{"id":11482,"date":"2020-01-06T12:10:56","date_gmt":"2020-01-06T11:10:56","guid":{"rendered":"http:\/\/geopragma.fr\/?p=11482"},"modified":"2021-09-21T11:05:43","modified_gmt":"2021-09-21T09:05:43","slug":"maktoub","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/geopragma.fr\/maktoub\/","title":{"rendered":"Maktoub"},"content":{"rendered":"\n
Maktoub 1<\/sup>, Le Billet du Lundi du 06\/01\/2020 par Ghislain de Castelbajac*<\/strong><\/p>\n\n\n\n Fin 2003, puis en 2004, dans les montagnes d\u2019Afghanistan, l\u2019arm\u00e9e fran\u00e7aise tint Oussama Bin Laden dans son viseur. L\u2019ordre de tir n\u2019arrivera jamais de la part de l\u2019Etat-major US de Bagram 2<\/sup>. D\u2019autres occasions manqu\u00e9es \u00e9mailleront la traque de l\u2019ex ennemi public des Etats-Unis.<\/p>\n\n\n\n La d\u00e9cision du pr\u00e9sident Trump d\u2019\u00e9liminer le Major G\u00e9n\u00e9ral Qassem Solemaini, commandant des forces Al-Qods iraniennes ainsi que l\u2019irakien Abu Mahdi al Muhandis, chef de la phalange du parti de Dieu (Kataeb Hezbollah) \u00e0 Baghdad par une frappe cibl\u00e9e fut sans doute inspir\u00e9e par un \u00ab FOMO \u00bb, fear of missing out<\/em>, li\u00e9 au trauma du 11 septembre, occasion de tir que le pr\u00e9sident am\u00e9ricain n\u2019aurait pu laisser passer.<\/p>\n\n\n\n Les r\u00e9centes attaques contre les int\u00e9r\u00eats am\u00e9ricains dans le Golfe ainsi qu\u2019en Irak justifi\u00e8rent sur un plan purement op\u00e9rationnel l\u2019\u00e9limination de ces deux commanditaires directs, d\u2019autant plus que le pr\u00e9sident Trump avait stopp\u00e9 net en juin 2019 une op\u00e9ration de bombardement en repr\u00e9sailles \u00e0 l\u2019attaque de navires p\u00e9troliers saoudien, norv\u00e9gien et \u00e9mirien pr\u00e8s du d\u00e9troit d\u2019Ormuz, puis de l\u2019attaque contre un drone am\u00e9ricain, officiellement par peur de faire des victimes civiles et d\u2019un engrenage avec l\u2019Iran.<\/p>\n\n\n\n Mais le g\u00e9n\u00e9ral Qassem Solemaini n\u2019est pas Oussama Bin Laden ni Abu Bakr al Baghdadi. <\/p>\n\n\n\n Il s\u2019agissait d\u2019un officier sup\u00e9rieur de l\u2019arm\u00e9e iranienne ayant fait ses classes directement sur le terrain de la guerre Iran-Irak. Depuis une quinzaine d\u2019ann\u00e9es il avait largement concouru au retour de l\u2019influence de la R\u00e9publique islamique d\u2019Iran sur la sc\u00e8ne internationale en organisant et en formant des groupes paramilitaires au Liban, Irak et Syrie. Il avait contribu\u00e9 \u00e0 la guerre contre Dae\u2019ch et fut re\u00e7u par les troupes am\u00e9ricaines \u00e0 Kirkouk en 2014. <\/p>\n\n\n\n Ses relations avec les kurdes \u00e9taient \u00e0 l\u2019image de celles qu\u2019entretiennent les puissances r\u00e9gionales avec ce peuple sans Etat : apr\u00e8s avoir mat\u00e9 une tentative de s\u00e9cession kurdo-az\u00e9ri dans le Nord de l\u2019Iran aux d\u00e9buts de la r\u00e9volution, il arma les kurdes d\u2019Irak vingt-cinq ans plus tard durant la guerre contre Dae\u2019ch, et avait \u00e0 ce titre de nombreux contacts formels ou informels avec des alli\u00e9s de la France dans la r\u00e9gion.<\/p>\n\n\n\n Fer de lance de la frange militaro-conservatrice du r\u00e9gime iranien, le g\u00e9n\u00e9ral Solemaini \u00e9tait devenu une l\u00e9gende en Iran et pour une partie des populations chi’ites arabophones ou sunnites de Gaza, sous influence de la puissante confr\u00e9rie des Fr\u00e8res musulmans.<\/p>\n\n\n\n H\u00e9raut des mostazafin<\/em>, les d\u00e9sh\u00e9rit\u00e9s du chi’isme et des courants fr\u00e9ristes \u00e0 travers le monde, il \u00e9tait une sorte de Che Guevara moderne : populaire pour ses affid\u00e9s et ses fans \u00e0 l\u2019\u00e9tranger, mais symbole d\u2019un interventionnisme militaro-affairiste, de la corruption et d\u2019une r\u00e9pression sanglante pour des franges de plus en plus remont\u00e9es de populations jeunes au Liban et en Irak qui subissent le joug d\u2019un syst\u00e8me d\u2019influence iranien redevenu imp\u00e9rialiste. En Iran, les anciens \u00e9tudiants de 1999 et les r\u00e9volt\u00e9s plus r\u00e9cents n\u2019oublieront pas la r\u00e9pression sanglante soutenue par le g\u00e9n\u00e9ral Solemaini, alors chef des Gardiens de la R\u00e9volution de Kerman.