{"id":15287,"date":"2021-07-13T11:21:57","date_gmt":"2021-07-13T09:21:57","guid":{"rendered":"https:\/\/geopragma.fr\/?p=15287"},"modified":"2021-09-30T11:56:49","modified_gmt":"2021-09-30T09:56:49","slug":"afghanistan-le-mensonge-de-biden","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/geopragma.fr\/afghanistan-le-mensonge-de-biden\/","title":{"rendered":"AFGHANISTAN : LE MENSONGE DE BIDEN"},"content":{"rendered":"\t\t
Chronique internationale de Renaud Girard parue dans le Figaro le mardi 13 juillet 2021<\/p>\n\n\n\n
Le pr\u00e9sident des Etats-Unis a, le 9 juillet 2021, r\u00e9p\u00e9t\u00e9 son intention de voir s’achever \u00e0 la fin du mois d’ao\u00fbt l’engagement militaire am\u00e9ricain en Afghanistan, lequel avait commenc\u00e9 en octobre 2001.<\/p>\n\n\n\n
Pour justifier un tel retrait, qui risque fort d’ouvrir prochainement aux talibans les portes de Kaboul, Joe Biden a dit : \u00abWe did not go to Afghanistan to nation build<\/em> \u00bb (Nous ne sommes pas \u00e0 aller en Afghanistan pour reconstruire un pays<\/em>).<\/p>\n\n\n\n C’est un mensonge historique.<\/p>\n\n\n\n Joe Biden le sait tr\u00e8s bien car, en 2001, il n’\u00e9tait pas un citoyen lambda mal inform\u00e9. Il \u00e9tait pr\u00e9sident de la Commission des affaires \u00e9trang\u00e8res du S\u00e9nat. En janvier 2002, il est le premier \u00e9lu am\u00e9ricain \u00e0 se rendre en Afghanistan apr\u00e8s les attentats du 11 septembre 2001 et la chute du pouvoir taliban \u00e0 Kaboul (13 novembre 2001), au profit de l’Alliance du Nord, coalition financ\u00e9e par la CIA, dont la progression avait \u00e9t\u00e9 aid\u00e9e par les bombardements de l’US Air Force. <\/p>\n\n\n\n La r\u00e9alit\u00e9 est que les Am\u00e9ricains ont initi\u00e9 et dirig\u00e9 une conf\u00e9rence internationale sur l’Afghanistan, d\u00e8s le 5 d\u00e9cembre 2001, qui s’est tenue \u00e0 Bonn. L\u00e0, ils ont fait adouber par leurs alli\u00e9s l’homme qu’ils avait choisi pour diriger le pays : Hamid Karza\u00ef. Et ils se sont engag\u00e9s publiquement \u00e0 \u00ab reconstruire, d\u00e9mocratiser et d\u00e9velopper<\/em> \u00bb l’Afghanistan. Pour ce faire, ils ont emmen\u00e9 l’Otan sur place. Ils ont implant\u00e9 un peu partout des PRT (Provincial Reconstruction Teams)<\/em>. Ils ont investi des centaines de milliards de dollars en d\u00e9penses civiles et militaires. Ils ont organis\u00e9 des \u00e9lections g\u00e9n\u00e9rales d\u00e9mocratiques.<\/p>\n\n\n\n Comment expliquer un tel effort ? Apr\u00e8s avoir r\u00e9ussi brillamment, du moins en apparence, \u00e0 provoquer une d\u00e9route tr\u00e8s rapide des talibans en novembre 2001, les Etats-Unis, alors domin\u00e9s par la pens\u00e9e n\u00e9oconservatrice, ont \u00e9t\u00e9 saisis, \u00e0 ce moment pr\u00e9cis, par une forme d’hubris n\u00e9ocoloniale.<\/p>\n\n\n\n En 2009 \u00e0 Kaboul, le bien-nomm\u00e9 ambassadeur russe en Afghanistan Zamir Kaboulov, avait confi\u00e9 \u00e0 l’ambassadeur de France : \u00ab Si nous, les Russes, nous avons \u00e9chou\u00e9, ce n’est pas que nous \u00e9tions mauvais. Nous \u00e9tions tr\u00e8s bons. Mais la t\u00e2che \u00e9tait tout bonnement impossible ; les Am\u00e9ricains \u00e9choueront comme nous !