{"id":19350,"date":"2024-10-20T21:09:57","date_gmt":"2024-10-20T19:09:57","guid":{"rendered":"https:\/\/geopragma.fr\/?p=19350"},"modified":"2024-10-20T21:10:02","modified_gmt":"2024-10-20T19:10:02","slug":"la-guerre-juste-apres-lukraine-et-gaza","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/geopragma.fr\/la-guerre-juste-apres-lukraine-et-gaza\/","title":{"rendered":"La guerre juste apr\u00e8s l\u2019Ukraine et Gaza"},"content":{"rendered":"\n
Billet du lundi 21 octobre 2024 r\u00e9dig\u00e9 par Pierre de Lauzun, membre fondateur de Geopragma et membre du Conseil d’administration de Geopragma. <\/em><\/p>\n\n\n\n Peut-on parler de guerre juste ? Pour certains, la guerre \u00e9tant fondamentalement mauvaise ne peut \u00eatre juste, tant du fait de sa violence que des haines durables qu\u2019elle s\u00e8me. D\u2019autre craignent qu\u2019admettre l\u2019id\u00e9e qu\u2019il y a des guerres justes est ouvrir la porte \u00e0 la justification de toutes sortes des guerres. Pourtant on ne peut pas toujours \u00e9viter la guerre : il arrive qu\u2019on vous l\u2019impose. Faudrait-il alors se laisser faire et laisser les agresseurs faire la loi ? La l\u00e9gitime d\u00e9fense est un cas \u00e9vident de guerre qu\u2019on ne peut pas ne pas mener. Il y a donc au moins un cas de guerre juste. D\u2019o\u00f9 la question : quand et comment peut-on admettre que malgr\u00e9 ses horreurs une guerre peut et doit \u00eatre men\u00e9e ?<\/p>\n\n\n\n Certains disent que la question est d\u00e9pass\u00e9e avec les armes nucl\u00e9aires : quel sens a une guerre si elle d\u00e9bouche sur la disparition de tout ? Mais, en dehors m\u00eame de la question de la dissuasion, l\u2019exp\u00e9rience des cinquante derni\u00e8res ann\u00e9es montre de nombreuses guerres de tout type qui restent en de\u00e7\u00e0 du conflit nucl\u00e9aire. Et pour qui la r\u00e9flexion sur la guerre juste garde son sens.<\/p>\n\n\n\n Bien entendu, la question se pose dans un cadre international o\u00f9 les Etats sont souverains, o\u00f9 il n\u2019y a pas une autorit\u00e9 mondiale qui arbitre entre leurs diff\u00e9rends. L\u2019ONU n\u2019a pas d\u2019autorit\u00e9 sur eux. Mais cela n\u2019implique pas qu\u2019il n\u2019existe pas des r\u00e8gles d\u2019ordre moral, ant\u00e9rieures et en un sens sup\u00e9rieures \u00e0 leur souverainet\u00e9. En l\u2019absence d\u2019un Etat universel, la consid\u00e9ration du bien commun incombe de fait aux diff\u00e9rents Etats.<\/p>\n\n\n\n Cette r\u00e9flexion peut avoir un effet op\u00e9rationnel, en vue d\u2019une d\u00e9cision sur une situation o\u00f9 l\u2019usage de la force est une option. On pourrait objecter que cela ne vaut que pour celui qui a le souci du bien, ou une moralit\u00e9, mais que le cynique ne sera pas concern\u00e9. C\u2019est vrai, \u00e0 ceci pr\u00e8s que les justifications morales p\u00e8sent sur le moral des parties. En outre il n\u2019est pas inutile que le cynique sache \u00e0 partir de quand d\u2019autres se sentiront en droit de r\u00e9agir. Et des non-bellig\u00e9rants peuvent influer sur l\u2019issue d\u2019un conflit, par exemple par des embargos.<\/p>\n\n\n\n Par ailleurs, \u00e9luder la r\u00e9flexion sur la guerre juste en disant que la priorit\u00e9 est \u00e0 la recherche de la paix suppose le probl\u00e8me r\u00e9solu. Dans la r\u00e9alit\u00e9, il appara\u00eet \u00e0 chaque \u00e9poque des acteurs dangereux pour les autres \u2013 par int\u00e9r\u00eat, id\u00e9ologie ou autre. Il est donc essentiel d\u2019avoir les id\u00e9es claires sur ce qu\u2019il est justifi\u00e9 de faire face \u00e0 eux. A un niveau plus fondamental, il est dangereux de penser que la mort et la souffrance sont les plus grands maux possibles, et que d\u00e8s lors la soumission \u00e0 une force mauvaise est meilleure que la mort ou la guerre.