{"id":15265,"date":"2021-07-09T15:43:09","date_gmt":"2021-07-09T13:43:09","guid":{"rendered":"https:\/\/geopragma.fr\/?p=15265"},"modified":"2021-09-16T17:43:59","modified_gmt":"2021-09-16T15:43:59","slug":"lethiopie-nouvelle-syrie","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/geopragma.fr\/lethiopie-nouvelle-syrie\/","title":{"rendered":"L’\u00c9THIOPIE, NOUVELLE SYRIE ?"},"content":{"rendered":"\t\t
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Chronique internationale de Renaud Girard parue dans le Figaro le mardi 6 juillet 2021.<\/p>\n
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L’ONU, l’Union africaine et les grandes puissances comptant en Afrique (Etats-Unis, Chine, France, Russie) auront-elles bient\u00f4t \u00e0 g\u00e9rer les cons\u00e9quences dramatiques d’une guerre civile affectant l’un des plus grands pays du Continent noir ? Cette guerre a d\u00e9j\u00e0 commenc\u00e9, au mois de novembre 2020, au nord de l’Ethiopie, pays de 112 millions d’habitants. Il faut tout faire pour qu’elle ne s’\u00e9tende pas \u00e0 l’ensemble du territoire, et qu’elle ne d\u00e9borde pas sur les autres pays de la Corne de l’Afrique. Il faut \u00e9viter de retomber dans une crise comparable \u00e0 celle qui, nagu\u00e8re, d\u00e9truisit la Syrie.<\/p>\n
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En Syrie, pays de 17 millions d’habitants \u2013 bien s\u00fbr tr\u00e8s diff\u00e9rent de l’Ethiopie par l’histoire et la g\u00e9ographie -, les grandes puissances n’ont pas r\u00e9ussi, en 2011-2012 \u00e0 \u00e9viter que le soul\u00e8vement populaire h\u00e9rit\u00e9 du printemps arabe (qu’elles n’avaient nullement anticip\u00e9) ne se transforme en une guerre civile extr\u00eamement sanglante. A l’ONU, en f\u00e9vrier 2012, le club occidental du P-3 (Am\u00e9rique, France, Angleterre) eut le tort de n\u00e9gliger la proposition de l’ambassadeur russe Tchourkine visant \u00e0 n\u00e9gocier un d\u00e9part progressif du pouvoir du pr\u00e9sident Bachar al-Assad, et son remplacement par un gouvernement de transition capable d’offrir des garanties \u00e0 la minorit\u00e9 alaouite – tr\u00e8s anxieuse pour son avenir mais aussi tr\u00e8s militaris\u00e9e. Il est vrai qu’\u00e0 cette \u00e9poque les dirigeants am\u00e9ricains, fran\u00e7ais et britanniques affirmaient publiquement que le r\u00e9gime baasiste de Damas n’en avait plus que pour quelques semaines. Il leur semblait inutile de prendre la peine de n\u00e9gocier avec Bachar une sortie dans l’honneur alors que la rue allait certainement avoir raison de lui \u00e0 tr\u00e8s br\u00e8ve \u00e9ch\u00e9ance…<\/p>\n
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Aujourd’hui, pour le bien de l’Ethiopie, les grandes puissances devraient encourager le d\u00e9part du pouvoir, dans la dignit\u00e9 et l’honneur, du jeune Premier ministre, aux affaires depuis 2018. Abiy Ahmed a perdu une trop grande partie de son cr\u00e9dit aupr\u00e8s de sa population, de ses voisins africains, des grandes puissances. En effet, m\u00fb par un r\u00eave imp\u00e9rial de centralisation, il s’est imprudemment lanc\u00e9 dans une guerre punitive contre le Tigr\u00e9, l’une des douze r\u00e9gions f\u00e9d\u00e9r\u00e9es d’Ethiopie. Tr\u00e8s attach\u00e9s \u00e0 leur autonomie, arrach\u00e9e apr\u00e8s la d\u00e9faite de la dictature communiste de Mengistu en 1991, les Tigr\u00e9ens n’avaient pas accept\u00e9 qu’Abiy Ahmed reporte les \u00e9lections pr\u00e9vues du 29 ao\u00fbt 2020. Ignorant les injonctions du gouvernement central, ils avaient organis\u00e9 leur propre scrutin.<\/p>\n
