{"id":16771,"date":"2022-02-01T16:05:09","date_gmt":"2022-02-01T15:05:09","guid":{"rendered":"https:\/\/geopragma.fr\/?p=16771"},"modified":"2022-02-02T11:14:06","modified_gmt":"2022-02-02T10:14:06","slug":"ukraine-desescalade-quel-agenda","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/geopragma.fr\/ukraine-desescalade-quel-agenda\/","title":{"rendered":"Ukraine : d\u00e9sescalade, quel agenda ?"},"content":{"rendered":"\t\t
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Article r\u00e9dig\u00e9 par Emmanuel Go\u00fbt, membre du Comit\u00e9 d\u2019orientation strat\u00e9gique de Geopragma.\u00a0<\/p>\n
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\u00a0 \u00a0 \u00a0 R\u00e9cemment, le groupe Normandie a convenu d’une \u00e9ni\u00e8me reprise des r\u00e9unions quadri-lat\u00e9rales et conclut une nouvelle fois au bien-fond\u00e9 des accords de Minsk tandis que certains leaders europ\u00e9ens, \u00e0 commencer par le Pr\u00e9sident fran\u00e7ais Emmanuel Macron en charge de la pr\u00e9sidence europ\u00e9enne, invitent \u00e0 la d\u00e9sescalade. Alors que dans le m\u00eame temps, son ministre des Affaires \u00c9trang\u00e8res chausse d\u00e9j\u00e0 les bottes aux pieds \u2013 au moins ceux de nos enfants pr\u00eats \u00e0 \u00eatre d\u00e9ploy\u00e9s \u00e0 l’est sous le drapeau Otanien \u2013 avant de se rendre en Ukraine.\u00a0<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Il convient par cons\u00e9quent de s’interroger sur le sens \u00e0 donner \u00e0 une telle volont\u00e9 affich\u00e9e de d\u00e9sescalade et pour cela revenir aux sources de l’escalade.\u00a0\u00a0<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Il y a ce terrible mal entendu sur l’accord tacite qui aurait eu lieu au d\u00e9but des ann\u00e9es 90, entre Am\u00e9ricains et Russes, sur le gel des positions de l’OTAN en de\u00e7\u00e0 des pays de l’Europe centrale et de l’est. Chacun des deux protagonistes alimente sa propre version.\u00a0<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Il y a une Ukraine, rendue ind\u00e9pendante pour la premi\u00e8re fois de son histoire en 1991, tiraill\u00e9e entre un r\u00e9flexe anti sovi\u00e9tique qui n’h\u00e9sita pas de se faire complice de l’Allemagne nazie, et une tradition historique qui la place aux origines de la Russie et dans laquelle une partie de la population se retrouve, en particulier \u00e0 l’est de son territoire.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Il y a cette m\u00eame Ukraine qui n’a pas su se lib\u00e9rer d’une oligarchie corrompue toute tendance confondue et qui voit dans Nord Stream 2, le gazoduc qui contourne l’Ukraine, les conditions de la fin d’une rente milliardaire.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Il y a la Russie de Poutine qui n’a pas su en son temps trouver le leader ukrainien en mesure de redistribuer les richesses et cr\u00e9er ainsi les antidotes aux r\u00e9volutions de couleur, plus ou moins entretenues par l’\u00e9tranger. C’est ainsi que les r\u00e9volutions ont pu trouver un milieu favorable dans ce pays gangren\u00e9 par la corruption, sans pour autant y mettre fin.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Il y a ce que j’ai pu enfin souvent rappeler, cette incapacit\u00e9 \u00e0 penser diff\u00e9remment le monde post-chute du mur de Berlin en 1989. La confrontation de deux mondes id\u00e9ologiques qui voulaient s’exporter prenait alors fin en consacrant la victoire du capitalisme lib\u00e9ral des \u00c9tats-Unis. Ces derniers ont poursuivi et consolider leur dessin d’exporter leur mod\u00e8le sous le couvert de mots aussi enchanteurs que souvent illusoires : libert\u00e9, d\u00e9mocratie… Les Russes, qui avaient opt\u00e9 pour une \u00e9conomie de type capitaliste, \u00e0 la suite d’une transition particuli\u00e8rement difficile dans les ann\u00e9es 90, n’avaient plus aucun mod\u00e8le id\u00e9ologique \u00e0 exporter et devaient se concentrer sur la reconstruction d’une cr\u00e9dibilit\u00e9 internationale, sur de nouvelles bases, sans aucune veine id\u00e9ologique. C’est sans nul doute un important r\u00e9sultat obtenu ces 20 derni\u00e8res ann\u00e9es.