{"id":16289,"date":"2021-10-13T11:40:56","date_gmt":"2021-10-13T09:40:56","guid":{"rendered":"https:\/\/geopragma.fr\/?p=16289"},"modified":"2021-10-13T12:15:17","modified_gmt":"2021-10-13T10:15:17","slug":"moyen-orient-laxe-chiite-ne-va-plus-de-soi","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/geopragma.fr\/moyen-orient-laxe-chiite-ne-va-plus-de-soi\/","title":{"rendered":"MOYEN-ORIENT : L’AXE CHIITE NE VA PLUS DE SOI"},"content":{"rendered":"\t\t
Chronique internationale de Renaud Girard parue dans le Figaro le 12 octobre 2021<\/em><\/p>\n \u00a0<\/p>\n\n \u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0 Il y a encore deux ans, les Gardiens de la R\u00e9volution se vantaient publiquement du contr\u00f4le par leur R\u00e9publique islamique d’Iran de quatre capitales arabes : Bagdad, Damas, Beyrouth et Sanaa. Ils se f\u00e9licitaient de l’existence d’un axe chiite menant solidement de T\u00e9h\u00e9ran \u00e0 la M\u00e9diterran\u00e9e. Comme si leur chef de l’\u00e9poque, le g\u00e9n\u00e9ral Qassem Soleymani, \u00e9tait parvenu \u00e0 r\u00e9tablir, au moins en partie, l’empire perse de Cyrus le Grand.<\/p>\n\n \u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0 Les Pasdarans n’ont pas vu venir la tendance lourde de la g\u00e9opolitique du Moyen-Orient des ann\u00e9es 2020, qui est l’effritement de cet axe chiite.<\/p>\n\n \u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0 Organis\u00e9es sous la supervision d’observateurs internationaux, les \u00e9lections g\u00e9n\u00e9rales irakiennes du dimanche 10 octobre 2021 marquent une nouvelle avanc\u00e9e de cette tendance. Elles ont vu la perc\u00e9e du mouvement nationaliste du cheikh Moqtada al-Sadr, au d\u00e9triment de la coalition proche des milices pro-iraniennes. La communaut\u00e9 chiite irakienne, qui repr\u00e9sente plus de la moiti\u00e9 de la population du pays, n’est plus vou\u00e9e corps et \u00e2me au r\u00e9gime des mollahs de T\u00e9h\u00e9ran. Bien que majoritairement pieuse, elle refuse le principe du velayat-e-faqi (gouvernement du clerc en religion) qui pr\u00e9vaut \u00e0 T\u00e9h\u00e9ran. Elle retrouve une certaine fiert\u00e9 d’\u00eatre arabe (et non perse). D\u00e9tentrice des principaux lieux de p\u00e8lerinage du chiisme, r\u00e9v\u00e9rant Sistani, le plus prestigieux des ayatollahs, elle n’entretient aucun complexe d’inf\u00e9riorit\u00e9 par rapport au clerg\u00e9 chiite iranien. La r\u00e9alit\u00e9 est que, malgr\u00e9 le d\u00e9part des forces am\u00e9ricaines du pays, l’Irak n’est pas pr\u00eat \u00e0 se transformer demain en colonie iranienne. Il y a, enracin\u00e9e dans la jeunesse de l’Irak, chiites et sunnites confondus, une volont\u00e9 de recouvrer sa pleine ind\u00e9pendance, comme de profiter des bienfaits de la modernit\u00e9.<\/p>\n\n \u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0 En Syrie, les Gardiens de la R\u00e9volution iranienne et les miliciens du Hezbollah libanais ont r\u00e9ussi, avec l’aide de la Russie, \u00e0 \u00e9viter une d\u00e9faite du r\u00e9gime de Bachar al-Assad face \u00e0 sa r\u00e9bellion, essentiellement sunnite. Mais qu’apporte de concret aux Pasdarans cette victoire partag\u00e9e ? La Syrie est \u00e9puis\u00e9e, vid\u00e9e de ses forces vives, et elle ne fait qu’entamer sa reconstruction. Elle ne rejouera pas de sit\u00f4t le r\u00f4le central au Levant que lui avait fait jouer le tr\u00e8s habile Hafez al-Assad, le p\u00e8re de Bachar. Les Russes ont obtenu une base souveraine sur la M\u00e9diterran\u00e9e. Mais ils ne la pr\u00eateront jamais \u00e0 la marine iranienne.