<\/p>\n\n\n\n Dans un livre \u00e0 para\u00eetre fin octobre chez Boleine \u00ab La guerre juste, apr\u00e8s l\u2019Ukraine et Gaza<\/em> \u00bb je rappelle et analyse les principes classiques de la guerre juste, puis je les applique aux cas actuels : la guerre d\u2019Ukraine et la guerre de Gaza, alors m\u00eame qu\u2019elles ne sont pas termin\u00e9es. Je compl\u00e8te par le cas d\u2019une guerre civile (la Syrie).<\/p>\n\n\n\n Cela permet de prendre du recul et de porter un regard un peu plus objectif et lucide, comment on pourra le voir en le lisant. Et je rappelle un imp\u00e9ratif : \u00e9viter la manie des conflits id\u00e9ologiques, ou celle des suppos\u00e9s conflits de civilisation. Ils brouillent le jugement et excluent qu\u2019il puisse s\u2019agir de guerre juste, contrairement \u00e0 l\u2019id\u00e9e r\u00e9pandue aujourd\u2019hui dans les pays occidentaux. En effet, entre autres consid\u00e9rations et notamment la mani\u00e8re m\u00eame de conduire la guerre (jus in bello<\/em>), pour \u00eatre dite juste une guerre doit certes d\u2019abord poursuivre un objectif justifi\u00e9, mais elle suppose aussi \u00e0 la fois qu\u2019on puisse \u00eatre raisonnablement convaincu qu\u2019on peut par-l\u00e0 arriver \u00e0 une situation r\u00e9ellement meilleure, et qu\u2019on ait des chances raisonnables de succ\u00e8s (jus ad bellum<\/em>). Et donc une guerre juste suppose d\u2019abord une analyse r\u00e9aliste de la situation.<\/p>\n\n\n\n Par ailleurs et dans la m\u00eame perspective, on ne peut conclure qu\u2019une guerre donn\u00e9e est juste de fa\u00e7on d\u00e9finitive. Selon le cours des \u00e9v\u00e9nements, elle peut \u00eatre juste au d\u00e9part et moins ensuite, ou elle peut le devenir alors qu\u2019elle ne l\u2019\u00e9tait pas vraiment. Eventuellement du fait de la mani\u00e8re de conduire cette guerre, mais aussi voire surtout en fonction des perspectives de succ\u00e8s et des chances de parvenir \u00e0 une situation meilleure en continuant les op\u00e9rations.<\/p>\n\n\n\n S\u2019il y a une conclusion \u00e0 tirer de cet examen, c\u2019est un double message. Un message de modestie et de prudence d\u2019abord. Il est souvent difficile de porter un jugement \u00e9quilibr\u00e9 face \u00e0 un conflit ou \u00e0 l\u2019hypoth\u00e8se d\u2019une guerre, afin de discerner si on peut la consid\u00e9rer en raison comme une juste guerre. Tant l\u2019analyse des faits, les hypoth\u00e8ses sur l\u2019\u00e9volution future des combats, ou la pr\u00e9vision de l\u2019effet final ne sont pas des sciences exactes.<\/p>\n\n\n\n Mais aussi un message d\u2019encouragement \u00e0 se poser cette question de la guerre juste, car l\u2019horreur que suscite la guerre prend dans nos soci\u00e9t\u00e9s techniquement \u00e9volu\u00e9es une tout autre ampleur. Et les questions m\u00eame que l\u2019on se pose dans cette perspective sont propres \u00e0 mod\u00e9rer, chez celui qui se les pose, les ardeurs agressives ou \u00e9motionnelles, les classements en blanc et noir, que nos soci\u00e9t\u00e9s affectionnent trop souvent.<\/p>\n\n\n\n Encore faut-il pour cela accepter une asc\u00e8se particuli\u00e8re, conduisant \u00e0 la fois \u00e0 ne pas s\u2019abandonner \u00e0 la passion id\u00e9ologique, quand bien m\u00eame on croit profond\u00e9ment \u00e0 certaines causes ou valeurs ; et \u00e0 ne pas tomber non plus dans l\u2019illusion pacifiste, croyant la paix toujours \u00e0 port\u00e9e de la main.<\/p>\n\n\n\n On peut donc avoir \u00e0 faire des guerres, mais avec prudence et r\u00e9flexion. Exercice fort peu naturel dans ce qui est une des exp\u00e9riences les plus \u00e9motionnellement intenses de l\u2019humanit\u00e9.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Billet du lundi 21 octobre 2024 r\u00e9dig\u00e9 par Pierre de Lauzun, membre fondateur de Geopragma et membre du Conseil d’administration de Geopragma. Peut-on parler de guerre juste ? Pour certains, la guerre \u00e9tant fondamentalement mauvaise ne peut \u00eatre juste, tant du fait de sa violence que des haines durables qu\u2019elle s\u00e8me. 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