{"id":16487,"date":"2021-11-22T16:44:00","date_gmt":"2021-11-22T15:44:00","guid":{"rendered":"https:\/\/geopragma.fr\/?p=16487"},"modified":"2021-11-23T16:27:24","modified_gmt":"2021-11-23T15:27:24","slug":"europe-ukraine-bielorussie-caucase-moyen-orient-la-france-hors-jeu","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/geopragma.fr\/europe-ukraine-bielorussie-caucase-moyen-orient-la-france-hors-jeu\/","title":{"rendered":"Europe, Ukraine, Bi\u00e9lorussie, Caucase, Moyen-Orient : la France hors-jeu"},"content":{"rendered":"\t\t
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Billet du lundi 22 novembre 2021 par Caroline Galact\u00e9ros, pr\u00e9sidente de Geopragma. <\/em> <\/p>\n A quelques semaines de l\u2019inauguration de la pr\u00e9sidence fran\u00e7aise de l\u2019Union europ\u00e9enne, force est de constater que notre politique \u00e9trang\u00e8re est plus mal en point que jamais. C\u2019est le r\u00e9sultat d\u2019une posture ent\u00eat\u00e9e de d\u00e9ni du r\u00e9el, d\u2019une persistance suicidaire dans une vision vassalis\u00e9e et dogmatique des nouveaux \u00e9quilibres du monde, et d\u2019une r\u00e9duction de l\u2019activit\u00e9 diplomatique \u00e0 de la gestion d\u2019image. Nous pratiquons une diplomatie purement virtuelle, d\u2019une insigne faiblesse, qui s\u2019imagine que la parole vaut action, et se r\u00e9duit en cons\u00e9quence \u00e0 des d\u00e9clarations, discours et conversations t\u00e9l\u00e9phoniques dont le seul r\u00e9sultat est de nous rassurer -bien \u00e0 tort- sans jamais modifier utilement les rapports de force. Aucune vision, aucune ambition, aucun projet, aucun plan d\u2019action. Pas d\u2019anticipation. Aucune intelligence du monde, encore moins des hommes qui le dirigent. On se contente de r\u00e9agir, de mani\u00e8re purement verbale, aux \u00e9v\u00e8nements qui nous surprennent, nous contournent et nous d\u00e9passent invariablement. Pour masquer cette impuissance consentie, on exploite \u00e0 fond le leurre europ\u00e9en, autour d\u2019une s\u00e9mantique ronflante sur la \u00ab souverainet\u00e9 strat\u00e9gique europ\u00e9enne \u00bb, comme si celle-ci avait une quelconque chance d\u2019advenir. La derni\u00e8re trouvaille est celle d\u2019une \u00ab boussole strat\u00e9gique europ\u00e9enne \u00bb dont on se gargarise, faisant mine de croire que la mise en place d\u2019une force de\u2026 5000 hommes en 2025 manifesterait l\u2019autonomie militaire des Europ\u00e9ens ! L\u2019\u00e9l\u00e9phant accouche d\u2019une souris : 5000 hommes pouvant \u00eatre projet\u00e9s contre\u2026 les \u00ab ennemis \u00bb russe, chinois et m\u00eame turc ; les deux premiers \u00e9tant – comme par hasard – les ennemis identifi\u00e9s par Washington pour justifier les futurs d\u00e9ploiements de l\u2019OTAN. Quant \u00e0 la Turquie, on sait bien que l\u2019Am\u00e9rique lui laissera toujours les coud\u00e9es franches, surtout contre les faibles Europ\u00e9ens puisque l\u2019arm\u00e9e turque \u2013 2\u00e8me de l\u2019OTAN – demeure indispensable sur \u00ab le flanc sud \u00bb pour contrer la Russie\u2026 Bref, on nage en pleine utopie. La \u00ab boussole \u00bb, ce nouveau hochet, nous est autoris\u00e9 pour complaire \u00e0 la France qui pr\u00e9tend s\u00e9rieusement retrouver son leadership<\/em> sur l\u2019Europe\u2026 un leadership<\/em> dont personne ne veut. Mais Washington ne voit aucun risque \u00e0 laisser les Fran\u00e7ais jouer un peu avec leur r\u00eave de souverainet\u00e9 m\u00eame pas nationale, dans une cour d\u2019\u00e9cole hostile remplie de leurs chevaux de Troie, du moment qu\u2019ils n\u2019ouvrent pas les yeux sur une carte du monde ni ne sont pr\u00eats \u00e0 se souvenir de ce que signifie v\u00e9ritablement l\u2019expression \u00ab int\u00e9r\u00eats nationaux \u00bb.