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Il aura suffi de man\u0153uvres russes sur son propre territoire pour mettre en crise l’occident. Un grand m\u00e9dia am\u00e9ricain, encore tr\u00e8s r\u00e9cemment, s’interrogeait sur la r\u00e9action des USA si les Chinois s’installaient au Mexique : nul doute sur la r\u00e9action am\u00e9ricaine. Mais il n’y eut pas que des man\u0153uvres militaires : s’en suivit, en effet, des exigences sur le positionnement de l’OTAN en Europe de l’Est et surtout au sujet de la possible adh\u00e9sion de l’Ukraine \u00e0 l’OTAN : la fameuse ligne rouge.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Depuis le monde, surtout l’occident, s’enflamme virtuellement.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Il est important \u00e0 ce stade, et pour mieux tenter d’interpr\u00e9ter une possible \u00ab d\u00e9sescalade\u00a0\u00bb, de comparer les deux dynamiques de la surench\u00e8re verbale. Pour cela, il faut comprendre la diff\u00e9rence fondamentale entre la Russie, son leader et les USA, la France, etc. et leurs leaders respectifs : il en va du rapport th\u00e9orique et pratique entre l’action politique et la communication. Depuis plusieurs d\u00e9cennies, en Europe, en Occident en g\u00e9n\u00e9ral, la communication a pris le pas sur l’action politique dont elle finit par conditionner les orientations, les directions, alors que la communication devrait exclusivement rester sujette de l’action.\u00a0Dernier exemple en date, le voyage en plein \u00ab\u00a0partygate\u00a0\u00bb du Premier ministre britannique en Ukraine.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Il s’agit ici d’une r\u00e9flexion fondamentale et d’une diff\u00e9rence existentielle avec la Russie, o\u00f9 l’action pens\u00e9e reste au c\u0153ur, \u00e0 la base des strat\u00e9gies et la communication \u2013 quand elle existe \u2013 au service de celles-ci. C’est une r\u00e9flexion soci\u00e9tale qu’il conviendrait de d\u00e9velopper car cette inversion du rapport action-communication vient conditionner et troubler\u00a0notre quotidien dans tous les domaines.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Les leaders am\u00e9ricains raisonnent d\u00e9sormais exclusivement en fonction de leur popularit\u00e9 et donc de leur opinion publique ; les leaders europ\u00e9ens font de m\u00eame. \u00c0 ce propos, il convient de revenir sur une anecdote mise en lumi\u00e8re dans la r\u00e9cente et remarquable \u00e9tude de Breznev par Susanna Shattenberg, qui raconte qu’une d\u00e9l\u00e9gation sovi\u00e9tique se rendit aux USA pour rencontrer des homologues du Congr\u00e8s am\u00e9ricains pour discuter l’impact du cas Sakharov. En r\u00e9sum\u00e9, la d\u00e9l\u00e9gation am\u00e9ricaine pr\u00e9cisa sans d\u00e9tour aux Sovi\u00e9tiques que la seule pr\u00e9occupation am\u00e9ricaine \u00e9tait celle de leur opinion publique ; le chef de la d\u00e9l\u00e9gation am\u00e9ricaine n’\u00e9tait autre que le jeune Joe Biden.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 En Occident, la crise dite ukrainienne donne lieu \u00e0 une surench\u00e8re m\u00e9diatique, souvent calcul\u00e9e, afin d’esquiver des questions ou probl\u00e9matiques internes qui viennent s’additionner \u00e0 une tension internationale \u00e9vidente et croissante. Cette tension internationale vient de franchir une nouvelle \u00e9tape, la Chine offrant un soutien non d\u00e9guis\u00e9 \u00e0 la Russie qui ne pourra que se consolider \u00e0 l’occasion de la visite du Pr\u00e9sident russe en Chine le prochain 4 f\u00e9vrier, \u00e0 l’occasion de l’ouverture des Jeux olympiques d’hiver, boycott\u00e9s politiquement par une partie de l’Occident.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Il ne manquerait plus que la Chine aligne ses navires face \u00e0 Taiwan pour d\u00e9stabiliser le monde et ouvrir un possible nouveau front.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 C\u00f4t\u00e9 russe, Poutine s’affiche, face \u00e0 cette hyst\u00e9rie environnante, comme un leader au sang-froid, peut-\u00eatre cynique, loin d’un leadership twitteris\u00e9. Poutine ne twitte pas. Comment peut-on penser que la diplomatie et la politique puisse se twitter, alors qu’une telle pratique des r\u00e9seaux sociaux constitue une \u00e9vidente violation de la valeur \u00ab\u00a0temps\u00a0\u00bb.