Veille effectuée par Marc Adan Ourradour*

Source modifiée : Google Maps

Les évènements de la semaine :

29/05

– L’ANL bombarde un camp militaire du GUN à Tadjourah (sud de Tripoli).

– Combats au sud de Tripoli (Ain Zara, Qasr Bin Ghashir).

– Le Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth se dit inquiet du déploiement d’avions russes en Libye.

– Entretien téléphonique entre le commandant de l’AFRICOM et le ministre de la défense tunisien. Le dossier libyen a été abordé.

– Le ministre de l’énergie turc annonce que la Turquie va commencer à exploiter le gaz et le pétrole de l’est méditerranéen comme prévu dans l’accord avec le GUN.

30/05

– Emmanuel Macron a eu un entretien avec son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi pour « un renforcement de la coordination » des deux pays afin de trouver une issue au conflit libyen. 

– L’ANL annonce avoir détruit des drones du GUN dans la région de Bani Walid.

31/05

– Entretien entre Jean-Yves Le Drian et M. Fayaz al-Sarraj chef du Gouvernement d’Union Nationale.

– Les forces du GUN continuent leur progression au sud de Tripoli et se dirigent vers l’aéroport international.

– Le porte-parole des forces du GUN demande aux forces de l’ANL présentes au sud de Tripoli, Tarhouna, Qasr bin Ghashir et Arban de déposer les armes.

01/05

– La mission d’appui des Nations unies en Libye se félicite de l’acceptation des deux parties pour reprendre les pourparlers en vue de l’instauration d’un cessez-le-feu.

– Les forces de l’ANL ont repris la ville d’Al Assaba au sud de Gharyan.

– Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, la Turquie a transféré 400 nouveaux mercenaires depuis la Syrie.

02/05

– Offensives des forces du GUN au sud de Tripoli (Qasr Bin Ghashir, aéroport international).

– Frappes de drones sur des convois de l’ANL entre Bani Walid et Tarhouna.

– Les Etats-Unis mobilisent 6,5 millions de dollars afin de lutter contre le coronavirus en Libye.

03/05

– Les forces du GUN prennent possession de l’aéroport international.

– L’ANL mène des frappes aériennes aux alentours de Gharyan.

– Les forces du GUN avancent sur Tarhouna.

– Le maréchal Haftar se rend au Caire pour un entretien avec le ministre de la défense égyptien.

04/05

– Le chef du GUN Fayezal- Sarraj a eu un entretien avec Erdogan. Dans une conférence de presse, il invite la Turquie à participer à la reconstruction de la Libye et affirme sa détermination à reprendre le contrôle de l’ensemble du territoire.

– Le groupe Etat Islamique revendique une attaque sur les forces de l’ANL dans la localité de Taminhint.

– Les forces du GUN mènent des frappes aériennes sur Tarhouna.

– Le porte-parole des forces du GUN annonce la reprise de la totalité de Tripoli.

Analyse :

Il y a un peu plus d’un an débutait l’offensive de l’Armée Nationale Libyenne (ANL) sur Tripoli. Le Maréchal Haftar contrôlait alors la majorité du territoire libyen et souhaitait faire de cette offensive la dernière étape qui mettrait un terme à la deuxième guerre civile libyenne. Cette semaine pourrait marquer la fin de tout espoir de succès pour les forces du Maréchal Haftar, même si la Russie pourrait poursuivre son soutien aérien à ses opérations par la mise à disposition des pilotes libyens de nouveaux chasseurs à partir de la Syrie. Pour l’heure, après des mois d’âpres combats, le porte-parole des forces du Gouvernement d’Union Nationale (GUN) a annoncé la reprise de l’entièreté du district de Tripoli. Les derniers points de résistance ont été la ville de Qasr Bin Ghashir et l’aéroport international. À la suite de ces revers, le porte-parole de l’ANL a été contraint d’annoncer le redéploiement de ses forces hors de Tripoli. Il demande « que l’autre partie respecte un cessez-le-feu. En cas de non-respect, nous reprendrons nos opérations militaires et suspendrons notre participation aux négociations du Commission militaire ». Ce sont aujourd’hui les forces du GUN qui ont l’initiative mais le maréchal Haftar reste maître d’une grande partie du territoire et possède des alliés puissants comme en témoigne son déplacement au Caire.

            C’est dans ce contexte que l’ONU a annoncé la reprise des négociations de la Commission militaire (5+5) suspendue il y a plus de trois mois. Il ne s’agit pas uniquement d’une négociation entre la GUN et l’ANL, mais il faut prendre en compte les alliés, qui par leur poids pèsent sur les négociations. Sans l’appui de la Turquie il est fort probable que Tripoli serait déjà tombée aux mains de l’ANL. Le Maréchal Haftar a lui profité du soutien de l’Egypte et des Emirats Arabes Unis. Les puissances étrangères ont investi de l’argent et des moyens. Il est probable qu’elles ne se contenteront pas d’une demi-victoire (ou demi-défaite) qui ne leur permettrait pas de servir leurs intérêts et détériorerait leur image de puissance.

            Quid de la France ? Paris doit faire entendre sa voix et peser sur les négociations. Sa responsabilité dans la déstabilisation de la Libye est première. Le pays est également un espace stratégique important pour elle. La Libye demeure un point de passage pour de nombreux migrants souhaitant se rendre en Europe avec les risques de déstabilisation associés. Sur ce sujet, la Turquie est un « interlocuteur » de poids et son influence grandissante en Libye lui donne un levier inquiétant sur la stabilité sécuritaire et culturelle de l’UE. De plus la présence de milices islamiques en Libye n’est pas un secret. La France — qui a subi des attentats en plein cœur de Paris— ne peut que s’inquiéter de la montée en puissance de milices islamiques dans l’espace méditerranéen. Enfin dans le cadre de l’opération Barkhane, la France s’est engagée dans la lutte contre les groupes terroristes présents dans la bande Sahélo-Saharienne et l’évolution du conflit libyen peut avoir des conséquences sur toute la région. Notre participation à l’opération maritime européenne IRINI qui vise à faire respecter l’embargo sur les armes sans engagement direct dans les combats est une autre raison de conserver un regard sur la crise libyenne et doit prendre conscience que tout espace d’influence abandonné sera mécaniquement récupéré pas une autre puissance régionale ou globale.

*Marc Adan Ourradour, stagiaire chez Geopragma


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