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Mais quand on lance une guerre pour ch\u00e2tier les dirigeants indociles d’une de ses provinces, mieux vaut se comporter impeccablement avec sa population civile. Ce n’est pas ce qu’a fait Abiy Ahmed. Pour \u00e9pauler l’arm\u00e9e \u00e9thiopienne, le premier ministre fit venir secr\u00e8tement au Tigr\u00e9 des milices extr\u00e9mistes amhara (issues de la r\u00e9gion longeant la limite m\u00e9ridionale du Tigr\u00e9) et des r\u00e9giments de l’arm\u00e9e \u00e9rythr\u00e9enne (pays situ\u00e9 au nord du Tigr\u00e9). Faire intervenir en sa faveur le dictateur \u00e9rythr\u00e9en Isaias \u00e9tait facile pour Abiy Ahmed. Car d\u00e8s son arriv\u00e9e au pouvoir en 2018, il s’\u00e9tait r\u00e9concili\u00e9 avec lui et avait envoy\u00e9 un ambassadeur \u00e0 Asmara. Cette r\u00e9conciliation spectaculaire avait valu \u00e0 Abiy Ahmed le prix Nobel de la paix 2019.<\/p>\n
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D\u00e8s le 28 novembre 2020, l’arm\u00e9e \u00e9thiopienne reprend Mekele, la capitale provinciale du Tigr\u00e9 et Abiy Ahmed proclame sa victoire contre les rebelles tigr\u00e9ens. Les journalistes et les ONG sont bient\u00f4t interdits de Tigr\u00e9. Mais des nouvelles parviennent \u00e0 filtrer. Les preuves s’accumulent d’un comportement atroce des forces d’occupation : cultures br\u00fbl\u00e9es, viols de masse, pillages syst\u00e9matiques vers l’Erythr\u00e9e. Les Tigr\u00e9ens se r\u00e9fugient par dizaines de milliers au Soudan. Abiy Ahmed est finalement oblig\u00e9 de reconna\u00eetre la pr\u00e9sence des Erythr\u00e9ens et des milices Amharas. Elles sont hyst\u00e9ris\u00e9es par la revanche qu’elles estiment devoir prendre sur les Tigr\u00e9ens (qui exerc\u00e8rent la r\u00e9alit\u00e9 du pouvoir central de 1991 \u00e0 2012 sous Meles Zenawi, le grand modernisateur du pays).<\/p>\n
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Les exactions vont galvaniser la population civile tigr\u00e9enne contre les occupants. En f\u00e9vrier 2021, sur injonction am\u00e9ricaine, les Emiratis interrompent leurs livraisons de drones de combat \u00e0 l’arm\u00e9e \u00e9thiopienne. Remarquables soldats depuis la nuit des temps, les montagnards tigr\u00e9ens vont patiemment pr\u00e9parer leur contre-offensive. Dans une victoire-\u00e9clair, ils viennent de chasser de chez eux l’arm\u00e9e \u00e9thiopienne et, en partie, les milices amharas. L’arm\u00e9e \u00e9rythr\u00e9enne est \u00e9galement en d\u00e9route.<\/p>\n
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De m\u00eame que, jadis, la Roche Tarp\u00e9ienne \u00e9tait proche du Capitole, l’inculpation \u00e0 la Cour P\u00e9nale Internationale devient aujourd’hui proche du prix Nobel. Abiy Ahmed n’est plus homme \u00e0 pouvoir n\u00e9gocier sereinement avec les Tigr\u00e9ens victorieux. S’il avait \u00e0 c\u0153ur le seul bien de l’Ethiopie, il quitterait au plus vite le pouvoir.<\/p>\n
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