<\/p>\n <\/p>\n La triste v\u00e9rit\u00e9 est que nous avons renonc\u00e9 \u00e0 toute volont\u00e9 de recouvrer notre ind\u00e9pendance, ne serait-ce que de jugement, et tout autant \u00e0 \u00eatre utiles au monde. Nous cherchons juste \u00e0 faire semblant de compter, sans risquer un pas hors du parc d\u2019enfants sages o\u00f9 nous barbotons path\u00e9tiquement. Il est certain que r\u00e9fl\u00e9chir par et pour soi-m\u00eame et se faire respecter est beaucoup plus difficile que de gesticuler sans jamais sortir de l\u2019alignement. Mais se mentir ne peut marcher \u00e9ternellement. Ce sont les autres qui nous le rappellent cruellement. Qui n\u2019avance pas recule. Nous sommes immobiles et nos rodomontades narcissiques et enfantines ne trompent plus personne. On ne nous craint pas le moins du monde et on ne nous respecte pas davantage. Pendant ce temps, les puissances assum\u00e9es, que nous croyons g\u00eaner en les stigmatisant comme i-lib\u00e9rales ou populistes, avancent leurs pions.<\/p>\n <\/p>\n La Russie fait d\u00e9sormais reconnaitre sans \u00e9quivoque ses lignes rouges en Ukraine en d\u00e9ployant des troupes \u00e0 sa fronti\u00e8re. Elle regarde avec amusement la crise entre l\u2019UE et la Bi\u00e9lorussie par Pologne interpos\u00e9e. Le chantage aux migrants du pr\u00e9sident Loukachenko n\u2019est qu\u2019une r\u00e9ponse du berger \u00e0 la berg\u00e8re apr\u00e8s les ing\u00e9rences politiques europ\u00e9ennes et les tentatives de d\u00e9stabilisation am\u00e9ricaines lors du r\u00e9cent scrutin pr\u00e9sidentiel. Dans le Caucase, Moscou a aussi clairement d\u00e9montr\u00e9 son influence et son utilit\u00e9. Seule la pr\u00e9sence militaire russe en interposition a emp\u00each\u00e9 l\u2019Azerba\u00efdjan de poursuivre sa derni\u00e8re incursion en territoire arm\u00e9nien et l\u2019a contraint \u00e0 geler ses positions dans le Haut Karabakh. La France, pourtant co-pr\u00e9sidente du Groupe de Minsk, n\u2019a une fois encore rien vu venir et ne sert pour l\u2019heure \u00e0 rien sur ce front-l\u00e0 non plus. Pourtant, le sud Caucase est une zone de d\u00e9stabilisation importante, o\u00f9 se mesurent les ambitions am\u00e9ricaine et russe mais aussi, turque, az\u00e9rie, iranienne et isra\u00e9lienne. Chacun y a son agenda et les enjeux \u00e9conomiques, mais aussi \u00e9nerg\u00e9tiques et s\u00e9curitaires, y sont consid\u00e9rables. Les dossiers syrien et libyen sont aussi en train de bouger sensiblement, et l\u00e0 aussi ce sont la Turquie et la Russie qui m\u00e8nent d\u00e9sormais la danse. La Syrie a surv\u00e9cu au d\u00e9p\u00e8cement programm\u00e9 et la Libye, stupidement \u00e9cartel\u00e9e par nos soins, doit, elle aussi, r\u00e9sister \u00e0 la fois aux ambitions d\u2019Ankara – qui se conjuguent avec la promotion d\u2019un islamisme violent – et \u00e0 celles de Moscou, qui cherche \u00e0 imposer une alternative. Dans ces