Billet du lundi 29 juillet 2024 r\u00e9dig\u00e9 par Ghislain de Castelbajac, membre fondateur et membre du Conseil d’administration, de\u00a0Geopragma.<\/p>\n\n\n\n
Jouer aux \u00e9checs \u00e0 Szechenyi, les jambes tremp\u00e9es dans un bouillon d\u2019eau chaude, le reste du corps port\u00e9 par les vents glaciaux d\u2019un \u00ab\u00a0Moscou express<\/em>\u00a0\u00bb hivernal sans piti\u00e9, et porter son flegme plus britannique qu\u2019un lord victorien\u00a0: le pragmatisme magyar semble faire fi des vicissitudes d\u2019un pays qui a perdu 70% de sa superficie au trait\u00e9 de Trianon, fut occup\u00e9 par l\u2019arm\u00e9e rouge durant 45 ans, et avant par les turcs durant 150 ans.<\/p>\n\n\n\n Le r\u00f4le de ce petit pays de 10 millions d\u2019habitants intra-muros, auxquels il faut ajouter 5 millions de magyars dispers\u00e9s en Slovaquie, Roumanie, Slov\u00e9nie, Serbie, Croatie et Ukraine constitue un contre-exemple flagrant de l\u2019application du droit des peuples \u00e0 disposer d\u2019eux-m\u00eames institu\u00e9 parfois avec hypocrisie par des puissances au mieux cyniques, au pire ignorantes de l\u2019Histoire.<\/p>\n\n\n\n Compos\u00e9e principalement d\u2019une plaine pannonienne qui n\u2019est pas sans rappeler les vastes \u00e9tendus pontiques du sud de l\u2019Ukraine, la Hongrie n\u2019en finit pas d\u2019\u00e9tonner \/ d\u2019affoler les capitales europ\u00e9ennes qui ne savent prendre le train de l\u2019Histoire.<\/p>\n\n\n\n L\u2019arriv\u00e9e au pouvoir du parti FIDESZ en 2010, le parti du premier ministre actuel Viktor Orb\u00e1n \u00e9tablit pour la Hongrie sa seconde r\u00e9volution apr\u00e8s la chute du communisme en 1989. Sa constitution adopt\u00e9e en 2012 tranche avec celle h\u00e9rit\u00e9e de l\u2019imm\u00e9diate apr\u00e8s-guerre. Cette loi fondamentale traite en pr\u00e9ambule de son engagement envers les Hongrois vivant \u00e0 l’\u00e9tranger, en affirmant que ces derniers sont des membres \u00e0 part enti\u00e8re de la soci\u00e9t\u00e9 hongroise, leur assurant protection linguistique, culturelle, et garantit que les Magyars de l\u2019\u00e9tranger ont le droit de retourner en leur m\u00e8re-patrie \u00e0 tout moment.<\/p>\n\n\n\n Il convient de rappeler que tous les voisins de la Hongrie qui poss\u00e8dent des minorit\u00e9s magyares sur leurs territoires leurs accordent des droits \u00e9quivalents \u00e0 ceux des autres citoyens, \u00e0 l\u2019exception de Kiev, qui a interdit l\u2019usage de la langue hongroise dans la r\u00e9gion transcarpatique, annex\u00e9e par la R.A. Ukraine, composante de l\u2019URSS, en 1945.<\/p>\n\n\n\n Il est fondamental de lire la politique \u00e9trang\u00e8re actuelle de la Hongrie \u00e0 l\u2019aune des nombreux articles constitutionnels de ce pays qui traitent les Magyars de l\u2019\u00e9tranger (hat\u00e1ront\u00fali magyarok)<\/em> :<\/p>\n\n\n\n Profitant de l\u2019interm\u00e8de estival post \u00e9lectoral au parlement europ\u00e9en qui co\u00efncide avec la pr\u00e9sidence tournante de Budapest au conseil de l\u2019Union Europ\u00e9enne, Viktor Orb\u00e1n fait feu de tout bois pour tenter un activisme qui sort les bellig\u00e9rants prota et deut\u00e9ragonistes du sanglant conflit ukrainien de leur torpeur.<\/p>\n\n\n\n Apr\u00e8s une visite \u00e0 Kiev le 2 juillet dernier pour une rencontre directe avec Volodymir Zelensky, Orb\u00e1n s\u2019est envol\u00e9 pour Moscou, o\u00f9 il a rencontr\u00e9 Vladimir Poutine. Il a aussi \u00e9t\u00e9 re\u00e7u le 8 juillet par Xi Jinping \u00e0 Beijing.<\/p>\n\n\n\n Le plan Orb\u00e1n consiste principalement \u00e0 valider aupr\u00e8s des forces en pr\u00e9sence le principe d\u2019un cessez-le-feu \u00e0 dur\u00e9e limit\u00e9e, qui permettrait la mise en place d\u2019un accord de paix le moins in\u00e9quitable possible. Pour autant, il demeure assez r\u00e9aliste et vise en pr\u00e9ambule un \u00e9tat des lieux des volont\u00e9s des bellig\u00e9rants qui, selon ses entretiens crois\u00e9s avec MM. Zelensky et Poutine, n\u2019avaient pas l\u2019intention de stopper les combats.<\/p>\n\n\n\n Le premier ministre hongrois dresse \u00e9galement un \u00ab audit \u00bb de la situation internationale en 2024 qui a vu les Europ\u00e9ens voter sans qu\u2019aucune voie commune pour un plan de paix concret ne sorte de la campagne \u00e9lectorale ni des urnes. Il admet \u00e9galement que la campagne \u00e9lectorale am\u00e9ricaine en cours sera principalement dirig\u00e9e vers les affaires domestiques, et que l\u2019aide am\u00e9ricaine \u00e0 l\u2019Ukraine tendra \u00e0 baisser, ce qui par effet de balancier fera porter plus de poids aux europ\u00e9ens pour soutenir Kiev.