<\/em> \u00bb. J’avais rapport\u00e9 ces propos au g\u00e9n\u00e9ral Stanley McChrystal, qui commandait alors aux forces occidentales stationn\u00e9es en Afghanistan. Il avait rejet\u00e9 la proph\u00e9tie, pensant sinc\u00e8rement que l’Am\u00e9rique \u2013 puissance forc\u00e9ment plus intelligente que l’Union sovi\u00e9tique des ann\u00e9es 80 – allait r\u00e9ussir \u00e0 stabiliser le pays. Un an plus tard, le pr\u00e9sident Obama ordonnait l’accroissement du contingent am\u00e9ricain en Afghanistan. Si Joe Biden, vice-pr\u00e9sident \u00e0 l’\u00e9poque, n’\u00e9tait pas d’accord, pourquoi n’a-t-il pas mis sa d\u00e9mission dans la balance ?<\/p>\n\n\n\n Ce qui est s\u00fbr, c’est que le s\u00e9nateur Biden, dans ses votes, s’est montr\u00e9 totalement align\u00e9 sur la folie des grandeurs n\u00e9oconservatrice du d\u00e9but des ann\u00e9es 2000. Il a pleinement approuv\u00e9 les ambitieuses exp\u00e9ditions n\u00e9ocoloniales am\u00e9ricaines, sur l’Hindu Kush d’abord, en M\u00e9sopotamie ensuite.<\/p>\n\n\n\n Sur l’Afghanistan, Biden s’est montr\u00e9 plus trumpiste que Trump. Alors que partout dans le pays les talibans se mettaient, au m\u00e9pris de leurs engagements, \u00e0 conqu\u00e9rir de nouveaux districts, \u00e9tait-il n\u00e9cessaire que les Am\u00e9ricains quittent la grande base a\u00e9rienne de Bagram, au demeurant facile \u00e0 s\u00e9curiser ? Etait-il si difficile pour Biden de comprendre que retirer les derniers soldats am\u00e9ricains d’Afghanistan allait provoquer, au sein des forces de s\u00e9curit\u00e9 afghanes, un profond effet d\u00e9moralisateur ? Le leader du parti d\u00e9mocrate n’a-t-il pas ressenti une petite honte \u00e0 jeter les minorit\u00e9s ethniques et les femmes afghanes \u00e0 la merci de barbus obscurantistes ?<\/p>\n\n\n\n On me r\u00e9torquera que les R\u00e9publicains am\u00e9ricains ont bien abandonn\u00e9 aux envahisseurs communistes le Sud-Vietnam en 1975. C’est vrai, mais la Maison Blanche de l’\u00e9poque avait au moins l’excuse que ce fut le Congr\u00e8s qui coupa les vivres \u00e0 l’arm\u00e9e sud-vietnamienne. Biden n’a aucune excuse pour cet abandon pr\u00e9cipit\u00e9 : le Congr\u00e8s actuel ne le r\u00e9clame pas.<\/p>\n\n\n\n Apr\u00e8s s’\u00eatre d\u00e9barrass\u00e9e, \u00e0 la fin de l’ann\u00e9e 2001, des combattants arabes internationalistes install\u00e9s en Afghanistan, l’Am\u00e9rique aurait tr\u00e8s bien pu d\u00e9cider de ne pas s’installer dans le pays. Elle aurait pu se contenter, via la CIA, de continuer \u00e0 financer les groupes combattants amis et exiger du Pakistan qu’il ne donne pas refuge aux talibans.<\/p>\n\n\n\n Elle a fait, librement, un choix diff\u00e9rent : celui d’une \u00ab mission civilisatrice \u00bb \u00e0 la Jules Ferry. On ne sort pas ce genre d’entreprise quand on veut. L’exemple de Mossoul a montr\u00e9 qu’un d\u00e9part pr\u00e9cipit\u00e9 pouvait se transformer en catastrophe. L’honneur, mais aussi l’int\u00e9r\u00eat \u00e0 long terme de l’Am\u00e9rique dans la lutte contre le djihadisme, voudraient qu’elle ne redonne pas aux talibans le pays qu’elle leur a, par la guerre, soustrait voici vingt ans.<\/p>\n\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t<\/section>\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Chronique internationale de Renaud Girard parue dans le Figaro le mardi 13 juillet 2021 Le pr\u00e9sident des Etats-Unis a, le 9 juillet 2021, r\u00e9p\u00e9t\u00e9 son intention de voir s’achever \u00e0 la fin du mois d’ao\u00fbt l’engagement militaire am\u00e9ricain en Afghanistan, lequel avait commenc\u00e9 en octobre 2001. 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