<\/p>\n \u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0 Au Liban, depuis la R\u00e9volution antisyst\u00e8me d’octobre 2019, le Hezbollah a perdu beaucoup de son aura dans la communaut\u00e9 chiite. Les enturbann\u00e9s ne font plus la loi dans la banlieue sud de Beyrouth. Les jeunes, pour qui l’ayatollah Khomeiny ne signifie pas grand-chose, n’adh\u00e8rent plus aux discours guerriers, au culte du martyre, aux \u00e9ternelles diatribes contre l’ennemi sioniste, au syst\u00e8me politique confessionnel. Ils sont las de l’id\u00e9ologie. Ils veulent des services publics qui marchent, des emplois, et des \u00e9coles de bon niveau pour leurs enfants. Dans leurs affaires, ils ne voient aucun inconv\u00e9nient \u00e0 s’associer avec des sunnites, des chr\u00e9tiens ou des druzes. Ils aiment la musique moderne, ils se sentent libanais et, pour eux, T\u00e9h\u00e9ran est tr\u00e8s loin.<\/p>\n\n \u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0 Profitant des erreurs strat\u00e9giques du n\u00e9o-conservatisme am\u00e9ricain, l’axe chiite a connu un r\u00e9el essor au d\u00e9but du nouveau mill\u00e9naire. Mais comme il n’a emport\u00e9 avec lui ni bonne gouvernance, ni prosp\u00e9rit\u00e9 \u00e9conomique, il \u00e9tait fatalement condamn\u00e9 \u00e0 l’effritement. Les populations chiites du Moyen-Orient ont toujours beaucoup d’amiti\u00e9 pour le peuple iranien. Mais elles en ont beaucoup moins pour le r\u00e9gime th\u00e9ocratique qui pr\u00e9tend le repr\u00e9senter.<\/p>\n\n \u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0 Ce r\u00e9gime th\u00e9ocratique a \u00e9t\u00e9 l’objet de virulentes manifestations populaires aux mois de novembre et d\u00e9cembre 2019, qui r\u00e9clamaient du gouvernement le traitement \u00e9quitable des probl\u00e8mes int\u00e9rieurs et la fin du co\u00fbteux aventurisme ext\u00e9rieur. Elles ont \u00e9t\u00e9 \u00e9cras\u00e9es dans le sang. Depuis, le r\u00e9gime a proc\u00e9d\u00e9 \u00e0 une \u00e9lection pr\u00e9sidentielle caricaturalement antid\u00e9mocratique. L’id\u00e9ologie expansionniste de l’axe chiite ne se trouve pas affaiblie qu’\u00e0 Beyrouth, Damas ou Bagdad. Elle l’est aussi \u00e0 T\u00e9h\u00e9ran, au sein de la soci\u00e9t\u00e9 civile. La jeunesse iranienne, qui est une des mieux \u00e9duqu\u00e9e du monde, est lasse du r\u00e9gime d’exception dans lequel les mollahs maintiennent la Perse. Elle ne se sent l’ennemi de personne et certainement pas d’Isra\u00ebl, dont elle admire la r\u00e9ussite technologique. Historiquement, l’antagonisme irano-isra\u00e9lien est artificiel.<\/p>\n\n \u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0 Dans ces conditions, les autorit\u00e9s de T\u00e9h\u00e9ran seraient bien avis\u00e9es de saisir la main que leur tend actuellement l’administration Biden, pour parvenir \u00e0 un nouveau deal nucl\u00e9aire et \u00e0 la fin des sanctions. Les mollahs devraient comprendre que le soft power est le seul pouvoir qui dure longtemps.<\/p>\n\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t<\/section>\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Chronique internationale de Renaud Girard parue dans le Figaro le 12 octobre 2021 Il y a encore deux ans, les Gardiens de la R\u00e9volution se vantaient publiquement du contr\u00f4le par leur R\u00e9publique islamique d’Iran de quatre capitales arabes : Bagdad, Damas, Beyrouth et Sanaa. 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