12-16T12:35:44","date_gmt":"2024-12-16T11:35:44","guid":{"rendered":"https:\/\/geopragma.fr\/?p=19374"},"modified":"2024-12-20T11:43:47","modified_gmt":"2024-12-20T10:43:47","slug":"16-decembre-2024","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/geopragma.fr\/16-decembre-2024\/","title":{"rendered":"Et si la France commen\u00e7ait \u00e0 s\u2019int\u00e9resser s\u00e9rieusement \u00e0 l\u2019Italie\u00a0?"},"content":{"rendered":"\n
Billet du lundi 16 d\u00e9cembre 2024 r\u00e9dig\u00e9 par Jean-Philippe Duranthon, membre Fondateur et membre du Conseil d’administration de Geopragma. <\/em><\/p>\n\n\n\n La d\u00e9composition du Moyen Orient s\u2019accro\u00eet et s\u2019\u00e9tend, on meurt toujours en Ukraine m\u00eame si l\u2019on commence enfin \u00e0 parler de paix, l\u2019Am\u00e9rique gonfle ses pr\u00e9tentions et ses ambitions, la Chine poursuit discr\u00e8tement ses prises de contr\u00f4le, l\u2019Afrique retrouve ses d\u00e9mons et oublie le d\u00e9sespoir des populations, l\u2019Europe, \u00e0 force de se perdre dans le nombrilisme et l\u2019autosatisfaction, s\u2019\u00e9tiole et s\u2019efface, la France se d\u00e9lite et fait le spectacle\u2026 Essayons d\u2019oublier un moment ce contexte pr\u00e9occupant et int\u00e9ressons-nous \u00e0 un proche et beau pays.<\/p>\n\n\n\n Les Fran\u00e7ais ont l\u2019habitude de regarder l\u2019Italie avec un m\u00e9pris certain : pour eux, l\u2019Italie, ce sont de belles, mais vieilles, pierres, un bel canto<\/em> juste bon pour une promenade en gondole, et des pizzas bien pratiques pour rendre sages les enfants turbulents ; les Europ\u00e9ens dignes de nous, ce sont les Allemands et les Britanniques car eux, au moins, sont s\u00e9rieux. Ne serait-il pas temps d\u2019abandonner ces niaiseries ?<\/p>\n\n\n\n L\u2019Italie est le 3\u00e8me<\/sup> pays de l\u2019Union Europ\u00e9enne par la population[1]<\/a>, le 3\u00e8me<\/sup> aussi par le PIB[2]<\/a>. Elle a demand\u00e9 son admission \u00e0 l\u2019ONU d\u00e8s 1947[3]<\/a>, fut l\u2019un des 12 pays qui ont fond\u00e9 l\u2019OTAN en 1949 et a, d\u00e8s l\u2019origine, particip\u00e9 \u00e0 l\u2019aventure europ\u00e9enne en \u00e9tant l\u2019un des 6 pays signataires du Trait\u00e9 de Paris de 1951 cr\u00e9ant la CECA.<\/p>\n\n\n\n Son positionnement g\u00e9ographique la place \u00e0 proximit\u00e9 de plusieurs foyers de tension qui menacent l\u2019Europe : le Proche-Orient, l\u2019Afrique du Nord et les Balkans. Elle est autant que la France soucieuse \u00e0 la fois d\u2019entretenir des relations de confiance avec les pays concern\u00e9s et de se pr\u00e9munir contre leurs influences d\u00e9l\u00e9t\u00e8res.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est aussi une puissance \u00e9conomique. Elle est d\u00e9sormais le 4\u00e8me<\/sup> exportateur mondial, devant le Japon. Ses capacit\u00e9s sont particuli\u00e8rement reconnues dans les secteurs industriels de haute technologie, gr\u00e2ce \u00e0 un outil industriel m\u00ealant entreprises de stature mondiale[4]<\/a> et un tissu extr\u00eamement dense d\u2019ETI \u0153uvrant, soit directement, soit comme sous-traitants des grands groupes mondiaux (on estime ainsi que 20 % de la valeur d\u2019une automobile allemande correspond \u00e0 ses composants venant d\u2019Italie[5]<\/a>). Les qualit\u00e9s de cet outil industriel expliquent que l\u2019Italie soit le 3\u00e8me<\/sup> pays d\u2019exc\u00e9dent commercial de l\u2019Union Europ\u00e9enne (la France \u00e9tant le pays dont le d\u00e9ficit est le plus important) et qu\u2019au cours de la derni\u00e8re d\u00e9cennie, les exportations italiennes ont \u00e9t\u00e9 les plus dynamiques du G7[6]<\/a>.