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 La premi\u00e8re d\u00e9sescalade ne passerait-elle donc pas d’abord par une chute de l’adr\u00e9naline m\u00e9diatique du cot\u00e9 Occidental ? Il faut raison garder.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Cette consid\u00e9ration reste cependant \u00ab\u00a0objectivement subjective\u00a0\u00bb. Pas s\u00fbr, par cons\u00e9quent, que cette voie puisse conduire au d\u00e9but d’une d\u00e9sescalade. Cette derni\u00e8re ne peut advenir que si des hypoth\u00e8ses\u00a0de solutions sont imagin\u00e9es. C’est dans cette perspective qu’il convient de s’exercer \u00e0 mettre sur la table les donn\u00e9es du probl\u00e8me, distinguer le n\u00e9gociable de ce qui ne l’est pas, penser des compromis l\u00e0 o\u00f9 le bon sens peut encore se faire valoir, en surmontant des r\u00e9flexes historiques qui trop souvent font obstacle \u00e0 une \u00e9volution aussi pacifique qu’encadr\u00e9e dans un monde de plus en plus multipolaire.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Laissons tomber les lignes, les r\u00e9volutions \u00e9motives de couleur pour revenir \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 des cartes. S’il y a bien deux aspects sur lesquels personne ne fera marche arri\u00e8re, c’est d’une part la pr\u00e9sence de l’OTAN en Europe de l’Est et d’autre part la Crim\u00e9e russe. Il serait inutile de se fourvoyer et de penser une quelconque variation de cette g\u00e9ographie militaire et politique, aussi conviendrait-il aux parties de l\u00e9gitimer ces deux situations et de mettre fin r\u00e9ciproquement \u00e0 tout ce qu’elles impliquent, comme par exemple les sanctions.\u00a0<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 \u00c0 ce stade, l’OTAN renoncerait de son c\u00f4t\u00e9 \u00e0 \u00ab\u00a0toute nouvelle acquisition\u00a0\u00bb \u00e0 commencer par l’Ukraine, la G\u00e9orgie, la Moldavie. Quant \u00e0 la Russie, elle pourrait entamer des n\u00e9gociations sur l’Oss\u00e9tie et la Transnistrie. Ce nouvel environnement g\u00e9opolitique rentrerait dans le cadre de la d\u00e9finition d’un accord s\u00e9curitaire global entre l’Union europ\u00e9enne \u2013 si elle se donne les moyens d’une politique ind\u00e9pendante \u2013 et la Russie.\u00a0<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Pour en venir \u00e0 l’Ukraine qui est certainement au c\u0153ur d’un jeu qui la d\u00e9passe, elle trouverait dans cet accord s\u00e9curitaire sa garantie conditionn\u00e9e \u00e0 sa neutralit\u00e9 politique entre la Russie et l’Europe. L’Ukraine pourrait se donner une dimension f\u00e9d\u00e9rale pour consentir \u00e0 ses diff\u00e9rentes identit\u00e9s r\u00e9gionales et assurer un quotidien plus \u00e9quilibr\u00e9, loin des tensions entretenues ces derni\u00e8res ann\u00e9es.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 La d\u00e9sescalade n’a de sens que si elle est accompagn\u00e9e de courage, d’une m\u00e9thode comportementale, et de possibles solutions temporelles et strat\u00e9giques – parfois difficile \u00e0 assumer – mais au service de la s\u00e9curit\u00e9 du monde dans lequel nous vivons.\u00a0<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Pour penser le monde, il nous faut des leaders qui redeviennent ma\u00eetres de leur agenda et de leur vision. \u00c0 ce sujet, De Gaulle exprimait clairement son id\u00e9e d’une Europe \u00e9quilibr\u00e9e possible de \u00ab\u00a0l’Atlantique \u00e0 l’Oural\u00a0\u00bb en affirmant qu’une telle Europe \u00ab\u00a0d\u00e9cidera du destin du monde \u00bb.\u00a0<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Nous avons tout \u00e0 gagner \u00e0 pousser cette formule jusqu’\u00e0 Vladivostok, et ainsi \u00e9viter un monde qui se dessinerait de Moscou \u00e0 P\u00e9kin.<\/p>\n<\/div>\n
\u00a0 \u00a0 \u00a0 Autrement, l’escalade risquera de\u00a0nous ramener nos enfants drap\u00e9s au milieu de l’esplanade des Invalides au prix d’une guerre inutile et \u00e9vitable… En sommes-nous pr\u00eats ?\u00a0<\/p>\n<\/div>\n
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