<\/p>\n\n\n\n D\u2019un constat r\u00e9aliste et loin de l\u2019id\u00e9ologie et des caricatures d\u2019une certaine presse, Viktor Orb\u00e0n prend acte des impasses actuelles, y compris de l\u2019\u00e9chec des discussions de B\u00fcrgenstock qui furent boud\u00e9es par Moscou car l\u2019Ukraine mettait en pr\u00e9alable l\u2019\u00e9vacuation de la Russie des oblasts qu\u2019elle a annex\u00e9.<\/p>\n\n\n\n L\u2019id\u00e9e d\u2019un cessez-le-feu int\u00e9gral et limit\u00e9 durant la tenue de r\u00e9elles n\u00e9gociations de paix devrait \u00eatre la norme pour tout conflit sanglant, telles que celles port\u00e9es par le pape Benoit XV et l\u2019officier belge Sixte de Bourbon-Parme, beau-fr\u00e8re de l\u2019empereur d\u2019Autriche-Hongrie, durant la premi\u00e8re guerre mondiale.<\/p>\n\n\n\n L\u2019on pourra \u00e9ternellement maugr\u00e9er de l\u2019injustice de valider une annexion par la force (Zaporija, Mariupol) ou par la ruse (Crim\u00e9e, Donetsk, Luhansk) par la Russie, en \u00e9change de pr\u00e9server le peu de vies humaines qui demeurent valides en Ukraine, dans la perspective d\u2019une paix des braves.<\/p>\n\n\n\n Il est ais\u00e9, du haut de notre confort d\u2019une nation fran\u00e7aise repue dans ses confortables fronti\u00e8res, de critiquer l\u2019initiative hongroise de tenter d\u2019arracher un cessez-le-feu en Ukraine, mais n\u2019oublions pas les efforts de Budapest d\u2019avoir \u00e9tabli des relations apais\u00e9es avec ses voisins depuis la signature des accords du Pacte de Stabilit\u00e9 sur les fronti\u00e8res en Europe de mars 1995 qui permit \u00e0 la Hongrie de faire le deuil de ses fronti\u00e8res r\u00e9centes, tout en conservant et renfor\u00e7ant le lien avec les Magyars de l\u2019\u00e9tranger.<\/p>\n\n\n\n Les relations tr\u00e8s tendues que la Hongrie entretenait avec la Slovaquie avant la signature de ce Pacte sont un contraste avec la complicit\u00e9 actuelle entre les deux premiers ministres nationalistes Orb\u00e0n et Fico.<\/p>\n\n\n\n En nommant ambassadeur de Hongrie \u00e0 Paris Georges de Habsbourg-Lorraine, fils d\u2019Otto et petit-fils de Charles, dernier empereur d\u2019Autriche-Hongrie et son cousin \u00c9duard, ambassadeur pr\u00e8s le Saint-Si\u00e8ge, le gouvernement hongrois montre bien aux europ\u00e9ens les plus avertis que Budapest et l\u2019ensemble des Magyars ont une parole bien particuli\u00e8re \u00e0 apporter dans la construction d\u2019une Europe durable, apais\u00e9e, et n\u2019ayant rien \u00e0 prouver en terme de \u00ab vivre ensemble \u00bb des peuples qui composent notre continent, ni en r\u00e9sistance face \u00e0 l\u2019occupation sovi\u00e9tique.<\/p>\n\n\n\n Sur le plan g\u00e9opolitique, Budapest tente \u00e9galement de se placer en clef-de-vo\u00fbte centrale de l\u2019\u00e9difice otano-europ\u00e9en qui r\u00e9\u00e9quilibrerait le centre de gravit\u00e9 face \u00e0 la nomination de l\u2019estonienne Mme Kaja Kallas \u00e0 la t\u00eate de la diplomatie europ\u00e9enne, qui concentre tous ses efforts \u00e0 une confrontation frontale avec Moscou, et aussi \u00e0 Mme Meloni \u00e0 Rome qui souhaite recentrer la cause des europ\u00e9ens vers la M\u00e9diterran\u00e9e avec la lutte contre les trafics humains migratoires qui font de plus en plus de victimes des passeurs, et des ONG financ\u00e9es par des id\u00e9ologues. <\/p>\n\n\n\n Loin des clich\u00e9s vendus \u00e0 l\u2019opinion publique contre la Hongrie par des groupes aux vis\u00e9es souvent peu avouables dans la perp\u00e9tuation sans fin d\u2019un conflit sanglant, nous pourrions aussi rappeler leur double standard alors que nous nous souvenons qu\u2019il y a tout juste cinquante ans, la Turquie envahissait la r\u00e9publique de Chypre, un \u00c9tat aujourd\u2019hui membre de l\u2019UE, qui reste toujours occup\u00e9 par une arm\u00e9e \u00e9trang\u00e8re, sans que cela n\u2019\u00e9meuve les caciques de nos grandes capitales si \u00e9prises de bien-pensance.<\/p>\n\n\n\n Source\u00a0: Le Diplomate<\/em><\/p>\n\n\n\n Ghislain de Castelbajac<\/p>\n\n\n\n Tous droits r\u00e9serv\u00e9s. Le 26 juillet 2024 \u00e0 16h<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Billet du lundi 29 juillet 2024 r\u00e9dig\u00e9 par Ghislain de Castelbajac, membre fondateur et membre du Conseil d’administration, de\u00a0Geopragma. 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