deux Etats, nos postures pr\u00e9tendument d\u00e9mocratiques, qui visaient surtout \u00e0 d\u00e9boulonner des autocrates d\u00e9rangeants pour les int\u00e9r\u00eats occidentaux, n\u2019ont abouti qu\u2019\u00e0 nous compromettre gravement en soutien \u00e0 des islamistes radicaux, et certainement jamais \u00e0 favoriser la moindre \u00e9volution d\u00e9mocratique. Par charit\u00e9, je ne parlerai pas de notre \u00e9garement au Y\u00e9men. Ni de l\u2019Iran que nous sommes incapables d\u2019aider \u00e0 sortir de sa diabolisation de plus en plus contreproductive.<\/p>\n <\/p>\n Les faits sont t\u00eatus. Les peuples r\u00e9silients, les cultures historiques aussi bien que les \u00e9quilibres communautaires et confessionnels, ne cessent de nous rappeler leur irr\u00e9ductibilit\u00e9 \u00e0 la seule logique d\u00e9mocratique telle que nous l\u2019envisageons tant\u00f4t ing\u00e9nument, tant\u00f4t cyniquement. Il est clair que l\u2019ethnocentrisme occidental a, depuis plus de 25 ans, fait des ravages humains et qu\u2019il ne suffit pas de p\u00e9rorer sur le \u00ab devoir d\u2019ing\u00e9rence \u00bb et les dictateurs infr\u00e9quentables pour se donner bonne conscience ni surtout pour contribuer \u00e0 l\u2019apaisement de la violence du monde.<\/p>\n <\/p>\n Plus personne ne supporte les le\u00e7ons de morale ni l\u2019interventionnisme \u00e9ruptif (mais tr\u00e8s s\u00e9lectif) de l\u2019Occident. Au lieu de confondre mouvement d\u00e9sordonn\u00e9 et progr\u00e8s humain, il faudrait sans doute se souvenir que le multilat\u00e9ralisme de la Guerre froide comme la Charte des Nations Unies, sur laquelle nous nous sommes assis depuis 30 ans, avaient quelques vertus. Et la non-ing\u00e9rence politique ou militaire dans les affaires int\u00e9rieures des Etats aussi. Il faut y revenir. Il faut que la France ouvre les yeux sur la d\u00e9cr\u00e9pitude avanc\u00e9e de son influence mondiale, sur sa cr\u00e9dibilit\u00e9 enfouie, avant de reconstruire une doctrine internationale adapt\u00e9e \u00e0 ses int\u00e9r\u00eats comme \u00e0 sa nature de puissance d\u2019\u00e9quilibre. Il faut qu\u2019elle r\u00e9apprenne \u00e0 respecter les Etats par principe, au lieu de lancer des anath\u00e8mes st\u00e9riles contre des r\u00e9gimes au nom des droits des individus. Ces derniers n\u2019en sortent jamais gagnants. La ficelle est bien trop grosse. Le retour admis et n\u00e9goci\u00e9 par les Etats-Unis du peuple afghan dans les t\u00e9n\u00e8bres de l\u2019ordre taliban d\u00e9montre, si besoin \u00e9tait, combien les promesses n\u2019engagent que ceux qui les \u00e9coutent. Nous pouvons \u00eatre bien plus utiles \u00e0 nous-m\u00eames et meilleurs aux peuples par une approche pragmatique des rapports de force et des ressorts profonds de la conflictualit\u00e9 dynamique du monde qui n\u2019est jamais que son \u00e9tat permanent. <\/p>\n <\/p>\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t<\/section>\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Billet du lundi 22 novembre 2021 par Caroline Galact\u00e9ros, pr\u00e9sidente de Geopragma. A quelques semaines de l\u2019inauguration de la pr\u00e9sidence fran\u00e7aise de l\u2019Union europ\u00e9enne, force est de constater que notre politique \u00e9trang\u00e8re est plus mal en point que jamais. 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