<\/p>\n\n\n\n L\u2019Italie tient \u00e9galement une place significative en mati\u00e8re de recherche fondamentale et dispose d\u2019instruments de recherche particuli\u00e8rement novateurs utilis\u00e9s dans le cadre de coop\u00e9rations mondiales[7]<\/a>.<\/p>\n\n\n\n Enfin, l\u2019instabilit\u00e9 gouvernementale qui a longtemps caract\u00e9ris\u00e9 l\u2019Italie n\u2019est plus de mise aujourd\u2019hui. Giorgia Meloni est l\u2019une des rares personnes au pouvoir en Europe \u00e0 \u00eatre sortie renforc\u00e9e du scrutin europ\u00e9en, son gouvernement a d\u00e9j\u00e0 d\u00e9pass\u00e9 la dur\u00e9e moyenne des gouvernements italiens des cinquante derni\u00e8res ann\u00e9es, et la pr\u00e9sidente du conseil reste, apr\u00e8s plus de deux ans de pouvoir, la personne politique pr\u00e9f\u00e9r\u00e9e des Italiens. Les dirigeants europ\u00e9ens ne peuvent pas tous en dire autant.<\/p>\n\n\n\n A l\u2019heure ou la Grande-Bretagne renforce son ancrage anglo-saxon – tout en cherchant \u00e0 palier certaines cons\u00e9quences du Brexit – et o\u00f9 l\u2019Allemagne fait face \u00e0 la fois \u00e0 une remise en cause de son mod\u00e8le \u00e9conomique (perte de l\u2019approvisionnement en gaz russe \u00e0 bon march\u00e9 et chute des exportations en Chine) et \u00e0 une instabilit\u00e9 politique nouvelle, la France aurait int\u00e9r\u00eat \u00e0 raffermir ses liens avec l\u2019Italie. Celle-ci pourrait l\u2019aider \u00e0 \u00e9quilibrer un dialogue franco-allemand qui \u00e9volue r\u00e9guli\u00e8rement, avec l\u2019appui de la pr\u00e9sidente de la Commission europ\u00e9enne, en faveur de nos voisins et \u00e0 notre d\u00e9triment. Deux dossiers r\u00e9cents illustrent ces possibilit\u00e9s de convergence : Giorgia Meloni a annonc\u00e9 officiellement son souhait de recourir au nucl\u00e9aire[8]<\/a> pour son approvisionnement \u00e9nerg\u00e9tique et l\u2019Italie a rejoint la France et la Pologne dans leur opposition au trait\u00e9 du Mercosur, auquel l\u2019Allemagne est favorable.<\/p>\n\n\n\n Certaines faiblesses de l\u2019Italie, souvent invoqu\u00e9es, m\u00e9ritent d\u2019\u00eatre relativis\u00e9es quand on les compare aux performances de la France. La croissance \u00e9conomique italienne est faible, 0,9 %, mais celle de la France n\u2019est qu\u2019\u00e0 peine plus \u00e9lev\u00e9e\u00a0: 1\u00a0%. Le ch\u00f4mage est significatif, mais moindre qu\u2019en France (6,2% contre 7,5%). Le fort endettement public est tr\u00e8s pr\u00e9occupant (137% du PIB contre 112% en France)\u00a0; mais la dette italienne est prioritairement d\u00e9tenue par des Italiens (72%) alors que la dette fran\u00e7aise l\u2019est par des \u00e9trangers (54%), ce qui accro\u00eet les risques de d\u00e9stabilisation financi\u00e8re externe. De plus, l\u2019endettement priv\u00e9 est beaucoup plus faible en Italie qu\u2019en France\u00a0: 95,3% du PIB contre 136,6%. Si le spread<\/em>[9]<\/a> italien est encore sup\u00e9rieur au fran\u00e7ais, il d\u00e9cro\u00eet alors que celui de la France augmente\u00a0: le premier est pass\u00e9, en un an, de 180 \u00e0 108 pb alors que le second a augment\u00e9 de 50 \u00e0 90 pb.<\/p>\n\n\n\n Les vraies faiblesses de l\u2019Italie sont ailleurs. Son taux de natalit\u00e9 est extr\u00eamement faible (6,7 pour mille contre 10,6 pour mille en France), ce qui menace le dynamisme \u00e9conomique futur du pays. Son approvisionnement en \u00e9nergie repose pour l\u2019essentiel sur les importations, ce qui est \u00e0 l\u2019\u00e9vidence un facteur de d\u00e9pendance. L\u2019\u00e9conomie informelle est importante et par d\u00e9finition hors de contr\u00f4le. Enfin, sa politique \u00e9trang\u00e8re est ultra-atlantiste et l\u2019influence des Etats-Unis sur la politique italienne est tr\u00e8s forte, si bien qu\u2019on peut s\u2019interroger sur les v\u00e9ritables marges d\u2019autonomie du pouvoir italien en la mati\u00e8re.