<\/p>\n\n\n\n L\u2019administration am\u00e9ricaine et ses alli\u00e9s r\u00e9gionaux doivent donc s\u2019attendre \u00e0 des repr\u00e9sailles, dont la trame \u00e9tait de toute fa\u00e7on d\u00e9j\u00e0 \u00e9crite tant ces deux imp\u00e9rialismes antagonistes sont vou\u00e9s \u00e0 une confrontation plus ou moins directe, avec la b\u00e9n\u00e9diction des deut\u00e9ragonistes saoudiens et \u00e9miriens. <\/p>\n\n\n\n Si l\u2019arm\u00e9e r\u00e9guli\u00e8re iranienne n\u2019est pas en mesure de r\u00e9sister longtemps aux assauts combin\u00e9s de frappes a\u00e9riennes am\u00e9ricaines et alli\u00e9es, il est \u00e9vident qu\u2019une tentative d\u2019invasion terrestre de l\u2019Iran serait vou\u00e9e \u00e0 l\u2019\u00e9chec sur la dur\u00e9e. L\u2019administration am\u00e9ricaine tente de calmer le jeu, mais cette nouvelle trag\u00e9die d\u2019Eschyle, auteur des Perses<\/em>, met cette fois en accusation l\u2019hubris non plus du fils du roi Xerx\u00e8s mais celui d\u2019un r\u00e9gime iranien trop s\u00fbr de lui, rejouant sous les lazzis une chor\u00e9graphie boiteuse entre conservateurs et r\u00e9formistes. <\/p>\n\n\n\n Hubris maintenant partag\u00e9 par le pr\u00e9sident Trump, non qu\u2019il ait agit dans la pr\u00e9cipitation, mais plut\u00f4t que le palier que les Etats-Unis viennent de franchir font entrer le conflit dans une nouvelle inconnue.<\/p>\n\n\n\n Quoi qu\u2019on en dise, l\u2019administration am\u00e9ricaine avait bien pr\u00e9par\u00e9 le terrain : mains libres laiss\u00e9es \u00e0 la Turquie en Syrie pour s\u2019assurer de sa fid\u00e9lit\u00e9, remise des cl\u00e9s de l\u2019Afghanistan aux Talibans qui, peu s\u2019en souviennent, avaient enfonc\u00e9 l\u2019arm\u00e9e r\u00e9guli\u00e8re iranienne sur ses flancs orientaux lors de la guerre irano-afghane de 1999, remotivation des alli\u00e9s arabes du Golfe : le r\u00e9gime iranien est maintenant aux abois d\u2019un containment<\/em> et d\u2019un encerclement toujours plus s\u00e9v\u00e8re.<\/p>\n\n\n\n La grande inconnue depuis la d\u00e9nonciation du trait\u00e9 de non-prolif\u00e9ration nucl\u00e9aire iranien par les Etats-Unis est maintenant le tempo et l\u2019intensit\u00e9 des diff\u00e9rentes phases de repr\u00e9sailles et contre-repr\u00e9sailles qui vont rythmer ces prochaines ann\u00e9es avant que l\u2019Iran ne soit en mesure d\u2019atteindre la capacit\u00e9 de production nucl\u00e9aire militaire.<\/p>\n\n\n\n Le pari risqu\u00e9 de l\u2019administration Trump d\u2019un \u00ab regime change \u00bb avant une hypoth\u00e9tique \u00e9ch\u00e9ance nucl\u00e9aire est un coup du \u00ab fou au fou \u00bb : montrer une d\u00e9termination teint\u00e9e de ruades tactiques et d\u2019incartades m\u00e9diatiques \u00e0 un r\u00e9gime pr\u00e9sent\u00e9 comme fou car il aspire \u00e0 la capacit\u00e9 nucl\u00e9aire malgr\u00e9 l\u2019embargo qui touche durement le peuple iranien.<\/p>\n\n\n\n L\u2019Iran n\u2019a que peu de ressources pour y parvenir, ni aucune intention de confrontation directe, nucl\u00e9aire ou pas.<\/p>\n\n\n\n Seul Einstein proph\u00e9tisa un \u00e9pilogue funeste \u00e0 un tel jeu, celui d\u2019un ultimatum anonyme, mena\u00e7ant de faire exploser une charge atomique achemin\u00e9e clandestinement dans un grand port \u00e0 bord d’un cargo civil. <\/p>\n\n\n\n Pour le moment, sans avoir atteint le seuil nucl\u00e9aire, le monde attend la r\u00e9plique persane \u00e0 la mort du g\u00e9n\u00e9ral. Celle-ci sera aussi le barom\u00e8tre de la sant\u00e9 et de la motivation des durs du r\u00e9gime.<\/p>\n\n\n\n *Ghislain de Castelbajac, membre fondateur de Geopragma <\/strong><\/p>\n\n\n Notes :<\/p>\n 1. C’est \u00e9crit<\/sup><\/p>\n 2. Emmanuel Razavi et Eric de Lavar\u00e8ne \u00ab Les rat\u00e9s d\u2019une traque \u00bb<\/sup><\/p>","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Maktoub 1, Le Billet du Lundi du 06\/01\/2020 par Ghislain de Castelbajac* Fin 2003, puis en 2004, dans les montagnes d\u2019Afghanistan, l\u2019arm\u00e9e fran\u00e7aise tint Oussama Bin Laden dans son viseur. L\u2019ordre de tir n\u2019arrivera jamais de la part de l\u2019Etat-major US de Bagram 2. 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