<\/p>\n\n\n\n Les deux pays ayant, dans de nombreux domaines, des int\u00e9r\u00eats communs, la France aurait tort de se priver de l\u2019atout que serait, sur certains dossiers importants et en particulier au sein des instances de l\u2019Union europ\u00e9enne, une convergence avec l\u2019Italie. Un \u00ab accord du Quirinal \u00bb a bien \u00e9t\u00e9 sign\u00e9 entre les deux pays en 2021 mais n\u2019a gu\u00e8re eu de suites. Faisons le vivre !<\/p>\n\n\n\n Certains, bien s\u00fbr, diront que Madame Meloni pense mal. On pourra leur r\u00e9pondre que le peuple italien est souverain pour penser ce qu\u2019il veut et qu\u2019il ne s\u2019agit pas pour la France de discuter avec un parti, dont le pouvoir est transitoire, mais avec un pays, qui demeure quels que soient ses dirigeants. Ou qu\u2019il ne faudrait pas jeter l\u2019opprobre sur un dirigeant qui, contrairement \u00e0 d\u2019autres que l\u2019on fr\u00e9quente, n\u2019a pas cherch\u00e9 \u00e0 influencer ou d\u00e9stabiliser une puissance \u00e9trang\u00e8re, ni \u00e0 faire assassiner un opposant. Et que Mme Meloni b\u00e9n\u00e9ficie, si l\u2019on en croit les sondages, d\u2019un appui populaire dont r\u00eaveraient tous ceux qui dirigent, ou aspirent \u00e0 diriger, la France.<\/p>\n\n\n\n Jean-Philippe Duranthon<\/p>\n\n\n\n Membre fondateur de Geopragma<\/p>\n\n\n\n [1]<\/a> Allemagne 84 millions d\u2019habitants, France 68, Italie 59, Espagne 48.<\/p>\n\n\n\n [2]<\/a> Allemagne 4122 Md\u20ac, France 2803, Italie 2085, Espagne 1462.<\/p>\n\n\n\n [3]<\/a> Elle n\u2019a \u00e9t\u00e9 admise qu\u2019en 1955, \u00e0 la suite d\u2019un long processus politique et administratif. Bien \u00e9videmment, elle ne dispose pas d\u2019un si\u00e8ge permanent au Conseil de s\u00e9curit\u00e9 (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie).<\/p>\n\n\n\n [4]<\/a> Ces entreprises sont particuli\u00e8rement actives dans les secteurs de l\u2019a\u00e9ronautique, notamment militaire (Leonardo, anciennement Finmeccanica), l\u2019espace (c\u2019est gr\u00e2ce \u00e0 Avio que l\u2019Europe a pu se doter, avec Vega, d\u2019un lanceur spatial l\u00e9ger), les missiles (Leonardo est l\u2019un des trois actionnaires du missilier MBDA), la construction navale (Fincantieri). Lorsque des coop\u00e9rations internationales d\u2019ampleur sont envisag\u00e9es, ces grands groupes italiens ne se retrouvent pas toujours (de leur fait ou de celui de leurs partenaires) dans les \u00e9quipes auxquelles la France participe : pour le programme d\u2019avion de 6\u00e8me<\/sup> g\u00e9n\u00e9ration SCARF[4] l\u2019Italie s\u2019est alli\u00e9e \u00e0 la Grande-Bretagne et le Japon, qui rivaliseront avec l\u2019Allemagne, l\u2019Espagne et la France ; de m\u00eame, pour le char du futur Leonardo, longtemps tent\u00e9 par le programme franco-allemand confi\u00e9 \u00e0 l\u2019industriel binational KNDS, a finalement choisi de s\u2019allier \u00e0 l\u2019autre grand industriel allemand Rheinmetall pour fabriquer un char concurrent. De m\u00eame, le rapprochement entre Fincantieri et les Chantiers de l\u2019Atlantique a fait long feu en 2021.<\/p>\n\n\n\n [5]<\/a> Aussi les sous-traitants italiens subissent-ils actuellement les cons\u00e9quences des difficult\u00e9s des constructeurs allemands.<\/p>\n\n\n\n [6]<\/a> Elles ont augment\u00e9 de 48%, contre 28% pour la France et 27% pour l\u2019Allemagne.<\/p>\n\n\n\n [7]<\/a> En particulier le Laboratoire du Gran Salto pour les recherches sur les particules et VIRGO, pr\u00e8s de Pise, pour les recherches sur les ondes gravitationnelles.<\/p>\n\n\n\n
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